Elections et débat national

Santé et Présidentielle : les propositions des Républicains

La campagne présidentielle a commencé et, après les différentes crises, nous avons interrogé les candidats et des représentants de la société civile sur leurs propositions de réforme de la Santé. Aujourd’hui, l’interview du Pr Marie-Christine Gros-Favrot, orateur santé de la candidate Valérie Pécresse.

  • Niyazz/istock
  • 01 Avr 2022
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    Le Pr Marie-Christine Gros-Favrot est oncologue, ancienne chef de service au CHU de Lyon et de Grenoble, ancienne vice-présidente de l’université de Grenoble pour les sciences de la vie, ancienne directrice de l'évaluation des risques à l'AFSAPS, et ancienne adjoint du Directeur Général de la Santé sous Marisol Touraine. Elle a également travaillé au Conseil Économique et social et a été au conseil d'administration de la Croix-Rouge Française. Elle a participé à l'élaboration du programme santé et est l’une des orateurs santé pour Valérie Pécresse.

     

    On a vécu beaucoup de crises depuis quelques années. Quelle est l'analyse que vous faites des problèmes rencontrés par le système de santé face à ces crises ? Et quelle est la philosophie de ce que vous proposez pour en sortir ? 

    On a traversé plusieurs crises, dont une crise excessivement importante. Mais personnellement, dès 2017, je disais que notre système de santé ne pourrait pas tenir cinq ans de plus. Hélas, j'aurais préféré ne pas avoir eu raison. Pendant cette crise, on a eu un pays qui a manqué à peu près de tout : on a manqué de masques, on a manqué blouses, on a manqué de lits de réanimation et, tout ça, c'est lié à un manque d'anticipation.

    Je pense que le problème le plus grave, et celui auquel nous voulons nous attaquer, c'est qu'on a une gestion qui est à la fois complètement technocratique et trop centralisée. Pendant les dix ans des quinquennats Hollande et Macron, il n'avait qu'une obsession : c’était de faire des économies. Je ne suis pas contre les économies, mais c'était de mauvaises économies. Au final, on a fait 10 milliards de mauvaises économies pour, en fin de crise, avoir 40 milliards de déficit de la Sécu. C'est aussi un problème de gestion. La santé, c'est une entreprise, certes sociale et solidaire, mais c'est quand même une énorme entreprise et donc elle doit être gérée correctement. Autre question grave : on a désormais des retards de prise en charge de pathologies très lourdes et cela va avoir un impact humain et financier majeur dans les cinq ans à venir.

    Quant aux déserts médicaux, on a 7,4 millions de Français qui vivent dans des déserts médicaux, souvent ruraux, mais on sait aujourd'hui qu'on ne trouve pas de médecin à Paris non plus. Il y a 5 millions de Français qui sont sans médecin traitant, mais il y a encore plus de Français qui attendent des semaines pour avoir un rendez-vous chez leur généraliste et encore plus chez un spécialiste.

    Enfin, dernier point que je tire de ces cinq dernières années, c'est un Ségur de la santé qui a été raté : on a mis 11 milliards d'euros de revalorisation salariale pour une petite partie des soignants et, malgré tout, ils ne veulent plus continuer à travailler. On a 80000 infirmiers diplômés qui n’exercent pas et on sait très bien que 15% des lits sont fermés parce qu’il n’y personne à mettre autour : les lits, eux, ils sont toujours là. Et parmi les 11 milliards d'euros investis dans le Ségur, on a repris la dette des hôpitaux et des Epad à hauteur de 8 milliards mais on n'a pas fait l'ébauche d'une seule réforme, alors que ce sont des réformes qui ont été déjà faites par les pays qui nous entourent. 

    Si on reprend les problèmes que vous dénoncez, il y a en premier les déserts médicaux. Que proposez-vous ?

    Quand on rentre dans le détail, on voit bien qu'on a une situation de la démographie médicale et paramédicale qui pose des problèmes dans certaines régions. Et ça, cette diminution des forces de la santé, ça ne date pas d'hier, cela date de quand on a décidé d'augmenter le numerus clausus. Mais en attendant, pour les 5 à 10 prochaines années, comment on va s'en sortir avec les quelques médecins qui restent et qui malheureusement partent à la retraite ? 

    D'abord, on a décidé d'augmenter réellement le numerus clausus. Vous savez que c'est ce qu'avait aussi décidé Madame Buzyn, dans la loi Ma santé 2022. Le problème, c'est qu'il n'a pas été beaucoup augmenté en pratique. Pourquoi ? Parce que les facultés ne peuvent pas recevoir les étudiants. Entre le PASS, le LASS, le numerus clausus soi-disant augmenté, ce sont deux années de jeunes sacrifiés. Donc la première chose, dans la réforme de Valérie Pécresse, c’est une véritable volonté de revoir le problème de l'accueil de ces étudiants à l'université à travers un projet d'augmenter le nombre de terrains de stages. En théorie, les étudiants peuvent faire deux stages dans le privé, mais en fait, on sait qu’il y a un blocage entre public et privé. Parce que dire qu'on augmente le numerus clausus sans moyens, ce n’est pas possible.

    La deuxième chose, c'est parce que l’on ne peut pas promettre aux français que tous les infirmiers qui ont quitté leur travail vont revenir demain matin et que l’on ne peut pas de promettre qu'il y aura plus de médecins puisqu'il faut dix ans pour les former. Donc ce qu'il faut pour lutter contre les déserts médicaux, tout de suite, c'est permettre aux professionnels de santé qu'on a sur le terrain de pouvoir travailler mieux, c'est-à-dire de consacrer plus de temps aux soins. J'ai beaucoup échangé pendant cette campagne avec des professionnels de santé responsables des déserts médicaux. J'ai échangé avec l'Association des citoyens contre les déserts médicaux et avec le président de l'ordre du plus grand désert médical. Ils disent tous la même chose : « si on nous laisse nous organiser sur le terrain, on peut faire des choses ». On ne va donc pas faire des merveilles mais on a compris qu'il fallait qu'on s'organise avec le terrain : c'est ça la base du raisonnement. Et la proposition majeure de Valérie Pécresse, et elle est la seule à la faire, c'est la décentralisation. On ne peut pas continuer à gérer tout depuis Paris, comme on ne peut pas continuer à imaginer des solutions à Paris, quelle que soit l'intelligence des gens qui y sont. On ne peut pas continuer à bombarder de circulaires les ARS qui n'ont plus aucun rôle. Donc, c'est la décentralisation avec des ARS qui seront présidées par les régions et avec dans le conseil d'administration des représentants des territoires, des élus, des usagers, des professionnels en nombre très supérieur à ce qui est le cas aujourd'hui.

    C'est parce qu'il y a décentralisation que l'on croit à la possibilité de faire un choc de dé-bureaucratisation. Aujourd'hui, tous les professionnels de santé le disent, ils passent plus de temps derrière l'ordinateur qu'avec les patients. Il ne s'agit à aucun moment de revenir sur la qualité. Mais les normes, les recommandations de bonnes pratiques, les circulaires qui sont parfois contradictoires, n'ont rien à voir avec la qualité. La qualité, elle doit être basée sur des critères définis en accord avec les soignants et les usagers, et, par exemple, le délai à la prise en charge, c’est un critère qualité pour une fracture du col du fémur, pour un cancer, et c’est aussi un critère qui est important pour le patient. 

    Enfin, Valérie Pécresse, et c'est la seule qui le dit aussi, propose une loi de programmation et de financement pluriannuel. Pourquoi nous insistons, c'est parce qu'on ne peut plus avoir de vision au jour le jour. Si on veut réformer, que ce soit sur les territoires ou dans l'hôpital, il faut pouvoir investir. Or, les investissements, c'est sur cinq ans. C'est quelque chose qui était demandé avec insistance par les soignants et nous voulons le faire.

    Mais, localement, comment organisez-vous les choses en pratique ? 

    Sur les territoires, Valérie Pécresse a décidé de faire le pari de la confiance. La confiance dans les acteurs, dans les usagers, entre les acteurs et les usagers. Ça veut dire que pour l'instant, elle ne fait pas de régulation telle qu'on la connaît, c'est-à-dire une régulation entre les zones sous dotées et les sur-dotées. Pourquoi ? Parce qu'on est tout à fait conscient que le système de santé est dans un tel état que, quoi qu'il arrive, on va demander des efforts majeurs aux soignants et aux usagers, et que c'est tous ensemble qu'on doit se mettre au travail, qu'on doit modifier nos modes de fonctionnement, notre façon de considérer l'utilisation des professionnels par les usagers. Donc c'est pour ça que pour l'instant, on part sur la confiance.

    La deuxième chose, c'est qu'il faut redonner aux soignants un sens à leur carrière. En tout cas, il faut les aider à travailler. Alors, bien sûr, on va mieux les rémunérer et porter à 30 € la consultation, mais ça ne suffit pas. Avec la décentralisation, c'est un véritable travail que Valérie Pécresse va demander aux élus locaux : celui de prise en charge des nouveaux soignants. C'est-à-dire de prendre aussi en compte les logements, les transports, les crèches. Chacun doit être écouté et on essaye de trouver la meilleure solution, que ce soit dans une maison de santé ou en libéral où il faut les aider à trouver un local, parce que c'est ça qui est compliqué. C'est ça que craignent les jeunes médecins qui ne veulent pas s'installer. Je rappelle que Valérie Pécresse a fait des propositions très intéressantes pour les gardes d'enfants en milieu rural et ça, c'est un point-clé puisque la majorité des jeunes médecins sont des femmes désormais.

    Autre point majeur des organisations locales, c’est rendre effective la coopération entre les soignants. Cela veut dire que les délégations de tâches, ce sera normé : on ne délègue pas tout à n'importe qui. C'est Paris et le Ministère qui définit les normes mais cette coopération doit être organisée sur le territoire. Faisons confiance aux soignants et à l'infirmière qui va au chevet des personnes âgées, au pharmacien qui délivre les médicaments, à l'aide-soignante... Tous ces soignants sont capables de collaborer entre eux localement et de s'organiser avec des règles qui sont celles qui sont imposées par la loi, mais sans qu'on les oblige à monter, j'allais dire encore des structures supplémentaires. 

    Des structures locales comme les CPTS ?

    Oui, comme les CPTS, parce que les CPTS, c'est avant tout des réunions et des médecins coordonnateurs. Donc si on enlevait des médecins coordonnateurs et qu'on en faisait des médecins généralistes, peut-être qu'on en aurait un peu plus. On regorge de médecins coordonnateurs, d’infirmiers coordonnateurs, on a des coordinateurs partout !

    On n’en a pas besoin partout parce que cinq soignants entre eux, ils se coordonnent très bien tous seuls, autour du référent qui est en principe le médecin. Par contre, cette crise sanitaire nous a montré que sans les pharmacies, on n'aurait pas pu tenir. Alors, on peut le souligner et on peut quand même définitivement leur donner un rôle dans la prise en charge du patient et dans l'organisation d'un système de soins.

    Et pour les stages d’internes de médecine générale et la 10ème année ?

    En dehors de ces solutions qu'on va proposer par territoire et qu'on va demander aux territoires d'initier, d'expérimenter sans leur mettre de frein, Valérie Pécresse a proposé une 10ᵉ année d'études pour les internes en médecine générale qui sera faite dans les déserts médicaux avec des CDD type « Docteur juniors ». Je n'aime pas cette expression mais elle existait déjà.

    Mais ces médecins juniors, ils ne travailleront dans les déserts médicaux que s’ils peuvent y avoir un référent et un soutien des territoires. Cela va probablement les rassurer tout en leur permettant de comprendre qu'on peut travailler dans des déserts médicaux parce que, même dans une zone sous-dotée, avoir de l'aide. 

    Dans cette perspective, vous utilisez aussi la technologie et la télé-expertise ? 

    La télé-expertise, le référent à distance, les liens avec l'hôpital…, parce que les jeunes médecins ont l'habitude d’avoir accès à une panoplie d'examens qui facilitent le diagnostic mais qui sont plus compliqués à obtenir quand on est dans un désert médical. Parce qu'il faut 20 minutes pour aller au laboratoire médical et une demi-heure pour la radio et qu'on n'est pas sûr que le patient qu'on relâche dans la nature va y aller.

    C'est tout ça qui les inquiète et c'est pour cela qu’ils doivent arriver dans un réseau local qui leur permettra de voir que sur place, on peut appeler quelqu'un et on peut partager sur un diagnostic, ce qui lèvera les inquiétudes.

    Donc vous faites venir des internes et vous faites travailler les gens en réseau. Est-ce que vous mettez des assistants administratifs ? Est-ce que vous incitez les vieux médecins à rester un peu plus ?

    Valérie Pécresse s'est effectivement exprimée en faveur des assistants administratifs partagés, plus que pour un seul médecin. Mais on peut imaginer aussi un assistant médical pour un groupe de soignants, médecins et paramédicaux, qui collaborent entre eux. Donc il y a plusieurs possibilités.

    Concernant les médecins les plus âgés, on comprend bien qu'à 70 ans, ils ne vont pas continuer à travailler 60 heures par semaine, ce qui est à peu près le lot des médecins de campagne. L'idée, c'est qu'on adosse un jeune médecin à un médecin senior, qui est toujours là en référent. Il peut être appelé pour des cas compliqués, il peut déléguer progressivement sa patientèle.

    Au-delà de ce parrainage par le médecin senior sur les territoires, avec les ARS, il faut préparer la retraite des généralistes en leurs permettant de se retirer progressivement parce qu'un jeune arrive. Mais trop souvent on ne les rapproche pas assez.

    Un autre problème actuel, c'est les relations entre la ville et l'hôpital, avec le problème connexe des urgences. Comment raisonnez-vous face à cette problématique et quelles sont vos propositions ? 

    On en revient toujours à la même chose, c'est-à-dire que tout étant structuré et réglé depuis Paris, on s'aperçoit qu'on a un mur entre l'hôpital et la ville. Un mur qui s’est aggravé d’un mur financier, puisqu'il y a des fonds qui sont non fongibles pour les services entre l'hôpital et la ville. Mais, à partir du moment où on dit à une ARS qui a un désert médical : « vous vous débrouillez comme vous voulez sur ce territoire, mais il faut que ça marche entre la ville et l'hôpital, et les moyens financiers seront donnés pour un système que vous allez mettre en place ». Cela a une chance de fonctionner car, on l'a vu pendant la crise, le cloisonnement hôpital-ville, public-privé, il y a des régions où on est passé outre et ça a très bien marché. Il y a bien sûr des régions où ça n'a pas marché du tout, mais il y a des régions où le public et le privé ont collaboré, où la ville et l'hôpital ont collaboré.

    Pourquoi est-ce que cela a marché ? Parce que l'on a arrêté de mettre des règles. C'est un point-clé : pour l'hôpital, Valérie Pécresse veut plus d'autonomie, donc moins de textes ou de normes et une délégation plus importante aux chefs de service. Ce qui ne veut pas dire qu'on oppose médecins et administratifs. Les administratifs dans les hôpitaux font beaucoup de choses et s'ils sont nombreux, c'est parce qu’il y a beaucoup d'administratif à faire. Donc il faut enlever de l'administratif et il faut redonner plus de latitude aux chefs de service, sur leur budget, sur le recrutement des soignants, sur l'organisation des temps de travail des soignants dans un dans un service. C'est la seule façon par laquelle on peut faire admettre l'annualisation du temps de travail. C’est le chef de service qui peut la mettre en place car cette annualisation n'est pas la même suivant les services.

    Mais donc ça veut dire que vous revenez un peu sur les Pôles et les GHU ?

    On n'a pas été jusqu'à revenir sur les pôles et les GHU. Notre sentiment est que les GHU sont des usines à gaz mais si l'usine à gaz fonctionne bien parce que les gens qui y travaillent sont intelligents, pourquoi pas. Mais notre volonté, ce ne sera pas de continuer à demander aux gens de passer des heures et des heures à voir comment ils vont travailler ensemble à partir de différentes conventions. Notre philosophie, c’est de baser les coordinations sur les liens logiques entre les professionnels et une ouverture beaucoup plus large au privé. 

    Cette ouverture beaucoup plus large au privé, est-ce que cela veut dire que vous allez jusqu'au statut du praticien unique ?

    Là encore, ce n'est pas inscrit dans le programme en tant que tel, mais ce sont des choses que nous avons discutées et qui sont claires. Il faut beaucoup plus de souplesse, beaucoup moins de règles, beaucoup plus de temps partagé. Il faut permettre finalement à chacun, de choisir le mode d'exercice qui lui convient, qui convient aux structures dans lequel il travaille. Et on le sait qu'aujourd'hui, c'est une demande forte des praticiens hospitaliers.

    À mon époque, on pouvait être hospitalier à mi-temps et dans le privé à mi-temps et on avait un véritable intérêt à le faire parce que les exercices étaient un peu différents, qu'ils étaient complémentaires. Et surtout, parce que cela fluidifiait le passage d'un établissement à l'autre. 

    Il y a le problème des urgences avec des rapports de l'Igas qui disent qu'il y aurait 70% des patients qui n'ont rien à faire aux urgences mais qui y vont parce qu’ils n'ont pas de médecin ou parce qu’ils n’ont pas d'argent. Comment est-ce que vous envisager la réponse à ce problème ? 

    C'est la problématique de l'organisation de la permanence des soins et ça fait partie du programme et cela fera partie de la feuille de route des ARS. Il n'y aura pas de régulation qui obligera les patients à aller à tel ou tel endroit mais, à un moment donné, la permanence des soins est absolument indispensable en ville. Elle doit être organisée pour désengorger les hôpitaux parce qu'effectivement les gens vont aux urgences parce qu'ils ne savent pas où aller. Dans les grandes villes, on appelle SOS Médecins et on paie 90 € si on peut, mais si on ne peut pas, on n'appelle pas et, dans les campagnes, ça n’existe pas. Donc la permanence des soins en ville, c’est indispensable. 

    C'est le service d'accès aux soins avec un numéro unique régulé ?

    Là encore, on n'a pas travaillé sur les numéros uniques. À un moment donné, il y a eu ces grandes discussions sur le sujet des numéros et elles se poursuivent. Mais, il va falloir remettre les gens autour de la table parce qu'on ne va pas pouvoir, pendant des années avoir le Samu avec son système, les pompiers avec le leur, et les libéraux avec un troisième numéro. On fait confiance aux soignants, mais on demande quand même des efforts et une régulation.

    De la même façon, il faut qu'on arrête d'exclure le privé des urgences. Le privé a des urgences, dont certaines qui marchent très bien. Le privé a des maisons de garde qui marchent très bien. Les maisons de garde sont essentiellement privées mais elles sont en secteur un, et il faut que le public apprenne à y aller et que le Samu apprenne à donner la liste de ces maisons de santé, même si elles sont privées.

    Est-ce que vous voulez dire un mot sur la prévention qui est la bouteille à l'encre de la santé en France ? 

    La prévention, c'est effectivement une bouteille à l'encre mais pour laquelle Valérie Pécresse, s'est donné comme objectif d'augmenter la durée de vie en bonne santé de trois à dix ans. À mon avis, c'est un objectif ambitieux, et je le dis en tant que médecin. Mais, puisqu'on a dix ans d'écart sur la durée de vie en bonne santé avec la Suède, elle veut doubler les moyens dédiés à la prévention.

    Elle veut une fois de plus une stratégie nationale et un déploiement de la prévention dans les territoires en engageant fortement les départements et l'ensemble des professionnels de santé. C'est-à-dire que la prévention, ce n'est pas uniquement le médecin, ça peut être d'autres professionnels. Et c'est de faire de l'école et de l'entreprise, les premiers leviers de prévention, mais en étant parfaitement conscient de l'état de la santé scolaire et de la santé au travail.

    Pour la santé scolaire, il est possible de faire rentrer les professionnels libéraux dans l'école, autrement, nous n'y arriverons pas. Je donne toujours deux exemples parce que j'ai beaucoup travaillé avec les kinés et des orthophonistes. Les kinésithérapeutes disent : « mais nous, si on pouvait voir les gamins dans les écoles vers douze-treize ans, quand ils se courbent tous, quand ils grandissent trop vite, et qu'on pouvait, à base de quelques séances, les redresser, on n'aurait pas à 40 ans, des gens tordus ». C'est très pratico-pratique, mais c'est vrai également pour les orthophonistes. Ça fait cinq ans qu'elles ont expérimenté sur un territoire un système de dépistage des « dys », avec un programme très rapide qui prend moins de quinze minutes. Et ça leur permet de dire s’il y a ou pas problème en 15 minutes et d’orienter l’enfant vers un orthophoniste s’il y a un doute pour un bilan plus complet. C'est très rapide et ça évite le médecin scolaire qui a un doute ou la maîtresse qui ne sait pas s’il faut dire aux parents qu'il y a un problème, qu'il faut aller voir l'orthophoniste, ce qui est compliqué surtout si c’est un désert médical.

    Et puis Valérie Pécresse veut une forte mobilisation autour de la santé mentale et de la santé des femmes. Et la santé des femmes, c'est beaucoup de prévention, dont la prévention cardiovasculaire, comme redonner les signaux d'alerte pour les femmes qui sont différents de ceux des hommes.

    Est-ce que vous vouliez développer un point sur lequel je ne vous ai pas interrogé ? 

    Valérie Pécresse a aussi un chapitre sur l'innovation parce que même s'il y a urgence à réparer la santé, il faut aussi continuer à innover. Donc, il faut renforcer les partenariats public-privé au sein des CHU, et avoir une échelle européenne pour l'innovation.

    Le dernier point important, c'est que dans son programme, elle a trois priorités : « protéger, éduquer et soigner ». Et ce sont trois secteurs dans lequel elle va réinvestir parce qu'elle pense qu’ils sont tellement abîmés qu'on ne pourra pas y arriver sans réinvestir.

    Elle propose de réinvestir comme les autres, mais moyennant quoi il faut faire des économies. Et donc elle propose des économies ailleurs, en particulier dans la grande fonction publique et par ailleurs, elle dit qu’il faut travailler plus et travailler plus longtemps. Et la base de son programme, c'est quand même ça pour réinvestir dans les trois secteurs qui vont mal et qui sont prioritaires. Mais si on veut faire redémarrer la France, faut aussi redémarrer la Santé. 

    Avec une politique de réindustrialisation sur le médicament ? 

    Exactement. Mais le problème de la réindustrialisation, c'est un problème au niveau français, mais c'est aussi beaucoup un problème européen parce qu'il faut quand même rester modeste. On ne pourra pas tout ramener en France.

    Mais il faut qu'on puisse avoir tout en Europe, parce qu'il y a actuellement un problème d’indépendance vis-à-vis du médicament, il y a la problématique des génériques, régulièrement contaminés et en rupture, il y a la problématique des matières premières… Donc, c'est plutôt l'Europe du médicament. 

    Et votre message final ?

    Notre message final, c'est que la santé est une priorité pour Valérie Pécresse. La santé va mal et c'est pour ça qu'on va réinvestir et remettre en ordre le système.

    On va réinvestir parce qu'on considère qu'il faut effectivement augmenter les salaires des soignants. Et on veut aussi donner du sens et réenchanter les métiers, en décentralisant et en permettant aux professionnels de santé de s’organiser entre eux, et au mieux des contraintes de leur territoire. Mais ça ne sert à rien de faire venir un médecin ou un infirmier s'il n'y a pas un maire derrière, un élu qui pense à l'ensemble de l’organisation territoriale. 

    Au-delà, le très grand rôle que vont avoir ces soignants, à partir du moment leur aura donné une certaine liberté et qu'on leur a redonné du temps, c'est de réapprendre aux usagers à bien utiliser notre système de santé. 

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