Onco-digestif
Cancer du pancréas d’emblée résécable : où en est-on avec le traitement préopératoire?
Et si un traitement pré-opératoire devenait la référence dans la prise en charge des cancers du pancréas d'emblée résecable? Une analyse de 3 essais randomisés permet de comparer différents protocoles et d'avoir une puissance suffisante pour conclure à l'intérêt du traitement pré-opératoire.
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Actuellement le traitement de référence des cancers du pancréas résécables repose sur la chirurgie suivie d'une chimiothérapie postopératoire. Toutefois moins de la moitié des malades opérés peuvent démarrer le traitement après une chirurgie lourde. Une alternative repose sur l'utilisation d’un traitement préopératoire dont la faisabilité et l'efficacité sont toujours en cours d'évaluation avec plusieurs essais en cours. Certaines de ces études ont été publiées mais les effectifs sont de petite taille avec une puissance statistique qui est limitée.
Différentes modalités de traitement pré-opératoire comparées
Les auteurs rapportent les résultats d'une analyse poolée de trois études prospectives contrôlées évaluant l'intérêt du traitement préopératoire chez des patients pris en charge pour un cancer du pancréas résécable. Les modalités de traitement préopératoire de ces 3 essais étaient respectivement, une chimiothérapie par Gemcitabine et Oxaliplatine, une radiochimiothérapie associée à une chimiothérapie à base de Gemcitabine et cisplatine, une radiochimiothérapie suivie d’une chimiothérapie par Gemcitabine. Le traitement préopératoire était comparé à une approche reposant sur une chirurgie d'emblée suivie d'une chimiothérapie postopératoire. Au total 130 malades ont été inclus parmi lesquels 56 avaient un traitement néoadjuvant et 74 une chirurgie d'emblée. Le critère de jugement principal était la survie sans récidive. En ce qui concerne la faisabilité de la chirurgie, 84 % des patients du groupe traitement néoadjuvant et 89 % des patients du groupe chirurgie d'emblée ont pu être opérés (NS). Le taux de complication postopératoire était significativement plus élevé chez les patients ayant une chirurgie d'emblée (p = 0,008) et il y avait également une tendance concernant un taux de fistule pancréatique plus élevé (6 % dans le groupe néoadjuvante versus 15 % dans le groupe chirurgie d'emblée, NS). En ce qui concerne la radicalité de la chirurgie, 70 % des patients du groupe traitement néoadjuvant et 53,8 % du chirurgie d'emblée ont pu avoir une résection complète R0 (p = 0,1). Le traitement préopératoire est associée à une toxicité certes mais améliore pratiquement tous les paramètres de la prise en charge y compris la proportion de malades qui vont pouvoir recevoir la chimiothérapie postopératoire (60 % versus 46 % respectivement, p = 0,1). Ce résultat s’explique par un taux de complications moins important chez les malades recevant un traitement préopératoire.
Des résultats probants pour le traitement pré-opératoire
La médiane de survie sans récidive était significativement plus longue chez les patients ayant un traitement préopératoire par rapport aux patients opérés d'emblée (12,7 mois versus 6,3 mois, p = 0,01) et cette différence était également présente parmi les malades ayant eu une résection complète R0. Les auteurs ont conclu que le traitement néoadjuvant devrait être proposé comme un nouveau standard chez les patients ayant un cancer du pancréas d'emblée résécable. De nouvelles études sont nécessaires pour déterminer quel pourrait être le schéma de traitement néoadjuvant optimal.
Des avantages théoriques challengés par « la vraie vie »
Les avantages théoriques du traitement préopératoire dans la prise en charge du cancer du pancréas sont nombreux : tester la chimiosensibilité de la tumeur et éviter une chirurgie lourde à des patients ayant une progression rapide, métastatique ; favoriser la préparation du patient en vue de la chirurgie ; faciliter la chirurgie en entrainant une réduction de la taille de la tumeur. Comme l’indiquent les auteurs, la réalisation des essais de traitement néoadjuvant s’est heurtée à des difficultés liées à des opinions parfois très tranchées en faveur de la chirurgie d'emblée souvent par crainte de voir échapper le recrutement chirurgical ou en faveur du traitement néoadjuvant pour ceux, les plus nombreux d'ores et déjà convaincus de son intérêt.
Conclusion et perspectives
Cette analyse poolée de 3 études de puissance insuffisante est donc pour le moment la source la plus robuste pour soutenir l’intérêt du traitement préopératoire qui devrait être à terme (et sous réserve des résultats des études en cours) considéré comme le traitement de référence des patients résécables. L’étude a des limites puisque ces séries ont été constituées avant l’introduction du nouveau schéma postopératoire par FOLFIRINOX modifié, ce qui aurait peut-être pu influencer les résultats.
Les caractéristiques des malades des trois essais sont homogènes mais les traitements sont différents et aucun n’utilise le FOLFIRINOX modifié qui est le régime le plus largement utilisé actuellement dans cette indication et évalué dans deux études de phase 3 en cours. Les résultats de l’essai PANACHE01, qui a testé précisément cette combinaison, seront communiqués très prochainement, confirmeront il faut l’espérer, ces premières données en faveur du traitement préopératoire