Neurologie

FA après hémorragie cérébrale : les AOD probablement pas pour tous les patients

Chez les patients ayant survécu à une hémorragie intracérébrale et souffrant de fibrillation atriale, les anticoagulants oraux directs (AOD) réduisent le risque d’AVC ischémique, mais s’accompagnent d’une augmentation marquée du risque de récidive hémorragique, obérant en partie le bénéfice des AOD dans cette population fragile.

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  • 27 Fév 2025
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    L’hémorragie intracérébrale constitue une forme particulièrement sévère d’AVC, avec une morbi-mortalité élevée. Un quart des survivants présente une fibrillation atriale (FA), les exposant à un haut risque d’événements ischémiques ultérieurs. Si les AOD se sont révélés clairement efficaces pour la prévention des AVC ischémiques chez les patients en FA sans antécédent hémorragique, leur bénéfice chez les survivants d’hémorragie intracérébrale restait jusqu’ici incertain. En effet, ces patients sont souvent exclus des essais cliniques, laissant planer un doute quant au risque de récidive hémorragique sous anticoagulation.

    L’essai multicentrique de phase 3 PRESTIGE-AF (réalisé dans 75 hôpitaux de six pays européens) visait à comparer, en ouvert, l’efficacité et la tolérance des AOD par rapport à l’absence d’anticoagulation chez 319 survivants d’hémorragie intracérébrale avec FA (score ≤4 sur l’échelle de Rankin modifiée). Les principaux résultats, publiés dans The Lancet, montrent une forte diminution du risque d’AVC ischémique (HR=0,05 ; IC à 95 % 0,01–0,36), avec un taux d’AVC ischémique de 0,83 pour 100 personnes-années dans le groupe AOD versus 8,60 pour 100 personnes-années dans le groupe sans anticoagulation.

    Une augmentation significative des récidives d’hémorragies intracérébrales

    Au-delà de l’AVC ischémique, l’autre critère coprimaire était la première récidive d’hémorragie intracérébrale. Ici, l’étude n’a pas validé la non-infériorité des AOD : le risque de récidive hémorragique est significativement plus élevé (HR=10,89 ; IC à 90 % 1,95–60,72). Ainsi, le taux global d’hémorragie intracérébrale dans le groupe AOD est de 5,00 pour 100 personnes-années versus 0,82 pour 100 personnes-années sans anticoagulation, se traduisant par un excès de complications hémorragiques majeures.

    Sur le plan de la tolérance globale, 44 % des patients sous AOD ont eu un événement indésirable grave, contre 55 % dans le groupe sans anticoagulation. La mortalité, toutes causes confondues, a été de 10% dans le groupe AOD et de 13% dans le groupe sans anticoagulation.

    Néanmoins, des tendances en faveur des AOD sont observées pour les critères d'évaluation secondaires prédéfinis de l'ensemble des AVC et des embolies systémiques, ainsi que pour la mortalité cardiovasculaire toutes causes confondues, ce qui est cohérent avec les observations antérieures des essais pilotes. Même si ces données suggèrent un éventuel bénéfice net sur le taux global d’événements graves et la mortalité, elles doivent être interprétées avec prudence, car l’étude n’avait pas la puissance statistique pour conclure formellement sur ces critères secondaires.

    Une étude randomisée chez des survivant d’une hémorragie intra-cérébrale

    PRESTIGE-AF est la première étude de phase 3 qui a recruté des adultes de 18 ans ou plus, avec hémorragie intracérébrale spontanée, FA et indication théorique à l’anticoagulation, s’ils avaient un score de Rankin modifiée ≤4. La randomisation (1:1) a été stratifiée selon le sexe et la localisation de l’hémorragie (lobaire ou non lobaire). L’évaluation des événements (ischémiques et hémorragiques) a été faite par un comité d’adjudication indépendant, en aveugle quant à la répartition thérapeutique. Malgré la rigueur de ce protocole, plusieurs limites doivent être soulignées : faible nombre d’événements, suivi médian relativement court (1,4 an), exclusion des formes sévères (score de Rankin >4), sous-représentation féminine (35 %) et hétérogénéité potentielle des pratiques dans six pays.

    Selon les auteurs, ces résultats soulignent un dilemme majeur dans la prévention secondaire de l’AVC chez les survivants d’hémorragie intracérébrale avec FA : le recours aux AOD offre un bénéfice substantiel en termes de prévention de l’ischémie cérébrale, mais au prix d’une recrudescence importante du risque hémorragique. En pratique, il convient de mettre en balance ces deux risques – en intégrant les préférences du patient et ses autres facteurs de vulnérabilité – dans le cadre d’une décision partagée et de discuter la fermeture de l’auricule chez ces patients. Les travaux en cours, incluant des méta-analyses individuelles (comme COCROACH) et de nouveaux essais, devraient aider à définir plus précisément la place des AOD et à évaluer d’éventuelles alternatives (nouveaux anticoagulants à moindre risque hémorragique ou dispositifs mécaniques tels que la fermeture de l’auricule gauche). À terme, l’identification de facteurs prédictifs (cliniques, imageries, génétiques) permettra peut-être une personnalisation plus fine du traitement pour minimiser le risque de récidive hémorragique tout en préservant la protection ischémique.

     

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    JDF

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