Infectiologie
Ivermectine et Covid-19 : pas de réduction des formes graves
Un traitement précoce par ivermectine chez des adultes co-morbides avec une Covid-19 légère à modérée n’a aucun effet sur le risque de développer une forme grave. C’est le résultat cohérent de la 3ème étude randomisé sur plus de 400 malades
- driano Siker/istock
Selon une étude randomisée, l'ivermectine administrée pendant la première semaine de la maladie (en plus du traitement habituel) chez des patients à haut risque atteints de Covid-19 légère à modérée n’empêche pas la progression vers une forme grave de la maladie.
L'essai randomisé, réalisé en ouvert a été mené auprès de 490 patients dans 20 hôpitaux publics et un centre de quarantaine de la Covid-19, en Malaisie, entre le 31 mai et le 25 octobre 2021. Les résultats sont publiés dans The JAMA Internal Medicine.
Aucun bénéfice apparent de l’ivermectine
Parmi les 490 patients, 21,6% des patients (52 sur 241) du groupe ivermectine et 17,3% des patients (43 sur 249) du groupe témoin ont évolué vers une forme grave de la maladie (RR = 1,25 ; IC à 95%, 0,87 - 1,80 ; p = 0,25) (critère primaire).
Il n'y a pas de différences significatives entre les groupes pour tous les critères secondaires. Une ventilation mécanique a été mise en place chez 4 malades du groupe ivermectine (1,7%) contre 10 du groupe témoin (4,0 %) (RR = 0,41 ; IC à 95%, 0,13 - 1,30 ; p = 0,17) ; une admission en unité de soins intensifs est survenue chez 6 (2,4%) contre 8 (3,2%) (RR = 0,78 ; IC à 95%, 0,27 - 2,20 ; p = 0,79) et un décès a été observé à l'hôpital dans les 28 jours chez 3 malades du groupe ivermectine (1,2%) contre 10 (4,0 %) (RR, 0,31 ; IC à 95 %, 0,09-1,11).
L'événement indésirable le plus fréquent est une diarrhée, signalée par 5,8% des patients du groupe ivermectine et 1,6% des patients du groupe témoin.
Etude randomisée au stade précoce de l’infection
Les malades (âge moyen de 62,5 ans) ont été randomisé pour recevoir, soit un traitement par ivermectine orale (0,4 mg/kg de poids corporel par jour pendant 5 jours), en plus des traitements standard (n = 241), soit les traitements standard seuls (n = 249). Les traitements standard comprenaient un traitement symptomatique ajustés sur la surveillance d'une détérioration cliniques et para-clinique.
Les chercheurs ont effectué une analyse de sous-groupe pour évaluer les différences éventuelles selon que les participants étaient ou non vaccinés. Un peu plus de la moitié des participants (51,8%) étaient entièrement vaccinés avec deux doses de vaccins Covid-19. Parmi les patients entièrement vaccinés, 17,7% dans le groupe ivermectine et 9,2% dans le groupe témoin ont développé une maladie grave (RR = 1,92 ; IC à 95 %, 0,99 - 3,71 ; p = 0,06).
La fin de la folle histoire de l’ivermectine ?
Malgré le succès des vaccins Covid-19 et les mesures de santé publique non pharmaceutiques, il existe un énorme besoin au niveau mondial de thérapeutiques efficaces et peu coûteuses contre l'infection par le SARS-CoV-2. À l'heure actuelle, seuls des médicaments anti-inflammatoires (dexaméthasone, tocilizumab et sarilumab), des anticorps monoclonaux et des antiviraux (remdésivir, molnupiravir et nirmatrelvir/ritonavir) ont démontré un bénéfice clinique dans des essais randomisés à différents stades de la maladie.
Bien que certaines études cliniques précoces aient suggéré l'efficacité potentielle de l'ivermectine dans le traitement et la prévention de la Covid-19, ces études avaient toutes des faiblesses méthodologiques. Les 2 précédents essais randomisés avec l'ivermectine chez des malades Covid-19 qui ont inclus au moins 400 patients sont négatifs.
Dans cette étude randomisée, dont la principale limite est qu’elle est en ouvert, les malades étaient hospitalisés, ce qui a permis aux chercheurs de valider l’observance du traitement par ivermectine et de bien classer les malades en fonction de leurs co-morbidités.
Les leçons de la saga de l'ivermectine et de l'hydroxychloroquine
Après le fiasco de l’hydroxychloroquine, l’ivermectine échoue pour la 3ème fois à démontrer une quelconque efficacité dans une étude randomisée de bonne qualité. Cette molécule a pourtant été promue de façon extrêmement large par certains groupes de pression alternatifs, en particulier sur les réseaux sociaux, sur la base de mauvaises études.
L’histoire retiendra que l’on peut faire des études randomisées de qualité au cours d’une pandémie et que quand des médecins, ou d’autres individus, se basent sur des études de mauvaises qualités, et des méta-analyses biaisées de ces mêmes mauvaises études, c’est qu’ils poursuivent probablement d’autres buts que le bien public.