Ulcère de l'estomac et du duodénum : des brûlures acides liées à une infection chronique
L’ulcère gastroduodénal a longtemps été considéré comme une maladie chronique liée à l’acidité. En réalité, il s’agit essentiellement d’une maladie infectieuse en rapport avec une bactérie, Helicobacter pylori. Le stress et les anti-inflammatoires non-stéroïdiens sont plutôt des causes ou des facteurs aggravants, souvent associés dans les hémorragies gastriques.
Dr Clothide Bonnet, médecin généraliste, Lyon
Des mots pour les maux
Un ulcère gastroduodénal est un terme qui englobe les ulcères de l'estomac, dit gastriques, et ceux du duodénum car les maladies sont proches.
L’estomac est normalement protégé du suc gastrique acide par un mucus
Le duodénum est la première partie de l'intestin grêle après l'estomac
Helicobacter pylori est une bactérie capable de donner une infection aiguë et chronique de l’estomac et du duodénum.
Qu'est-ce qu'un ulcère de l'estomac ou du duodénum (ulcère gastroduodénal) ?
Un ulcère gastroduodénal est une perte de substance au niveau de la muqueuse, le revêtement interne des intestins et de nombreux organes. L’ulcère creuse localement la paroi, en commençant par la muqueuse et sa cicatrisation naturelle est difficile.
Il s'agit d’une érosion ou d'une plaie profonde, qui atteint la troisième couche de la paroi digestive, appelée couche musculeuse, en rapport avec l'acidité du liquide gastrique.
On emploie ce terme « gastroduodénal » car les deux zones sont proches et les causes semblables. Cependant l'évolution et les traitements peuvent différer et il est donc important d'en connaître la localisation précise.
La maladie se traduit le plus souvent par des douleurs du ventre, rythmées par les repas. C'est aussi ce que l'on peut communément appeler le « creux de l'estomac ». Longtemps considérée comme une maladie de l’acidité et du stress, il s’agit en majorité d’une maladie infectieuse chronique liée à une bactérie, Helicobacter pylori, initialement responsable d’une simple gastroentérite. Sa persistance peut conduire à une réduction de la sécrétion de mucus protecteur dans l’estomac, à une augmentation de l’acidité et à des modifications de la paroi du duodénum.
Quels sont les signes d'ulcère de l'estomac et du duodénum ?
Le principal signe est la douleur du ventre, sous le sternum, au niveau de la région épigastrique (« douleur épigastrique »), à type de crampes ou de faim douloureuse. Elle est typiquement rythmée par les repas : calmée initialement par la prise d’aliment, elle réapparait tôt à la fin du repas en cas d’ulcère gastrique et plus tardivement en cas d’ulcère duodénal. L'ensemble de ces signes typiques est appelé « syndrome ulcéreux ».
Parfois, les symptômes sont différents. L'ulcère peut être responsable d'un syndrome dyspeptique, un ensemble de signes digestifs variés comprenant des nausées, des ballonnements, des troubles du transit et des douleurs d'estomac (brûlures souvent). Les symptômes de l'ulcère peuvent aussi être minimes (ulcère latent) ou provoquer une simple gêne locale.
La principale crainte et le symptôme parfois révélateur de cette maladie est l’hémorragie digestive aiguë qui se manifeste par des vomissements de sang rouge, mêlé à quelques aliments éventuellement. L’ulcère peut également se révéler lors de sa perforation dans la cavité du ventre, à l’intérieur du péritoine : il s’agit alors d’une douleur généralisée à tout ou partie du ventre, avec raideur de la paroi à la palpation et risque de choc et de péritonite.
Quelles sont les causes des ulcères de l'estomac et du duodénum ?
L'ulcère gastroduodénal est dû à un déséquilibre entre les facteurs d'agression et de défense de la muqueuse de la paroi de l’estomac ou du duodénum.
Dans environ 85 à 95 % des cas, l'ulcère est lié à la présence d'une bactérie : Helicobacter pylori. Contrairement aux autres bactéries, celle-ci a la particularité de pouvoir survivre dans l'acidité de l'estomac et du duodénum. Elle est contractée dans l'enfance par la bouche. Elle provoque alors une infection en envahissant la paroi, on parle initialement de gastrite aiguë, inflammation locale souvent asymptomatique. Parfois la gastrite devient chronique, elle réduit la sécrétion de mucus protecteur, augmente la sécrétion d’acide dans l’estomac et modifie la paroi et peut alors se compliquer d'un ulcère de l'estomac ou du duodénum.
Les ulcères peuvent également être dus à des médicaments comme la prise de médicaments comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou l'aspirine. Ceux-ci altèrent les mécanismes de défense de la paroi intestinale et favorisent donc son agression par l'acidité locale.
Le stress est une vraie cause d’ulcère (les ulcères de stress) et est observé dans des circonstances particulières comme le séjour en réanimation.
Le tabac n'est pas directement responsable des ulcères mais il double son risque d'apparition. Une alimentation acide, épicé ou une consommation d'alcool sont également des facteurs favorisant la survenue des ulcères.
Quelles sont les complications des ulcères de l'estomac et du duodénum ?
Dans 20 % des cas, l'ulcère se complique d'une hémorragie digestive. Elle se traduit par un saignement de sang rouge par la bouche (hémorragie aiguë) ou de sang noir dans les selles (sang digéré = hémorragie minime et chronique) : c’est ce que l’on appelle un méléna. Si l’hémorragie aiguë est abondante, elle peut être accompagnée de signes de choc tel qu'un malaise, une accélération du rythme cardiaque et de la respiration et des sueurs. Si elle est minime mais chronique, elle peut être responsable d’une anémie par carence en fer (anémie ferriprive) diagnostiquée sur une prise de sang et qui est liée à la perte de fer contenu dans l’hémoglobine, à l’intérieur des globules rouges.
Plus rarement les ulcères peuvent se compliquer d'une perforation digestive. Cela correspond à la survenue d'un trou complet dans la paroi digestive. Une douleur très intense « en coup de poignard » au niveau de l'estomac est alors ressentie, parfois associée à des nausées ou vomissements.
Ces deux complications sont des urgences médicales et doivent amener à consulter en urgence un médecin.
Dans de rares cas, l'ulcère de l'estomac peut se transformer en cancer, c'est pourquoi il est surveillé à distance du traitement. L'ulcère du duodénum quant à lui ne présente pas ce risque.
Quand faut-il évoquer un ulcère de l'estomac ou du duodénum ?
Un ulcère de l'estomac ou du duodénum doit être évoqué en cas de douleurs de l'estomac notamment si elles sont rythmées par l'alimentation et aggravées par la prise d'aliments acides ou épicés.
Il faut également le suspecter en cas de symptômes moins typiques comme les ballonnements, les éructations ou les troubles du transit, s'ils sont fréquents et peu calmés par un traitement dédié et bien conduit.
Une autre circonstance de découverte en ville est celle de la découverte d’une anémie ferriprive, soit spontanément sur une prise de sang (numération-formule-sanguine), soir demandée en raison d’une fatigue et d’un essoufflement à l’effort. Cela peut également devant la découverte de selles colorées en noir (en l’absence de prise de charbon).
Si les symptômes surviennent chez une personne qui fume, qui a récemment pris des anti-inflammatoires ou qui a des antécédents personnels ou familiaux d'ulcère digestif, le diagnostic est d'autant plus probable.
Dans le cadre de l’urgence, c’est devant la survenue de vomissements de sang rouge accompagné d’un malaise qu’il faudra évoquer une hémorragie ulcéreuse (« hématémèse »). Il faut dans ce cas appeler les secours pour transfert immédiat en réanimation et traitement en urgence.
Comment diagnostiquer un ulcère de l'estomac ou du duodénum ?
Le diagnostic de l’ulcère est effectué grâce à la fibroscopie gastroduodénale. Cet examen est réalisé chez un médecin spécialiste des maladies des intestins : le gastro-entérologue.
Il s’agit d’introduire un tube qui contient une mini-caméra dans l’œsophage pour aller dans l’estomac et la première partie de l’intestin grêle (duodénum).
Cet examen se fait sans préparation, sous anesthésie loco-régionale en ambulatoire, ou sous anesthésie générale. Après introduction du tube par la bouche et l’œsophage dans l’estomac et le duodénum, le gastro-entérologue peut explorer l'estomac et le duodénum. Il peut alors visualiser la présence d’une éventuelle zone ulcérée, pour confirmer le diagnostic. Il effectuera ensuite une biopsie : il prélève un échantillon de la zone afin qu'il soit analysé en laboratoire. Cette analyse permet de chercher la présence de la bactérie Helicobacter pylori et d'éliminer un cancer associé (rare).
La fibroscopie œso-gastro-duodénale peut être pratiquée en urgence en cas de vomissements de sang (hématémèse), après la mise en place des premières mesures d’urgence (sondage avec lavage à l’eau glacée pour arrêter ou réduire l’hémorragie, perfusion avec éventuelle transfusion). Il permet dans ce cas de préciser la cause (ulcération d’une artère de la paroi de l’estomac ou saignement diffus en nappe) et d’en faire le traitement hémostatique (injections hémostatiques, pose de clip ou électrocoagulation). L'intervention chirurgicale est indiquée en cas de persistance de l'hémorragie ou de rechute précoce.
Les autres examens ne sont plus pratiqués.
Quels sont les principes du traitement des ulcères de l'estomac et du duodénum ?
Le traitement des ulcères gastroduodénaux, en l'absence de complication, est médicamenteux.
La base du traitement repose sur la prescription d'un médicament antiacides, et en particulier les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Les antihistaminique-H2 sont beaucoup moins utilisés. Le misoprostol, un analogue de prostaglandine E1, garde des indications dans l’ulcère de l’estomac. La durée est de 4 semaines pour un ulcère du duodénum et 6 semaines pour un ulcère de l’estomac, avec un contrôle obligatoire de la cicatrisation à la fin du traitement (de même que de l’éradication d’Helicobacter pylori). En cas de présence de la bactérie Helicobacter pylori lors de la biopsie effectuée pendant l'endoscopie digestive, le cas le plus fréquent, un traitement par antibiotique est associé pour permettre son éradication. Le traitement comprend une double antibiothérapie associée à un antisécrétoire. Les associations les mieux validées sont : IPP, une dose efficace deux fois par jour, associé à : amoxicilline, 1 g deux fois par jour, et clarithromycine, 500 mg deux fois par jour, pendant 7 jours. Le métronidazole à la dose de 500 mg deux fois par jour peut être utilisé à la place de la clarithromycine ou de l'amoxicilline. Le traitement par IPP seul sera ensuite poursuivi jusqu’à 4 ou 6 semaines en fonction de la localisation de l’ulcère.
Il est indispensable, en parallèle, d'arrêter la consommation de tabac, d'alcool et d'aliments trop acides ou épicés qui retarderaient la cicatrisation de l'ulcère.
En cas de traitement en cours par anti-inflammatoires, un avis spécialisé doit être pris pour arrêter ou modifier le traitement.
Comment s'assurer de l'efficacité du traitement ?
La régression des symptômes est un premier élément en faveur de l'efficacité des symptômes. Il convient cependant de bien poursuivre le traitement jusqu’à la fin de la durée prescrite même si les symptômes disparaissent avant afin d'éviter les récidives. Des explorations sont ensuite nécessaires pour suivre l'évolution.
En cas d'ulcère de l'estomac, une nouvelle endoscopie est réalisée un mois après la fin du traitement pour vérifier la cicatrisation et réaliser une nouvelle biopsie afin de vérifier l'éradication d'Helicobacter pylori et d'éliminer formellement un cancer.
En cas d'ulcère duodénal, il n'y a pas de risque de cancer, le contrôle de l'éradication de la bactérie est donc réalisé grâce à un simple test respiratoire (« Breath-test ») à distance du traitement.
Quels sont les risques de l'endoscopie digestive et des traitements ?
L'endoscopie digestive comporte peu de risques et leur survenue est rare. Elle peut se compliquer d'une hémorragie locale, d'une perforation du tube digestif ou d'une infection. Si elle est réalisée sous anesthésie générale s'ajoutent alors les risques liés à l'anesthésie. Les complications sont plus fréquentes pour les patients âgés ou ayant des maladies chroniques, cardiaques et respiratoires notamment.
Les anti-sécrétoires contre l’acidité (inhibiteurs de la pompe à protons), causent dans 5 % des cas des troubles digestifs tels que les nausées, vomissements ou diarrhées. Ils peuvent également parfois être responsables lors de maux de tête. Les symptômes disparaissent à l'arrêt du traitement.
Quand faut-il opérer un ulcère ?
Le traitement médical est efficace dans la très grande majorité des cas et les indications d'un traitement chirurgical en dehors de l'urgence sont devenues exceptionnelles.
Dans l’ulcère gastrique, le traitement chirurgical est indiqué en urgence en cas de complications ou d’hémorragie non-contrôlable. Il s’agit de retirer la partie de l’estomac malade ainsi qu’une grande partie de l’estomac où se fait la sécrétion de l’acide gastrique : c’est la gastrectomie, plus ou moins étendue en fonction du contexte.
Dans l'ulcère duodénal, le traitement chirurgical est indiqué en cas d’ulcères duodénaux non contrôlés par un traitement médical ou d’ulcères compliqués de rétrécissements. Le but du traitement chirurgical est de réduire l'agression acide de la paroi digestive et il sera généralement pratiqué une vagotomie hypersélective. Mais il peut également s’agir de corriger un rétrécissement du duodénum lié à une cicatrisation fibreuse responsable d’une sténose pyloro-duodénale (vagotomie tronculaire associée à une pyloroplastie).
En cas de perforation d’ulcère, le traitement chirurgical intervient en urgence après la réanimation. Il s’agit de fermer le trou (suture), ou de retirer la partie d’estomac où se trouve le trou, puis de traiter la péritonite (lavage péritonéal) et parfois également la maladie ulcéreuse (vagotomie tronculaire ou partielle). Il peut être réalisé par chirurgie cœlioscopique (des tubes introduits dans le ventre) ou par chirurgie conventionnelle.
Si la perforation est survenue à jeun et qu’elle est prise en charge rapidement (pas de fièvre ni signe de choc), il est possible d’envisager un traitement conservateur à l’hôpital avec aspiration gastrique par un tube à demeure, réhydratation par perfusion, traitement antibiotique et anti-sécrétoire par IPP à forte dose par voie intraveineuse.
Peut-on faire un traitement AINS après un ulcère gastrique ?
Il vaut mieux éviter d’utiliser un anti-inflammatoire non-stéroïdien après un ulcère, mais en cas de nécessité, il est possible de réaliser un traitement qui associera un AINS inhibiteur sélectif de COX-2 et un inhibiteur de la pompe à proton (IPP) à dose efficace, ceci pour la durée la plus courte possible. Le misoprostol à la dose de 400 mg/jour peut également être associé à l’AINS.
Comment réduire les risques d'ulcère de l'estomac et du duodénum ?
Pour réduire les risques d’apparition ou de récidive d'ulcère, il faut agir sur les facteurs de risque.
Il convient donc de n’utiliser les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) que lorsqu'ils sont vraiment nécessaires et pour la durée la plus courte possible. Il peut être utile d'y associer un médicament pour protéger l'estomac, en cas de facteurs de risque et sur avis du médecin.
La survenue d'ulcère sous AINS dépend de la molécule, de l'âge et des antécédents de la personne, et en particulier d’une infection à Helicobacter pylori. Le risque existe même avec de petites doses d’aspirine ou d’AINS à visée antalgique disponible en pharmacie comme l’ibuprofène 200 ou 400 mg. Il est donc important de prendre un avis auprès de son pharmacien avant de commencer ce type de traitement.
Le tabac double le risque d'apparition d'ulcère. Son arrêt est impératif pour prévenir leur survenue. Il sera en plus bénéfique pour réduire les risques de cancer et de maladies cardiovasculaires associés à sa consommation.
La maladie en France (chiffres)
En France, 90 000 ulcères gastroduodénaux sont désormais diagnostiqués tous les ans. Ils toucheraient environ 0,2 % de la population française adulte (c’est beaucoup moins que les 8 à 10 % observés dans les années 90).
Dans 90 % des cas, une infection à Helicobacter pylori est associée à l’ulcère (85 % pour l’ulcère gastrique et 95 % pour les ulcères duodénaux).
Cependant la part des ulcères dû à cette bactérie a tendance à diminuer d'année en année car l'infection est moins fréquente chez les nouvelles générations. En effet, 50 % des plus de 60 ans sont porteurs contre moins de 20 % de la population âgée de moins de 30 ans.
Liens site
Le site du collège national des enseignants de gastro-entérologie :
https://www.snfge.org/content/ulcere-de-lestomac-et-ulcere-du-duodenum#qa104
Le site du Manuel Merk
https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-digestifs/gastrite-et-ulc%C3%A8re-gastroduod%C3%A9nal/ulc%C3%A8re-gastroduod%C3%A9nal
Liens pourquoi Docteur
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