Omégas 3, inflammation…

Cerveau et nutrition : des chercheurs bordelais récompensés

Votre alimentation a plus d'impact que vous ne le croyez. Elle est étroitement liée à la santé du cerveau, comme le montrent les travaux d'une équipe de Bordeaux.

  • Par Audrey Vaugrente
  • SUPERSTOCK/SIPA
  • 08 Déc 2015
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    Perte de mémoire, dépression, anxiété. Tous ces troubles pourraient être liés par un même facteur : l’alimentation. La piste peut sembler étonnante, mais elle est étudiée par une soixantaine de personnes de l’Institut nationale de recherche en agronomie (Inra) de Bordeaux (Gironde). A leur tête, Sophie Layé, neurobiologiste. Elle reçoit ce 8 décembre le Prix du Défi scientifique remis à son unité Nutrineuro à l’occasion de la 10e Céréomonie des Lauriers de l’Inra.

    Le rôle clé des omégas 3

    Les travaux de Sophie Layé sur les liens entre nutrition et cerveau ont commencé en 2003. Le laboratoire de l’Inra, où elle officie aujourd’hui, est fondé en 2010, au sein de l’université de Bordeaux. Il y associe spécialistes en nutrition et en neurosciences. « Agréger les compétences dans les deux domaines nous permet de mener des recherches expérimentales », résume Sophie Layé. Et en 5 ans, les travaux sur l’homme et l’animal – ce qu’on appelle la recherche translationnelle – ont bien avancé.

    « La nutrition est complexe chez l’homme, précise Sophie Layé. Chez l’animal, on peut la modéliser, étudier les processus et les mécanismes cérébraux influencés par les apports nutritionnels. Ensuite, on établit la preuve de concept chez l’homme. » Les recherches menées à Bordeaux portent aussi sur les altérations observées dans certaines pathologies cérébrales et les possibles liens avec l’alimentation.

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    Sophie Layé, directrice de recherche à l’Inra : « On sait qu’il y a des liens entre l’émergence de certaines pathologies du cerveau et les taux consommés d’omégas 3. »

    Une inflammation alimentaire

    Les domaines de recherche sont assez larges : inflammation cérébrale, dépression, mémoire spatiale. Autant de caractéristiques où les acides gras polyinsaturés jouent un rôle. Chez la souris, une obésité induite par un régime gras favorise par exemple l’anxiété et altère la cognition. Et ce lien ne relève pas du hasard. « Les omégas 3 contrôlent la plasticité cérébrale, donc la façon dont les neurones se connectent. Les taux d’omégas 3 consommés influencent les taux d’omégas 3 incorporés dans les neurones, explique Sophie Layé. Ils seront à l’origine d’autres lipides qui contrôlent la plasticité synaptique. »

    Ces lipides agissent sur le système endo-cannabinoïde, qui régule la communication entre les neurones. Un déficit en omégas 3 est donc à l’origine de perturbations dans ce contrôle, ce qui provoque des troubles du comportement, proches de la dépression chez l’homme. Les travaux ont aussi démontré que les personnes diabétiques sont plus à risque de dépression que les autres – l’inflammation jouant un rôle important.

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    Sophie Layé : « L’inflammation cérébrale est un facteur commun aux pathologies neurodégénératives et la dépression. L’apport nutritionnel en omégas 3 la contrôle. »


    Le dernier axe de travail de l’équipe bordelaise ne manque pas d’ambition : le microbiote. Mais il fait sens dans la mesure où l’intestin est souvent décrit comme notre deuxième cerveau. « Les découvertes récentes donnent une large ouverture aux recherches que l’on peut faire sur le lien entre nutrition et cerveau, et ouvrent de nouvelles pistes sur la prise en charge de certaines pathologies, reconnaît Sophie Layé. Considérer le microbiote comme l’interface entre l’aliment et le cerveau est important. Mais il peut aussi être une interface entre les médicaments et le cerveau. »

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