Gynéco-obstétrique
Hémorragie du post-partum : une nouvelle stratégie pour radicalement améliorer sa prise en charge
L'hémorragie du post-partum est responsable de l'équivalent d'un décès toutes les 6 minutes dans le monde. Les résultats d'une étude multi-composants montrent que l'application d'une nouvelle stratégie spécifique de détection et de prise en charge pourrait radicalement changer la donne.
- gorodenkoff/istock
L'hémorragie du post-partum (HPP) est définie par la perte de plus de 500 ml de sang après l'accouchement. Malgré la large diffusion de recommandations de l'OMS pour la prévention et la prise en charge de l'HPP, la pathologie est la principale cause de mortalité maternelle dans le monde. Elle entraîne chaque année 70 000 décès soit l'équivalent d'un décès toutes les 6 minutes.
A la source de ces conséquences dramatiques, plusieurs explications : des détections trop tardives de l'HPP, des utilisations incohérentes des traitements efficaces ou encore des obstacles de terrain tels que le manque de personnel ou de compétences.
Partant de ces constats, des chercheurs des Nations Unies rattachés à l'Université de Birmingham ont évalué l'efficacité de la mise en place d'une stratégie aux multiples composantes pour améliorer à la fois la détection et la prise en charge de l'HPP après un accouchement par voie vaginale. Les résultats de l'étude publiée dans le New England Journal of Medicine sont très encourageants.
Une diminution de 60% des conséquences les plus graves de l'HPP
La stratégie évaluée, appelée E-MOTIVE comprend de multiples interventions : la mesure objective de la perte de sang à l'aide d'un dispositif de prélèvement simple et peu coûteux appelé « drapé », l'utilisation concomitante des traitements recommandés par l'OMS – plutôt que les proposer de manière séquentielle - et une stratégie efficace d'implémentation passant par diverses formations du personnel, des audits de pratique ou encore l'utilisation de valises thérapeutiques dédiées à la prise en charge de la pathologie.
Les résultats de l'étude montrent que la mise en place de cette stratégie permet une diminution de 60% du risque de survenue d'une HPP sévère (supérieure à 1000 ml), d'une laparotomie pour hémorragie ou d'un décès maternel lié à l'hémorragie. Ainsi dans le groupe des femmes prise en charge dans un hôpital ayant adhéré à la stratégie E-MOTIVE, un de ces événement est survenu chez 1,6% des patientes contre 4,3% dans le groupe témoin ayant bénéficié des soins habituels. L'essai clinique a inclus plus de 210 000 patientes dans 80 hôpitaux de niveau 2, au Kenya, au Nigéria, en Afrique du Sud et en Tanzanie.
Une augmentation de 60% de la détection des HPP
L'essai est international, multicentrique, randomisé, et construit sur une méthodologie robuste, ce qui lui confère un haut niveau de preuve. Les auteurs soulignent toutefois quelques limites. Parmi elles, sa réalisation dans des pays à faibles revenus ou revenus intermédiaires limitant la généralisation des résultats pour les pays à hauts revenus.
Les auteurs regrettent aussi la puissance insuffisante de l'étude pour évaluer spécifiquement l'impact de la stratégie sur la mortalité maternelle, un critère d’évaluation majeur. Une réduction de plus d'un quart des décès (17 dans le groupe E-MOTIVE contre 28 dans le groupe témoin) est observée sur ce critère de jugement secondaire, mais la différence n'est pas statistiquement significative.
D'autres résultats secondaires sont par ailleurs intéressants à noter tels que la très nette amélioration de la détection des HPP grâce à la stratégie E-MOTIVE. Avec 93,1% de détections dans le groupe intervention contre seulement 51,1% dans le groupe ayant reçu les soins usuels, l'amélioration de la détection grâce à E-MOTIVE est proche de 60%.
Un espoir majeur pour l'amélioration de la prise en charge des HPP dans le monde
« Cette nouvelle approche du traitement de l'hémorragie post-partum pourrait radicalement améliorer les chances des femmes de survivre à l'accouchement dans le monde, en les aidant à obtenir le traitement dont elles ont besoin quand elles en ont besoin », a déclaré le professeur Arri Coomarasamy, qui a dirigé l'essai et est le co-Directeur du Centre collaboratif de l’OMS sur la santé mondiale des femmes à l'Université de Birmingham.