Maladie cardiaque
Coeur : la sérotonine pourrait abîmer la valve mitrale
La sérotonine pourrait impacter la valve mitrale du cœur et potentiellement accélérer le développement d’une maladie appelée insuffisance mitrale.
L’insuffisance mitrale, aussi nommée régurgitation mitrale dégénérative (RMD), est l'une des formes les plus courantes de maladie des valves cardiaques. Elle se caractérise par une déformation de la valve du cœur qui l'empêche de se fermer complètement. Ce qui entraîne un reflux du sang, perturbant la circulation sanguine.
Des chercheurs de l’université Columbia, en partenariat avec les équipes de l'hôpital pour enfant de Philadelphie, de l’université de Pennsylvanie et du Valley Hospital Heart Institute, ont découvert un lien entre la sérotonine et cette pathologie cardiaque.
Insuffisance mitrale : la sérotonine peut aggraver la maladie
Pour cette étude, les dossiers médicaux de plus de 9.000 malades ayant eu une opération du cœur en raison d’une insuffisance mitrale ont été analysés. Par ailleurs, les chercheurs ont étudié 100 biopsies de valve mitrale.
"En étudiant les données de ces patients, nous avons constaté que la prise d'un Inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS, antidépresseurs augmentant le taux de sérotonine) était associée à une régurgitation mitrale sévère qui devait être traitée par chirurgie à un plus jeune âge que pour les patients ne prenant pas d'ISRS", explique le Pr Giovanni Ferrari de l’université de Columbia, auteur de l’étude.
Les chercheurs ont également étudié des souris transgéniques dépourvues du gène SERT (gène qui affecte l'activité du transporteur de la sérotonine) et ayant donc des taux élevés de sérotonine. Ils ont aussi observé des rongeurs recevant des doses importantes d’antidépresseurs.
Ils ont découvert que les animaux sans gène SERT développaient des valves mitrales plus épaisses. Il en était de même pour ceux traités avec des ISRS.
Par ailleurs, ils sont parvenus à identifier la région du gène SERT qui avait un impact sur l'activité de la protéine capable de gérer la sérotonine. “Une mutation "longue" de 5-HTTLPR réduit l'activité de la protéine SERT dans les cellules de la valve mitrale”, écrivent-ils. L’effet est encore plus important si le malade en a deux copies (maternelle et paternelle). “Les patients atteints de RMD qui avaient le type «long-long» nécessitaient fréquemment une chirurgie de la valve mitrale”, précisent-ils dans leur étude publiée dans la revue Science Translational Medicine.
Les cellules de la valve mitrale des patients atteints de RMD avec la variante "long-long" étaient plus susceptibles de réagir à la sérotonine en produisant plus de collagène, modifiant la forme de la valve mitrale. De plus, celles avec la variante "long-long" du 5-HTTLPR étaient plus sensibles à la fluoxétine (traitement ISRS) que les cellules présentant d'autres mutations.
Des tests supplémentaires pour les patients avec la mutation incriminée ?
Pour les chercheurs, il serait intéressant de faire un test génétique aux patients souffrant de régurgitation mitrale dégénérative. "L'évaluation des patients atteints de RMD pour une faible activité SERT peut aider à identifier les malades qui pourraient avoir besoin d'une chirurgie de la valve mitrale plus tôt", estime le Pr Giovanni Ferrari. "Réparer rapidement une valve mitrale qui fuit beaucoup protégerait le cœur et pourrait prévenir l'insuffisance cardiaque congestive", explique-t-il.
Par ailleurs, son équipe n’a pas trouvé d’effet négatif avec les ISRS ou la mutation “long-long” sur les valves mitrales humaines saines. "Une valve mitrale saine peut vraisemblablement supporter une faible activité SERT sans se déformer. Il est peu probable qu'un faible SERT puisse à lui seul provoquer une dégénérescence de la valve mitrale. Les ISRS sont généralement sans danger pour la plupart des patients”, ajoute-t-il. En revanche, "une fois que la valve mitrale a commencé à dégénérer, elle peut être plus sensible à la sérotonine et à un faible taux de SERT", prévient-il.
Des études supplémentaires vont être menées pour déterminer si les patients atteints d'insuffisance mitrale doivent être suivis plus régulièrement ou encore s’il est préférable d’envisager d’autres types de traitements psychotropes.