Elections et débat national
Santé et Présidentielle : plus de coordination médecins-paramédicaux et de collaboration avec l'hôpital
La campagne présidentielle a commencé et, après la crise de l’hôpital et la pandémie Covid-19, nous avons interrogé les candidats et des représentants de la société civile pour avoir leurs propositions de réforme de la Santé. Aujourd’hui, l’interview du Dr Jean-Paul Hamon, président d’honneur de la FMF.
- sefa ozel/istock
Le Dr Jean-Paul Hamon est médecin généraliste, installé depuis 49 ans dans un cabinet de groupe à Clamart (Hauts-de-Seine) et syndicaliste. Il est aujourd’hui Président d’Honneur de la FMF et continue son combat pour la défense des médecins libéraux.
À votre avis, dans la santé en France, qu’est-ce qui marche actuellement et qui est ce qui ne marche pas ?
Rien ne marche. Tous les Français constatent, que la désertification médicale libérale est galopante. On est atterré de voir la Cour des comptes sortir un rapport prônant la coercition pour l’installation des jeunes médecins et de voir quelques abrutis qui se ruent derrière elle pour dire la même chose. Or, l'Ile-de-France est le premier désert médical de France. La France entière se désertifie : les Français ont de plus en plus de mal à trouver des médecins traitants. Dans une commune comme la mienne, à Clamart qui est loin d'être une zone, on vient de perdre notre sixième généraliste en trois ans, non remplacé. Dans le même temps je suis passé de 1740 patients il y a trois ans, à 2458 maintenant. Et donc, forcément, on voit les délais de rendez-vous s'allonger et notre crainte est de passer à côté d'une urgence.
Donc, la désertification galope, les vocations sont rares, les médecins s'en vont sans être remplacés d'une part. Et d'autre part, on voit bien que, dans les hôpitaux, les soignants ne sont pas non plus heureux de leurs conditions de travail. L'exemple récent de Frédéric Bizard qui a décrit son cauchemar aux urgences après une fracture du bassin est là pour illustrer le manque de moyens et la désorganisaton. Il est resté pendant des heures sur un brancard, et a fini par faire jouer ses relations pour se sortir d'affaire. Mais qu'est-ce qui se serait passé s'il n'avait pas eu le portable d'un chef de service qui a contacté le chef des urgences où il était pour qu'on s'occupe enfin de lui. Cet exemple médiatisé illustre la triste réalité des services d'urgences où les patients s'entassent sans la moindre régulation et où les soignants manquent totalement de moyens.
Malgré cela, l'hôpital voudrait s'étendre sur la ville en y gérant les soins : il suffit d'entendre le discours de Frédéric Valletoux. Que ne grave-t-il en lettres d'or à la direction des hôpitaux publics la phrase que Jean-Marc Ayrault avait prononcé à Grenoble la ville de notre actuel Ministre de la Santé : « l'Hôpital ne doit plus faire ce qui peut être fait en ville ». C'est la base. L'Hôpital ne doit plus faire ce qui peut être fait en ville et la ville doit avoir les moyens d'empêcher les hospitalisations et de les raccourcir.
Quand on voit que l'idée forte de ce gouvernement, c'est les CPTS les « communautés professionnelles territoriales de santé », çà illustre la victoire de l'administration ! Oser dire que les CPTS vont dégager du temps médical… alors que la réunionite inhérente à ce type de communauté va surtout produire du temps administratif et ce temps administratif c'est forcément du temps médical en moins.
On a pu lire, qu'en l'absence de médecin, la CPTS pourrait être le médecin traitant. On peut légitimement s'inquiéter sur la qualité de prise en charge du patient sans se faire accuser de corporatisme. J'ai pourtant une sincère admiration pour les médecins qui ont dépensé beaucoup d'énergie et de temps pour monter des CPTS, mais je ne peux m'empêcher de penser au réseau de maintien à domicile des personnes âgées et handicapées que nous avions monté avec les médecins des 8 communes autour de Clamart. Alors que nous avions plus de 250 patients en file active et que cela rendait un vrai service aux patients et aux médecins, et que même des auxiliaires de vie se joignaient aux formations que nous organisions pour la prise en charge de la douleur chez la personne âgée, le réseau n'a pas été reconduit car « nous ne faisions pas assez d'évaluation !! » L'administration encore et toujours l'administration.
Quel type de réforme faut-il envisager alors ? Est-ce que c'est une véritable refonte qu'il faut prévoir à court terme ?
Il faut définir clairement le rôle que chacun doit tenir et s'y tenir, enrayer la désertification en redonnant de l’attractivité et des moyens à la médecine libérale, supprimer la concurrence entre la ville et l’hôpital en instaurer une véritable collaboration pour le bénéfice du patient et enfin, respecter les soignants.
En ville, il faut s'appuyer sur le couple médecins-infirmières et que les patients aient un médecin-traitant et pour les patients de plus de 50 ans et en ALD une infirmière-correspondante. Il faut aussi que le pharmacien cesse de subir la concurrence des prestataires à la sortie des hôpitaux, afin qu’il se concentre sur son métier : « la pharmacie de proximité, c'est LA sécurité sanitaire ». Je m'étonne toujours de voir les syndicats de pharmaciens s'évertuer à chercher des marges ailleurs, sur les autres professions. La sécurité sanitaire, ce n'est pas rien. Supprimons les prestataires à la sortie des hôpitaux : ils n'améliorent pas l'organisation sanitaire et concurrencent les pharmaciens de proximité qui essayent à leur tour de se refaire une santé sur le dos des autres professions, infirmiers, où médecins. À terme on dégrade la qualité de prise en charge des patients.
On ne va pas vous prendre en charge médicalement quand vous êtes dans une officine. Le traitement d'une angine ne se résume pas à un TEST D'ANGINE et le décret qui de mars 2020, donc en pleine pandémie, pondu par des administratifs et qui permet aux pharmaciens d’apprendre à palper les fosses lombaires après une formation de 4 heures laisse rêveur. C'est la médecine en 10 jours. Et çà n'est pas sérieux et çà n'est pas être corporatiste que de dénoncer ce genre de chose qui une fois de plus dégrade la qualité de prise en charge du patient. J’ai défilé avec les pharmaciens quand le ministre délégué à l’économie un certain Emmanuel Macron, voulait vendre les médicaments en grande surface car le pharmacien de proximité est une sécurité sanitaire je le répète !!
Définir le rôle de chacun
Que l'hôpital ne sorte pas de ses murs et ne fasse que de l'hospitalisation, mais ait les moyens de l'hospitalisation. J'ai souvent pris l'exemple de l'école de l'asthme à l'hôpital : on mobilise des internes, des infirmières, des pneumologues pour dire, au final, qu'il ne faudrait pas mettre de moquette dans la chambre et que le cochon d'Inde ou le chat n'ont pas leur place dans la maison. Ces soignants-là, ils seraient bien plus utiles dans les services.
Que l'hôpital fasse de l'hospitalisation et que la ville ait les moyens d'éviter les hospitalisations et de les raccourcir. Il n'y a pas 50 façons de raccourcir les hospitalisations, je pense notamment aux personnes âgées. Il faut s'appuyer sur le couple médecin-infirmière, et que le pharmacien ait les moyens de mettre à rapidement disposition le lit médicalisé, la chaise percée, l'oxygène s'il le faut. Il n'y a pas besoin de prestataire, le pharmacien peut le faire. Et puis, que les infirmières et les médecins soient en relation étroite avec les spécialistes locaux et les communautés de communes, de façon à pouvoir obtenir, dans les 3 h ou dans les 6 h, une auxiliaire de vie, un portage de repas, voire une télé-alarme. Valoriser le couple médecins-infirmières, donner au pharmacien les moyens de distribuer rapidement les ressources nécessaires, et avoir des CCAS réactifs pour mettre à disposition personnel et portage de repas : on évite des hospitalisations ou, en tous cas, on raccourcit leur durée .
C’est une organisation simple qui peut se passer des communautés professionnelles territoriales de santé, qui ne font actuellement qu'enrichir les gens qui font les contrats des CPTS et qui ne créent de l'emploi que pour les coordonnateurs de médecins de communauté professionnelle, territoriale, de santé. C'est beaucoup de paperasse peu de soins !
Donc il vous faut aussi un administratif en plus de l'infirmière ?
NON ! Il faut un vrai forfait médecin-traitant et un vrai forfait infirmière-coordinatrice. Il faut un lien étroit avec les CCAS, c'est une vraie organisation sanitaire locale et ça fonctionne simplement. Le forfait, c'est en échange d'une coordination et d'une continuité des soins. Et si l'hôpital se concentre sur son rôle de l'hospitalisation, même maintenant, dans la situation actuelle, je pense qu'on peut dégager du personnel qui serait bien plus utile dans les services.
Et on ne prend pas le chemin d’une réforme de ce type ?
Visiblement les 3 grandes idées du gouvernement ce sont les CPTS, le SAS et l’espace Santé-patient. Les CPTS on vient d’en parler. Le SAS qui concerne l’organisation de la prise en charge des soins non-programmée, nos dirigeants pensent que les Français sont trop bêtes pour faire le 116/117 quand ils n'ont pas de médecin traitant, et qu’ils estiment avoir besoin d’un médecin. Visiblement, ces même personnes imaginent une plateforme où le patient va se choisir un rendez-vous avec le médecin de son choix, selon ses envies, sans aucune régulation ni coordination des soins… C’est la dérégulation du système de soins qui est « en marche ».
Récemment, j'étais dans les locaux du Samu 92 où il y a depuis toujours des régulateurs libéraux et je leur disais : « mettons en place le 116/117 dans vos locaux, les libéraux sont déjà là et si vous estimez que l’appel est une urgence c'est facile de transmettre ça au centre 15 pour la prise en charge d’une véritable urgence ». Le 116/117, c'est une régulation libérale, on a besoin d’un répertoire des ressources pour que le régulateur sache de quoi il dispose dans tel ou tel secteur, de façon à orienter le patient selon les disponibilités et apporter une réponse de consultation adaptée aux besoins du patient dans les 24 ou 48 heures.
Ce ne sont pas des urgences, c'est une demande de soins à programmer et le 116/117 peut y répondre simplement. Or, ce qui est imaginé actuellement, c'est la création d'une plateforme informatique, c'est l'ubérisation de la santé : le patient, il se vote son rendez-vous avec un médecin généraliste ou spécialiste, sans aucune régulation et encore moins de coordination.
Et qu'est-ce que cela pose comme problème pratique ?
J'ai l'exemple actuellement de patients qui sont allés voir tel ou tel spécialiste choisi sur Doctolib… et j'attends encore le courrier du spécialiste qui a été consulté. Il n'y a aucune coordination avec le médecin traitant et ça, se fait avec la bénédiction du gouvernement. Rappelons que quand Cédric O, a été nommé ministre, il n'était pas encore passé dans son ministère qu'il tenait déjà une conférence de presse chez Doctolib.
Et on a vu ce qui s'est passé avec la prise de rendez-vous de la vaccination Covid : on a filé les clés du camion à Doctolib, et je veux bien prendre les paris que c’est Doctolib qui sera chargé de cette fameuse plate-forme du SAS. Quand on sait que Doctolib a des ambitions dans la téléconsultation, on peut légitimement s’inquiéter sur le parcours de soins et la coordination. De plus, à ma connaissance les données de santé de Doctolib sont hébergées chez Amazon. Qu'Amazon soit hébergeur de données de santé et garante de la confidentialité des données de santé des français, je ne pensais quand même pas qu'ils auraient poussé l'humour jusque-là !
Un mot sur « l’espace santé patient », ou EST, conduit par les mêmes qui ont « élaboré » le fameux DMP. Cela laisse quelques espoirs aux malheureux médecins traitants qui UNE FOIS DE PLUS seraient OBLIGÉS à disposition le fameux résumé de dossier patient en échange d’une aumône.
Et concernant les déserts médicaux, est-ce qu'il y a une réponse urgente possible pour les prochaines années, en attendant bien sûr qu'on forme des médecins ?
Il y a une réponse d'urgence à apporter dans les agglomérations et une réponse urgente dans les zones éloignées des facultés. Il faut impérativement qu'on incite les médecins à se regrouper, mais qu'on donne les moyens aux médecins de se regrouper. Le regroupement peut être aussi virtuel en instaurant un partage de fichier entre médecins.
Dans les grandes agglomérations, il faudrait des réserves immobilières de 300 mètres carrés, accessibles, où on incite les médecins à s'installer ensemble. Je suis dans un groupe de cinq médecins généralistes et je connais les conditions pour cohabiter avec mes collègues. Il faut avoir son propre cabinet, avoir des locaux communs, comme une salle d'attente : on est cinq, on a deux salles d'attente. Avoir chacun son cabinet où personne d'autre que vous ne rentre limite le risque de friction. Avoir un secrétariat présentiel facilite l’existence, permet un accueil des patients et limite les tâches administratives. AAvoir un fichier informatique partagé depuis 25 ans crée les conditions de la coordination et de la continuité des soins : Ces 3 conditions doivent être la base des conditions d’exercice.
Dans les grandes agglomérations, le coût de l'immobilier et la consultation à 25 € n’incite pas à l’investissement pour travailler dans des locaux suffisants pour se regrouper et accueillir correctement patients et internes. Je crois même qu’en Ile-de-France, on a toujours une taxe sur les bureaux supérieurs à 100 mètres carrés. Çà donne envie. Il faut donc créer des réserves foncières de 300 mètres carrés dans les grandes villes pour que les médecins puissent s'installer ensemble et avoir un partage de fichiers pour créer les conditions de la coordination.
Dans les zones désertiques, avec un habitat dispersé, le partage de fichier permet le « regroupement virtuel » car les médecins de Royère-de-Vassivière m'avaient dit gentiment : « Une maison ou un groupe médical, chez nous, c'est une idée de Parisien. Il faudrait que le patient fasse 40 kilomètres pour venir nous voir si on se regroupe tous les quatre ou cinq ». Ils ont partagé leurs fichiers et ont demandé aux maires de loger les internes, et à la Région de leur donner une prime Moyennant quoi, sur les quatre médecins qui sont encore autour de Royère-de-Vassivière, il y a deux assistants qui sont d'anciens internes. Ces internes, ils ont découvert une médecine libérale qui est passionnante à exercer. Parce que ça, on ne le dit pas assez : la médecine de premier recours est passionnante à exercer ! Ces deux ex-internes ont mis le pied mis à l'étrier et vont s'installer. Si on crée les conditions du regroupement, physique ou virtuel on a une chance de favoriser des vocations.
Il faut aussi que les médecins travaillent avec du personnel administratif parce que cela ça décharge de l'administration. Il faut que les gens partagent leurs fichiers, qu'on ait des locaux corrects pour accueillir les internes et leur faire découvrir l'exercice libéral, et que, hors les grandes agglomérations, les internes ne soient pas trop loin de la fac et regrouper leurs cours, parce qu'il ne faut pas oublier que ce sont des gens qui sont en formation. En plus, pour les stages dans les campagnes, il faut loger les internes, leur donner une prime. Maintenant, il va y avoir une quatrième année de d'internat et il faut inciter les internes à faire leurs stages en zones démographiquement faibles. Il faut pour cela avoir des incitations fortes.
Pour tous ceux qui vont aller dans les zones démographiquement faibles, il faut doubler leur salaire et il faut les loger. Et même s'ils ont une grosse activité, il faut aussi leur faire un intéressement pour qu’ils aient envie et qu'ils aient un intérêt à travailler davantage. Il ne faut pas faire l’erreur de les prendre comme de la main d'œuvre taillable et corvéable à merci, mais il faut créer l'envie. Et qu’ils découvriront des conditions d’exercice attractives avec du personnel, des locaux et une administration qui montre qu’elle a besoin d’eux en les respectant
Un petit mot peut être sur la prévention. On nous reproche beaucoup de mal gérer la prévention en France. C'est quoi votre point de vue ?
Écoutez la prévention, c'est bien joli. On en parle beaucoup mais ils ont supprimé un acte, qui pour moi était l'acte de prévention chez les enfants. Vous savez, les fameux certificats médicaux qu'on faisait une fois par an : c'était l'occasion de voir des enfants en bonne santé ou pas, au moins une fois par an. On pesait les gamins, on les mesurait, on vérifiait que les vaccinations étaient à jour etc. C'était l'occasion, en dehors de toute pathologie, de faire un vrai acte de prévention.
Mais, ça a été supprimé. Or, pour moi, et ça va faire bientôt 50 ans que j'exerce, c'était un vrai acte de prévention et la suppression de cet acte-là, j'ai trouvé que ce n'était pas très intelligent, surtout de la part de gens qui se gargarisent de prévention. C'est un vrai acte de prévention pour pas cher qui a été supprimé.
J’ai toujours pris beaucoup de plaisir à faire des certificats d’aptitude à pratiquer la pétanque. C’est l’occasion unique de faire un peu de prévention, de peser le patient de lui prendre la tension et de lui demander un bilan sanguin car le joueur de pétanque c’est ce qu’on appelle un « bon vivant ». On a beaucoup critiqué les certificats pour le sport mais c’est pourtant une occasion unique de vérifier l’état de santé du patient et de vérifier si les vaccinations sont bien à jour. Ceux qui ont supprimé ces certificats sont les mêmes qui osent parler prévention. C’était pourtant un moment de respiration dans la consultation et un authentique acte de prévention …
Peut-être une conclusion ou un message final sur l'organisation des soins ?
C'est de ces crises, de la crise de la Covid, de la crise de l'hôpital, qu’il faut partir pour changer les choses. Je prends toujours l'exemple de Belle-Île-en-Mer. Belle-Île-en-Mer, c'était il y a une dizaine d'années : cinq médecins. Or, il y en avait deux qui partaient à la retraite et ils allaient être trois. Mais ils ont eu la chance de rénover leur hôpital local qui est au milieu de l'île. On est à 10 kilomètres maximum de cet hôpital et donc les médecins se sont regroupés à l'hôpital. On a logé les internes, je crois même qu'ils touchent une petite prime. Et les médecins travaillent avec des locaux communs, ils ont du personnel, ils ont une informatique et il y a un partage de fichiers. Et pour payer l'ensemble de ces prestations, ils payent 250 € par mois, là où moi, à Clamart, dans mon groupe médical, il me faut entre 3500 et 4 000 € pour avoir les mêmes prestations.
Résultat, ils sont passés de 3 à 8 médecins. Je ne sais pas s'il faut faire un dessin à l'administration, mais c'est le montant du forfait-structure que nous réclamons. Ce forfait-structure coûtera plus cher en agglomération. Et on n'aura pas toujours la chance d'avoir un hôpital en construction qui permet d'avoir des locaux dans de bonnes conditions. Mais clairement, ce forfait-structure, c'est un forfait qui ne rentre pas dans la poche du médecin, mais qui va lui permettre de travailler dans des conditions correctes, avec du personnel, avec des locaux qui permettent d'accueillir des internes et avec un fichier partagé qui donne l'habitude de travailler ensemble et qui crée les conditions de la continuité des soins et de la coordination des soins.
Et pour la communication ville-hôpital, à Belle-Ile-en-Mer, c'est pas difficile parce que les médecins y sont à la fois libéraux et hospitaliers : donc la communication entre la ville et l'hôpital, elle est naturellement bonne. Mais ailleurs, il faut créer Les conditions de la coordination ville-hôpital. C'est pourquoi j'avais proposé il y a quelques années d'effacer la dette hospitalière de façon à ce que les hôpitaux ne courent pas après leur dette et ne soient pas incités à accueillir à bras ouverts tous les patients à l'hôpital pour justement tenter de rembourser cette dette. L'Igas, il y a cinq ans, avait écrit que 10 millions de passages n'avaient strictement rien à faire aux urgences. Quand on sait que ces 10 millions de passages rapportent à l’administration hospitalière plus de 3 milliards… On voit bien que çà n’incite personne à l’hôpital à limiter les passages aux urgences quand on a 30 milliards de dettes à rembourser. Or, la régulation des urgences, la régulation des soins non-programmés, c'est la base de tout. Et effacer la dette hospitalière. Mettons là dans la Cades, et réorganisons les soins.
Il faut créer les conditions de la collaboration.
Et à l'occasion de la crise de la Covid-19, j'ai eu l'occasion de faire un colloque avec Jean-François Delfraissy, qui a commencé sa carrière à Clamart en même temps que moi. Il parlait avec nostalgie de cette période unique, où l’hôpital Béclère naissait et où les hospitaliers voulaient connaitre les libéraux qui les entouraient. Et il me disait : « à Béclère, quand on est arrivé, il fallait qu'on fasse la connaissance des libéraux » et ils ont organisé cela. Et c'est vrai que moi, jeune généraliste, j'allais faire des présentations de malades à l'hôpital. C'est une chose impensable aujourd’hui et pourtant Delfraissy me disait que c'était vraiment stimulant cette période de création de rapport entre l'hôpital et la ville.
Malheureusement ces rapports se sont distendus et le fossé s’est creusé alors qu’il faudrait tout faire pour renouer ces liens. Et donc il faut créer les conditions de la réussite, de la collaboration et avoir une vraie communication avec l'hôpital. Moi, j'ai la chance en 49 ans d'avoir le portable de cinq hospitaliers. Cinq hospitaliers alors que j'ai le portable de tous mes correspondants libéraux : on voit bien que la circulation de l'information ne marche pas. Donc, actuellement, les conditions de la collaboration entre la ville et l’hôpital ne sont pas réunies, mais c'est vers cela qu’il faut tendre. Or, on a bien vu avec cette crise de la Covid-19 le peu de cas que faisait, l’administration et les gouvernants, des médecins libéraux et des généralistes en particulier. Détourner les patients vers le centre 15 pour obtenir des renseignements. Détourner les patients des cabinets de médecins, ne pas les équiper de masques et de protection, les oublier des remerciements lors de conférence de presse interminables où seuls les hospitaliers étaient remerciés alors qu’ils avaient déjà plus de 30 morts dans leurs rangs. Oublier les internes qui effectuaient leur stage en libéral pour les primes covid. Oublier les spécialistes libéraux et notamment les anesthésistes libéraux qui avaient avec leurs collègues libéraux permis au système de tenir.
Cette crise aura permis de voir que les gouvernants ne comptaient pas sur la médecine libérale. Cette médecine libérale est pourtant capitale dans l’équilibre du système de santé en France. Puisse les écailles tomber des yeux de nos gouvernants pour le plus grand bénéfice des français !