Rhumatologie
Douleur chronique de l’aine : parfois une compression méconnue du nerf obturateur
Le syndrome de compression du nerf obturateur est une pathologie neurologique peu fréquente, mais souvent mal diagnostiquée en raison de symptômes similaires à d'autres pathologies pelviennes ou de hanche plus fréquentes. Une bonne analyse permet cependant de différencier cette affection méconnue et assurer un traitement approprié pour les patients.
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Le syndrome de compression du nerf obturateur est une pathologie neurologique canalaire peu fréquente mais potentiellement invalidante qui touche principalement les adultes, et plus particulièrement les athlètes ou les personnes après un traumatisme pelvien.
Le nerf obturateur, issu des racines L2-L4 du plexus lombaire, sort du bassin par le canal obturateur. Ce canal est une ouverture oblique située, sous l'os pubien, dans la membrane obturatrice. Cette membrane est une structure fibreuse qui comble partiellement le foramen déterminé par le cadre obturateur. Le nerf obturateur, accompagné de l'artère et de la veine obturatrices, traverse ce canal pour entrer dans la région de la cuisse, où il innerve certains muscles adducteurs et fournit une innervation sensitive à la peau de la partie médiale de la cuisse.
Une compression de ce nerf obturateur peut entraîner des symptômes variés, allant de paresthésies et de douleurs à début insidieux de l’aine et de la face interne de la cuisse jusqu’à une faiblesse musculaire des adducteurs, affectant considérablement la mobilité et la qualité de vie du patient.
Des causes multiples et quelques diagnostics différentiels
Les causes les plus courantes incluent les hernies de la paroi abdominale, les fractures de l'os pubien, les hématomes pelviens sous anticoagulant, les tumeurs pelviennes et les interventions chirurgicales dans la région pelvienne. Les sports où des mouvements répétitifs à type de coups de pied, mouvements latéraux et torsions, sont courants sont les plus susceptibles de provoquer un syndrome de compression du nerf obturateur.
Au-delà des douleurs de l’articulation coxo-fémorale (arthrose, arthrite) et des bursites de hanche, la hernie inguinale est une cause fréquente de douleur à l'aine, similaire à celle observée dans le syndrome de compression du nerf obturateur. Les patients peuvent souffrir d’une douleur aiguë ou chronique, souvent exacerbée par l'activité physique. Cependant, la hernie inguinale se caractérise généralement par une masse palpable dans la région inguinale, ce qui aide à la différencier du syndrome de compression du nerf obturateur.
La pubalgie affecte principalement les athlètes et se manifeste par une douleur dans la région de l'aine et du pubis. Cette douleur est souvent exacerbée par des mouvements tels que courir ou se pencher. Contrairement à la compression du nerf obturateur, la pubalgie n'entraîne pas de déficits neurologiques comme la faiblesse ou l'atrophie des muscles adducteurs.
La tendinite des adducteurs peut aussi être un diagnostic différentiel : les premiers signes incluent une douleur à l'intérieur de la cuisse, souvent exacerbée par des activités comme la course, le saut ou tout mouvement impliquant une flexion et une extension répétitives de la hanche
La fracture de fatigue du cadre obturateur peut également se voir chez le sportif. Les signes s’installent généralement de manière progressive, rendant parfois le diagnostic initial difficile. Le symptôme principal est une douleur diffuse dans la région pelvienne, souvent décrite comme une gêne ou une douleur sourde qui s'aggrave avec l'activité physique et s'améliore avec le repos. Cette douleur peut être localisée au niveau de l'aine, de la hanche ou même de la face interne de la cuisse et s’accompagne généralement d’une boiterie à la marche.
Une radiculopathie lombaire, résultant souvent d'une hernie discale ou d'une sténose canalaire rachidienne, peut provoquer une douleur irradiant dans la cuisse et l'aine. Les symptômes incluent également des sensations de brûlure, des picotements et une faiblesse dans les membres inférieurs. Un examen neurologique et des imageries comme l'IRM ou le scanner lombaire sont essentiels pour différencier cette condition de la compression du nerf obturateur.
L'ostéite pubienne est une inflammation de l'articulation fibro-cartilagineuse du pubis, souvent causée par une surcharge mécanique répétitive. Les symptômes incluent une douleur dans la région pubienne et parfois dans la cuisse, aggravée par l'activité physique. Un diagnostic par imagerie peut révéler des signes caractéristiques tels que des lésions osseuses au niveau du pubis, ce qui la distingue de la compression nerveuse.
Un des points difficiles du diagnostic de compression du nerf obturateur est que ce problème peut être associé à de nombreuses causes décrites ci-dessus.
Une douleur à début insidieux, aggravée à l’effort
Les symptômes typiques de ce syndrome du nerf obturateur incluent une douleur profonde mal localisée dans la région de l'aine, irradiant vers la face interne de la cuisse, en particulier à l’effort, accompagnée dans un second temps d'une faiblesse puis d’une atrophie de certains muscles adducteurs. Ces symptômes peuvent être exacerbés par l'activité physique, rendant le diagnostic parfois difficile à poser. Chez le sportif, la douleur a un aspect de claudication intermittente et s'atténue généralement après des périodes de repos, mais réapparaît à la reprise de l'exercice. Des paresthésies de même localisation sont parfois rapportées dans les formes chroniques et sont alors très évocatrices.
L'examen clinique doit inclure une évaluation neurologique complète et il faut se rappeler que chez le sportif, les signes sont surtout présents après l’effort+++. Les signes spécifiques les plus importants sont la faiblesse du muscle court adducteur, le spasme du muscle court adducteur et la paresthésie sur la face médiale de la cuisse distale. Cette faiblesse peut toutefois ne pas être totale, car le long adducteur et le grand adducteur sont partiellement innervés par les nerfs fémoral et sciatique, respectivement.
Il est légitime de demander des radiographies du bassin avec des incidences obturatrices pour éliminer une lésion associée comme une ostéite du pubis ou une ostéolyse tumorale. D’autres examens complémentaires comme l'électromyographie ou l'IRM peuvent être nécessaires pour confirmer le diagnostic de tumeur et localiser précisément le site de compression. Les changements électrophysiologiques les plus significatifs sont ceux d'une dénervation chronique détectée par EMG à l'aiguille dans les muscles court adducteur et long adducteur. L'imagerie par résonance magnétique peut mettre en évidence une atrophie des muscles alimentés par la branche antérieure du nerf obturateur, c'est-à-dire le court adducteur, le long adducteur et le gracile.
Traitement souvent chirurgical
Le traitement du syndrome de compression du nerf obturateur dépend de la cause sous-jacente. Les options non chirurgicales dans les formes chez le sportif incluent la physiothérapie, les infiltrations de corticoïdes et la modification des activités physiques pour éviter les mouvements aggravants.
Dans les cas où une cause mécanique, telle qu'une tumeur ou une hernie, est identifiée, une intervention chirurgicale peut être nécessaire pour décomprimer le nerf. Des interventions sont souvent privilégiées, en particulier en cas de signes de dénervation. La prise en charge multidisciplinaire, impliquant neurologues, chirurgiens orthopédiques et kinésithérapeutes, est souvent essentielle pour optimiser les résultats et améliorer la qualité de vie des patients. En fin de compte, une détection précoce et un traitement approprié sont cruciaux pour prévenir les complications à long terme et permettre une récupération optimale.