Semaine de sensibilisation à la SEP

Sclérose en plaques : "Vivre une grossesse normale tout en contrôlant l’évolution de la maladie, c’est possible !"

La sclérose en plaques est souvent diagnostiquée entre 20 et 40 ans, soit à un âge où le choix de fonder une famille est évoqué. La Pr Sandra Vukusic, cheffe de service à l’hôpital neurologique à Lyon, indique que cette maladie auto-immune n’est pas un obstacle au désir d’enfant, mais que plusieurs facteurs à court et à long terme doivent être pris en compte dans le cas d’un projet de grossesse.

  • Par Geneviève Andrianaly
  • Antonio_Diaz/iStock
  • 04 Mai 2024
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    Pourquoi Docteur : En France, la sclérose en plaques touche environ 120.000 personnes. Quelle est cette maladie qui représente la première cause de handicap non traumatique de l’adulte jeune ?

    Sandra Vukusic : Il s’agit d’une maladie auto-immune. Dans la sclérose en plaques, le système de défense, qui est censé nous protéger des agressions extérieures, se retourne contre nos propres cellules et va les attaquer. L’une des cibles est la gaine de myéline qui entoure les prolongements des neurones appelés "axones". Ce phénomène va provoquer de l’inflammation et des zones de démyélinisation, entraînant des épisodes de déficit neurologique, voire une perte d’autonomie si rien n’est fait pour empêcher la récidive des épisodes inflammatoires. Cette pathologie touche des personnes jeunes, en moyenne vers 30 ans, et concerne des femmes pour les trois quarts des cas.

    "La grossesse entraîne une diminution du risque de poussées"

    Cette pathologie inflammatoire chronique peut affecter la vie de couple, la sexualité et le désir d’enfants. Mais a-t-elle un impact sur la grossesse ?

    Pour rappel, la grossesse n’est pas déconseillée chez les patientes atteintes de sclérose en plaques. Car oui, vivre une grossesse normale tout en contrôlant l’évolution de la maladie, c’est possible !

    Les études montrent que cette maladie n’a pas de conséquence négative sur la grossesse. Il n’y a pas de différences en termes de complications obstétricales, de naissances prématurées ou de risque de malformations chez les enfants entre les femmes souffrant sclérose en plaques et celles en bonne santé.

    On sait depuis la fin des années 90 qu’à court terme, la grossesse entraîne une diminution du risque de poussées. Durant ces neuf mois, le système immunitaire doit s’adapter pour ne pas attaquer le corps étranger, qui est ici le fœtus. En clair, la grossesse a un effet anti-inflammatoire. En revanche, après l’accouchement, plus précisément au premier trimestre du post-partum, on observe une reprise de l’activité anti-inflammatoire, car les hormones liées à la grossesse vont baisser. Cependant, à long terme, il n’y a pas de lien entre le fait d’avoir eu des enfants et le risque de handicap.

    En cas de sclérose en plaques, une grossesse doit-elle être programmée ?

    En effet, il est préférable de planifier une grossesse pour deux raisons. La première : il vaut mieux envisager une grossesse pendant une période d’inactivité de la maladie, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas eu de poussées depuis au moins 12 mois. La deuxième : certains traitements de fond, qui permettent de contrôler l’évolution de la pathologie, doivent être arrêtés avant de concevoir un enfant, car ils peuvent interférer sur le développement du fœtus. Ainsi, il convient de discuter de la planification d’une grossesse avec son neurologue lors d’une consultation préconceptionnelle pour que ce dernier puisse faire une modification thérapeutique si besoin. En outre, ce rendez-vous permet à la patiente de poser d’autres questions sur son projet de grossesse, notamment l’accouchement, l’allaitement ou encore les vaccinations.

    Cette maladie auto-immune a-t-elle un impact sur la fertilité ?

    Certains traitements, par exemple la mitoxantrone, peuvent réduire la fertilité, mais on ne constate pas de diminution de la fertilité liée à la sclérose en plaques elle-même. Cependant, il y a un impact sur la fécondité, c’est-à-dire le nombre d’enfants par femme. En effet, compte tenu des troubles sexuels, des douleurs, d’une baisse de la libido, d’une vie de couple moins épanouie ou encore des inquiétudes sur l’évolution de la maladie, certaines patientes choisissent de faire moins d’enfants. C’est le cas également lorsqu’un handicap est présent, car elles ont peur de ne pas pouvoir s’occuper de leur enfant.

    SEP : "Plusieurs traitements peuvent être poursuivis tout au long de la grossesse"

    En cas de stérilité du couple avérée, est-il possible d’envisager la procréation médicalement assistée (PMA) ?

    La procréation médicalement assistée peut être envisagée chez les personnes atteintes de sclérose en plaques. Cependant, la procédure de stimulation ovarienne peut accroître le risque de poussées dans les deux à trois mois qui suivent, si le traitement n’est pas maintenu. Aujourd’hui, on garde le traitement de fond pour contrôler le surrisque de poussées. Il est donc primordial que la décision et les modalités d’une PMA soient discutées en concertation avec le neurologue et le spécialiste de la PMA.

    Au cours de la grossesse, quels traitements peuvent être utilisés ?

    Actuellement, il existe plusieurs traitements qui peuvent être poursuivis jusqu’en début de grossesse au moins, voire même tout au long de la grossesse. D’autres médicaments peuvent être arrêtés avant la grossesse, mais avoir un effet prolongé et puissant sur le contrôle évolutif de la maladie. Ainsi, les femmes n’ont plus à choisir entre leur projet de grossesse et le traitement de leur maladie !

    Quel est le suivi des femmes enceintes souffrant de sclérose en plaques pendant la grossesse ?

    Au cours de la grossesse, une consultation neurologique dédiée aux interactions entre grossesse et sclérose en plaques est recommandée. Le suivi obstétrical est le même qu’en population générale, mais il serait fait plutôt par un obstétricien, en raison de l’existence d’une maladie chronique. En cas de handicap important, une prise en charge multidisciplinaire est conseillée pour adapter au mieux la prise en charge des symptômes séquellaires.

    Grossesse et SEP : "Rien ne contre-indique la péridurale" durant l'accouchement

    En ce qui concerne l’accouchement des personnes atteintes de cette maladie inflammatoire, y a-t-il des précautions particulières ?

    Il n’y en a pas forcément. Le déroulement de l’accouchement chez une patiente souffrant de sclérose en plaques n'est pas différent de celui des autres femmes, car l’accouchement se fait de manière relativement "automatique", avec peu de recours aux muscles volontaires. Dans une étude française en cours, à laquelle participent actuellement plus de 600 femmes ayant une SEP, il n’y a qu’une seule femme qui marchait avec une canne au moment de sa grossesse par exemple. Cependant, la position d'accouchement peut être adaptée aux contraintes physiques que connaît la future maman. Par exemple, en cas de raideur importante, on peut conseiller qu’elle accouche sur le côté pour plus de confort.

    Peuvent-elles bénéficier d’une péridurale ?

    Rien ne contre-indique la péridurale. Certains anesthésistes craignent qu’elle déclenche des poussées, alors que la cause de leur apparition est la sclérose en plaques. Ainsi, il est recommandé de proposer aux patientes les mêmes modes d’analgésie et d'anesthésie pour l’accouchement qu’en population générale.

    L’allaitement est-il possible en cas de sclérose en plaques ?

    L’allaitement n’est pas déconseillé chez les patientes présentant cette maladie auto-immune. Des études ont montré que l’allaitement exclusif d’une durée de trois à six mois était associé à un risque réduit de poussées dans le post-partum. Cependant, cette information est à prendre avec des pincettes, car tout dépend de l’activité de la sclérose en plaques durant la grossesse et du souhait de reprendre un traitement de fond. Aujourd’hui, certains traitements sont compatibles avec l’allaitement, cela permet de ne plus avoir à choisir entre soigner sa maladie et s’épanouir dans sa maternité avec l’allaitement.

    Quand se fait la reprise du traitement de fond ?

    Il s’agit d’un choix individuel. La décision doit être prise avec le neurologue et en fonction de l’évolution de la maladie.

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