Impact sur la survie

Cancer : les personnes âgées restent sous-traitées

Les personnes âgées atteintes de cancer ne bénéficient pas d'un traitement aussi agressif que les malades plus jeunes. Ce sous-traitement injustifié commence à se payer en terme de survie. 

  • Par Sandrine Chauvard
  • GILE MICHEL/SIPA
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  • 12 Mar 2014
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    Trop âgé pour être soigné, une idée reçue qui a la vie dure. En particulier pour les personnes atteintes de cancer. Car lorsque le diagnostic tombe, se pose alors la question : cela vaut-il le coup d’entamer des traitements lourds à 75, 80 ans ou plus ? Et trop souvent, les sujets âgés sont sous-traités en comparaison avec les patients jeunes. C’est ce que dénonce le Pr Mark Lawler, du centre de recherche sur le cancer de l’université de Belfast, dans un édito publié dans le British Medical Journal. Il souligne que 70% des décès dûs à un cancer de la prostate surviennent chez les hommes âgés de plus de 75 ans, alors même que la maladie est moins agressive à cet âge. Dans la plupart des cas, si la maladie est à un stade avancé, une chimiothérapie n’est même pas proposée. Et c’est le cas pour l’ensemble des tumeurs solides, comme le cancer du sein, du colon ou du poumon. 

    La survie chez les + de 65 ans diminue
    « Il y a de plus en plus de preuves dans le monde entier du fait que les patients les plus âgés sont sous-traités, ce qui conduit à creuser un fossé en terme de survie entre les plus jeunes et les plus âgés », affirme le chercheur. Le Cancer Benchmarking Partnership International - une organisation qui compare les résultats cliniques entre l'Australie, le Canada, le Danemark, l'Angleterre, l'Irlande du Nord, la Norvège, la Suède et le Pays de Galles - a enregistré une diminution de la survie chez les patients de plus de 65 ans. L'étude Eurocare 5 confirme cette tendance, ce qui suggère que l'écart de survie se creuse entre les patients âgés et les jeunes en Europe. Or, toutes les études concordent pour dire que l'efficacité des traitements est la même quel que soit l'âge, et que le seul critère du grand âge ne justifie pas que le traitement soit différent. 


    Ainsi, une étude américaine publiée en 2011 montre que 93% des paients de moins de 50 ans atteints d'un cancer du colon avaient reçu une chimiothérapie, contre 41% des plus de 80 ans. Autre exemple, les médecins renoncent parfois à la radiothérapie après un traitement conservateur du cancer du sein, ou encore lorsque la patiente présente des facteurs de risque de rechute.


    Ecoutez le Dr Daniel Serin, cancérologue à l’Institut Sainte-Catherine à Avignon :  « Ce qui est fatiguant dans la radiothérapie, ce sont les voyages pour venir faire les séances, les médecins décident alors de ne pas faire de rayons, ce qui augmente leur risque de récidive locale. »




    Pourtant, les traitements chez les personnes âgées peuvent guérir ou augmenter significativement leur survie. Mais les réticences à initier une chimiothérapie sont multiples. Elles viennent des patients eux-mêmes, qui n’ont pas envie de subir ce type de traitement, mais également des médecins qui ont peur que la chimiothérapie soit mal supportée. 

    Ecoutez le Dr Daniel Serin : « Les personnes âgées peuvent se montrer fatalistes à cause de leur âge. Les réticences viennent aussi des médecins.»



    Pour le Pr Lawler, il est urgent de changer les mentalités. Au Royaume-Uni, 76% des cancers chez les hommes et 70% chez les femmes surviendront chez les personnes de plus de 65 ans à l’horizon 2030. Or, la population vieillit. On estime qu’aux Etats-Unis, la frange des plus de 65 ans va doubler. Elle passerait de 40 millions en 2009 à 89 millions en 2050. En France, d'après l'INVS, sur les 150 000 décès causés chaque année par le cancer, 40% concernent des personnes âgées entre 55 et 80 ans. L'auteur de l'éditorial plaide donc pour une mise en place "en urgence d'une stratégie centrée sur la gériatrie pour augmenter le nombre d'essais menés chez des patients âgés et mieux adapter les traitements actuels à cette population." En France, ce tournant a commencé à petre pris puisque, comme le souligne le Dr Serin, "il y a de plus en plus d'oncogériatres dans les centres anticancéreux".

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