Nutrition

Décès cardiovasculaire et par cancer : remplacer le beurre par certaines huiles végétales réduit le risque

Selon une nouvelle étude sur 33 ans de suivi alimentaire, remplacer la consommation quotidienne de beurre par certaines huiles végétales, riches en graisses insaturées, semble réduire le risque de décès, notamment par maladies cardiovasculaires et cancers. Ces résultats remettent en question une tendance croissante sur les réseaux sociaux qui prônent le beurre, le ghee et les graisses animales au détriment des huiles de graines.

  • busra İspir/istock
  • 08 Mar 2025
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    Les effets des acides gras alimentaires ont suscité de nombreux travaux, suggérant l’importance de réduire les graisses saturées (beurre) au profit des graisses insaturées (huiles végétales). Néanmoins, les études antérieures ont parfois abouti à des résultats contradictoires, en particulier en ce qui concerne le beurre, longtemps incriminé dans le risque cardiovasculaire et métabolique, mais qui n’a pas toujours été associé à une surmortalité dans certaines publications. De la même façon, bien que l’huile d’olive bénéficie d’une littérature riche sur la prévention cardiovasculaire, les données concernant d’autres huiles végétales (soja, canola, maïs...) sont plus fragmentaires.

    Pour clarifier ces points, les auteurs ont analysé les apports en beurre et huiles végétales (safran, soja, maïs, canola, olive) sur plus de 33 ans dans trois grandes cohortes américaines (Nurses’ Health Study, Nurses’ Health Study II et Health Professionals Follow-up Study), totalisant 221 054 participants exempts au départ de cancer, maladie cardiovasculaire (MCV), diabète ou maladie neurodégénérative. Durant le suivi, 50 932 décès ont été recensés, dont 12 241 par cancer et 11 240 par MCV.

    Remplacer le beurre par certaines huiles végétales réduit le risque de décès

    Après ajustement pour de multiples facteurs confondant (mode de vie, régimes spécifiques...), les résultats publiés dans JAMA Internal Medicine, montrent que la consommation la plus élevée de beurre est associée à un risque accru de mortalité totale (HR=1,15 ; IC à 95% : 1,08–1,22, p<0,001) par rapport aux apports plus faibles. À l’inverse, la consommation élevée d’huiles végétales est liée à une diminution de 16% de la mortalité totale (HR=0,84 ; IC à 95% : 0,79–0,90, p<0,001).

    Concernant les décès de cause cardiovasculaire et par cancer, chaque incrément de 10 g/j d’huiles végétales réduit respectivement le risque de 6 % et 11 %, tandis qu’un apport plus élevé en beurre est associé à une augmentation du risque de mortalité par cancer (HR=1,12 ; IC 95 % : 1,04–1,20). Enfin, le remplacement de 10 g/j de beurre par la même quantité d’huiles végétales aboutit à une réduction estimée de 17 % de la mortalité totale et du risque de cancer (p<0,001).

    Toutes les huiles ne se valent pas

    L’analyse par type d’huile végétale suggère que le soja, le canola et l’huile d’olive induisent des bénéfices similaires en termes de réduction de la mortalité globale (HR=0,85 à 0,94 par incrément de 5 g/j). En revanche, les associations avec l’huile de maïs et de safran sont moins nettes et parfois non significatives, possiblement en raison d’un usage moins répandu ou de quantités plus faibles. Les auteurs soulignent également l’importance de la forme de cuisson et des processus d’oxydation potentiels (ex. friture à haute température) pouvant atténuer les effets bénéfiques de certaines huiles riches en acides gras insaturés.

    Chaque augmentation de 10 g/j de la consommation d'huiles végétales est associée à une diminution de 11% du risque de mortalité par cancer (HR, 0,89 ; IC à 95%, 0,85-0,94 ; P pour la tendance < 0,001) et de 6% du risque de mortalité par maladie cardiovasculaire (HR, 0,94 ; IC à 95%, 0,89-0, 99 ; P pour la tendance = 0,03), tandis qu'une consommation plus élevée de beurre est associée à une mortalité plus élevée par cancer (HR, 1,12 ; IC à 95%, 1,04-1,20 ; P pour la tendance < 0,001). Le remplacement de 10 g/j de beurre total par une quantité équivalente d'huiles végétales totales est associé à une réduction estimée de 17% de la mortalité totale (HR, 0,83 ; IC à 95%, 0,79-0, 86 ; P < 0,001) et une réduction de 17 % de la mortalité par cancer (HR, 0,83 ; IC à 95%, 0,76-0,90 ; P < 0,001).

    Une très longue durée de suivi qui renforce le rôle protecteur de certaines huiles

    Les conclusions reposent sur trois études de cohorte prospectives américaines de longue durée (jusqu’à 33 ans de suivi), comprenant majoritairement des professionnels de santé (femmes pour Nurses’ Health Studies I/II et hommes pour Health Professionals Follow-up Study). Un recueil alimentaire détaillé a été effectué tous les 4 ans via des questionnaires semi-quantitatifs validés (FFQ). Le statut vital et la cause de décès ont été établis par appariement avec le National Death Index et par examen des dossiers médicaux, validé par un comité d’experts. Ces cohortes, composées essentiellement de personnes blanches de classe socio-économique intermédiaire à élevée, pourraient limiter l’extrapolation à l’ensemble des populations. Néanmoins, l’homogénéité de ce groupe diminue également le risque de facteurs de confusion majeurs non pris en compte (accès aux soins, niveau d’éducation, etc.).

    Des analyses de sensibilité (notamment l’exclusion des personnes ayant développé de grandes pathologies pendant le suivi, ou l’ajustement supplémentaire sur la consommation de pain blanc et la charge glycémique) confirment la robustesse des résultats. Les auteurs insistent sur la probable sous-estimation de l’effet protecteur des huiles végétales dans les études reposant sur un recueil alimentaire ponctuel ; l’emploi de questionnaires FFQ répétés dans le temps a ici permis de mieux refléter les habitudes diététiques sur le long terme et de limiter le risque de classification erronée.

    Selon un éditorial associé, ces résultats s’inscrivent dans le prolongement des recommandations diététiques actuelles, qui préconisent de limiter l’apport en graisses saturées en faveur des graisses insaturées, reconnues pour leurs effets anti-inflammatoires et leurs bénéfices sur le profil lipidique. Toutes les huiles ne sont toutefois pas équivalentes : l’étude souligne en particulier le rôle favorable des huiles d’olive, de soja et de canola, contrairement à d’autres, dont la consommation plus faible ou la transformation industrielle limitent peut-être l’analyse des effets. Quoi qu’il en soit, la simplicité du geste, remplacer partiellement le beurre par des huiles végétales, pourrait constituer un levier diététique clé, y compris dans des contextes alimentaires sous-optimaux, en offrant un moyen concret de réduire la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires et aux cancers.

     

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    JDF

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