Etude française

Obésité : les bénéficiaires de l'aide alimentaire 2 fois plus touchés

Précarité rime avec obésité. Près de 72% des femmes bénéficiaires de l’aide alimentaire sont en surpoids ou obèses selon une étude publiée dans le BEH.  

  • Par Afsané Sabouhi
  • BAZIZ CHIBANE/SIPA
  • 17 Jun 2014
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    « L’obésité est une maladie de la vulnérabilité sociale », écrit l’endocrinologue et nutritionniste Arnaud Basdevant dans l’édito du Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Le dernier numéro du BEH est en effet consacré à l’étude Abena menée chez les femmes ayant eu recours à l’aide alimentaire au cours de l’hiver 2011-2012 dans plusieurs grandes zones urbaines de France. Et ses résultats confirment le terrible impact des conditions socio-économiques sur l’alimentation et la santé.

    Parmi ces femmes bénéficiaires de l’aide alimentaire, près des ¾ ont un problème de poids : 36% sont en surpoids et 35% sont obèses. « Dans cette population, la prévalence de l’obésité est non seulement exceptionnellement élevée par rapport à la population générale (35% contre 17%), mais elle s’aggrave puisqu’elle était de 29% en 2004 dans cette même population », s’alarme le Pr Basdevant, responsable de l’Institut Cardiométabolisme et nutrition de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

    Les mères isolées se sacrifient pour nourrir leurs enfants

    Parmi les facteurs expliquant ce lien entre obésité et pauvreté, l’équipe de chercheurs de l’Université de Bobigny Paris 13 met en évidence l’importance de l’insécurité alimentaire. « Elle existe chaque fois que la disponibilité d’aliments nutritionnellement adéquats et sûrs, ou que la capacité de les acquérir selon des moyens socialement acceptables, sont limitées ou incertaines. Son niveau extrême étant le fait de connaître la faim », écrivent l’épidémiologiste Katia Castetbon et ses collègues. Cette insécurité alimentaire est très répandue parmi les bénéficiaires de l’aide alimentaire et particulièrement chez les mères isolées. Pour pouvoir offrir à leurs enfants l’alimentation la plus appropriée possible compte-tenu des difficultés économiques qu’elles rencontrent, ces mères se privent elles-mêmes et sont contraintes d’adopter des habitudes alimentaires néfastes pour leur propre santé. Ainsi, près de 60% des femmes déclarant une situation d’insécurité alimentaire sévère pour leurs enfants sont obèses.

    Santé bucco-dentaire et sommeil contribuent aussi

    L’obésité n’est pas qu’une affaire de calories ingurgitées, les résultats de l’étude Abena le confirme. Le nombre de dents absentes non remplacées chez ces femmes confrontées à des difficultés financières majeures les pousse par exemple à adopter des comportements alimentaires défavorables pour la santé qui renforcent les mécanismes inflammatoires liant obésité et mauvaise santé bucco-dentaire. Même constat pour le sommeil, la prévalence de l’obésité est de 56% parmi les femmes dormant moins de 5 heures par nuit contre 33% parmi celles dont les nuits font plus de 5h. L’explication physiologique viendrait d’un bouleversement des niveaux d’hormones régulant l’appétit du fait de la réduction du temps de sommeil.

    Réorienter la prévention de l’obésité contre les inégalités sociales

    De ces constats dressés par l’étude Abena, qu’il qualifie de « contribution unique et très attendue », Arnaud Basdevant, président du Plan Obésité entre 2010 et 2013, tire trois grands enjeux pour notre système de santé. L’obésité étant à l’origine de plusieurs maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension et le cancer, l’accès aux soins de toutes les personnes obèses jusqu’aux plus précaires doit être une priorité. Sur le plan de la recherche, il faut parvenir à « démêler les interactions entre facteurs biologiques, comportementaux et environnementaux qui s’aggravent les uns les autres », autrement dit « mieux comprendre comment la précarité favorise l’obésité et l’obésité aggrave la précarité ». Enfin, il est impératif de réorienter les stratégies de prévention pour s’attaquer à la réduction des gradients sociaux dans l’obésité. La tache sera rude : la prévalence de l’obésité est 4 fois plus élevée chez les Français aux plus bas revenus par rapport aux plus favorisés. 

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