Pneumologie

Fibroses pulmonaires : intérêt controversé de la corticothérapie

La corticothérapie prescrite pour les exacerbations aiguës des pneumopathies interstitielles diffuses ne sont pas forcément utiles pour tous les patients et des travaux en cours pourraient bousculer les pratiques : ne rien faire pourrait être moins toxique que traiter par des corticoïdes. D’après un entretien avec Jean-Marc NACCACHE.

  • 06 Mar 2025
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    Une étude, dont les résultats sont parus en janvier 2024, dans Thorax, a cherché à évaluer le rapport bénéfice risque de la corticothérapie au cours des exacerbations de pneumopathies interstitielles diffuses. Il s’agit d‘une revue générale de la littérature avec méta-analyse. Au total, plus de 12000 articles princeps ont été inclus dont 447 sélectionnés en teste intégral et seulement neuf d’entre eux ont été retenus car ils correspondaient aux critères d’inclusion, ce qui constitue un nombre limité de travaux. Les critères de jugement principaux  étaient la mortalité et la récurrence après un traitement par corticoïdes, à doses variables ou non. Il s’agit en grande majorité d’études rétrospectives de cohortes. Aucun essai randomisé en double aveugle, ni étude comparative ne font partie de l’étude.

     

    Beaucoup de réserves sur ces résultats

    Le docteur Jean-Marc NACCACHE, chef de service du service de Pneumologie, Allergologie et Oncologie Thoracique à Hôpital Paris Saint-Joseph, estime que le niveau de preuves obtenu par ce travail est trop faible. Il est lui-même très intéressé par le sujet puisqu’il est le coordonnateur d’un essai randomisé en double aveugle, encore en cours, compte-tenu de la durée d’un tel essai, mais qui devrait donner des résultats plus robustes. Jean-Marc NACCACHE explique que les résultats de cette revue de la littérature a relevé deux éléments : en cas de fibrose pulmonaire hors fibrose pulmonaire idiopathique, le bénéfice de la corticothérapie semble notable et en cas de fibrose pulmonaire idiopathique, ce bénéfice est discutable. Toutefois, il relève qu’il n’existe aucune étude comparative dans cette méta-analyse et que ces résultats doivent être interprétés avec beaucoup de réserve. De plus, il souligne que les doses de corticoïdes utilisées sont différentes d’un papier à l’autre et d’un médecin à l’autre, la définition de « forte dose » étant variable selon le prescripteur, ce qui rend difficile la synthèse des résultats.

     

     

    Mais l’avantage est de bousculer des croyances

    Jean-Marc NACCACHE explique toutefois que l’avantage de ce travail est de commencer à bousculer les croyances. En effet, en France, la tendance est de croire que la corticothérapie est très efficace dans toutes les exacerbations de fibrose pulmonaire. Jean-Marc NACCACHE précise que, dans l’essai randomisé qu’il mène, les patients reçoivent soit une corticothérapie soit un placebo. Même s’il est difficile de traiter les patients par un placebo, il est possible que celui-ci soit moins dangereux que le traitement par corticoïdes. Cependant, il est difficile de faire comprendre aux patients et aux praticiens que le médicament peut être plus toxique que l’abstention thérapeutique, surtout si le patient est instable et sous oxygénothérapie. Ainsi cette métanalyse, venant remettre en question l’efficacité de la corticothérapie au cours des exacerbations aiguës de fibrose pulmonaire idiopathique, est importante. Jean-Marc NACCACHE estime que rien ne vaut un essai randomisé contrôlé pour obtenir des preuves solides.

     

    En conclusion, l’essai français EXAFIP-2, qui fait suite à l’essai EXAFIP, est en cours et ses investigateurs ont bon espoir de voir son aboutissement dans les 18 mois à venir. L’objectif est qu’il permette d’établir des pratiques avec un niveau preuve le plus robuste possible. Les habitudes des médecins ont la vie dure…

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    JDF

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