Médecine générale

Grippe non sévère : antiviraux uniquement chez les personnes à haut risque

Une méta-analyse confirme que la plupart des antiviraux de la grippe ont un effet limité sur la mortalité et la durée des symptômes de la grippe non-sévère. Le baloxavir réduirait modestement le risque d’hospitalisation chez les patients à haut risque atteints de grippe non sévère, sans accroître les effets indésirables.

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  • 30 Jan 2025
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    La grippe est une infection respiratoire virale touchant chaque année des millions de personnes, y compris sous forme sévère, et causant de nombreux décès d’origine respiratoire dans le monde. Les antiviraux, tels que les inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir, zanamivir...) ou de la cap endonucléase (baloxavir), sont depuis plusieurs années utilisés afin de réduire la durée des symptômes, diminuer le risque de complications graves et potentiellement abaisser la mortalité, surtout chez les patients dits « à haut risque » (âgés, immunodéprimés...).

    Les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) publiées en 2022 conseillent l’utilisation conditionnelle d’oseltamivir en cas de grippe à risque d’évolution sévère, tout en étant plus réservées sur l’intérêt d’autres molécules (zanamivir, laninamivir, peramivir). Cependant, ces recommandations reposent souvent sur des données jugées de faible certitude, ce qui laisse planer des incertitudes quant au traitement optimal.

    Une étude d’impact sur près de 35000 patients

    Dans ce contexte, une revue systématique et méta-analyse en réseau (73 essais randomisés, 34 332 participants) s’est attachée à comparer l’ensemble des antiviraux disponibles pour des patients atteints de grippe non sévère, c’est-à-dire ne nécessitant pas d’emblée une hospitalisation. Les résultats clés montrent qu’aucun antiviral (baloxavir, favipiravir, laninamivir, oseltamivir, peramivir, umifénovir, zanamivir) n’a véritablement réduit la mortalité, tant chez les sujets à bas qu’à haut risque (certitude élevée). Par ailleurs, oseltamivir, zanamivir et la plupart des autres molécules analysées ont montré peu ou pas d’effet sur la réduction des admissions à l’hôpital dans la population générale.

    Seul le baloxavir se distingue : il pourrait réduire le risque d’hospitalisation chez les patients à haut risque (différence de risque estimée à −1,6 % ; IC à 95 % : −2,0 à 0,4) mais avec une faible certitude des preuves. Le baloxavir réduirait aussi la durée des symptômes en moyenne d’un peu plus d’une journée (−1,02 jour ; IC 95 % : −1,41 à −0,63), sans majorer les effets indésirables, avec un niveau de preuve modéré.

    Un impact négligeable chez les patients à risque faible

    Chez les patients à risque faible, tous les antiviraux testés ont montré un impact négligeable ou inexistant vis-à-vis des hospitalisations, confirmant qu’il s’agit d’un événement rare dans ce sous-groupe (certitude élevée). Concernant la durée des symptômes, le baloxavir et l’umifénovir semblent offrir un bénéfice modeste (réduction respective d’environ 1 jour et 1,1 jour), tandis que l’oseltamivir, malgré une utilisation clinique répandue, n’apporterait vraisemblablement pas d’amélioration notable (différence −0,75 jour ; certitude modérée).

    En matière de tolérance, le baloxavir n’a pas accru les effets indésirables (différence de risque −3,2 %; IC à 95 % : −5,2 à −0,6 %; certitude élevée), mais il pourrait favoriser l’émergence de résistances à hauteur d’environ 10 % des cas traités. L’oseltamivir, pour sa part, augmenterait probablement la survenue d’effets indésirables, principalement gastro-intestinaux (différence de risque +2,8 %; IC à 95 % : 1,2 à 4,8 %; certitude modérée). Le zanamivir et le peramivir, peu prescrits et moins étudiés, n’ont pas mis en évidence de signaux de tolérance problématiques, mais les niveaux de preuve associés sont faibles.

    Les divergences dans l’impact sur l’hospitalisation se sont révélées particulièrement marquées pour la population à haut risque : l’oseltamivir n’a pas fait mieux que le placebo (−0,4 %; IC à 95 % : −1,0 à 0,4 %; certitude élevée), tandis que le signal favorable pour baloxavir (−1,6 %) est limité par une incertitude méthodologique jugée non négligeable (certitude faible). Enfin, aucun antiviral n’a clairement démontré de bénéfice sur la mortalité dans ces essais, que ce soit chez des patients à haut risque ou à bas risque.

    Une revue systématique avec méta-analyse en réseau

    Les résultats présentés proviennent d’une revue systématique et d’une méta-analyse en réseau incluant 73 essais cliniques randomisés menés entre 1971 et 2023, englobant plus de 34 000 patients présentant une grippe confirmée ou suspectée non sévère. Les bases de données MEDLINE, Embase, CENTRAL, CINAHL, Global Health, Epistemonikos et ClinicalTrials.gov ont été interrogées jusqu’en septembre 2023. Les investigateurs ont comparé chaque antiviral à un placebo ou à un autre traitement actif, puis évalué la qualité des preuves selon la méthodologie GRADE, qui tient compte de la cohérence des résultats, du risque de biais et de la précision statistique.

    Malgré l’importance et la diversité des essais inclus, l’hétérogénéité des populations (ex. âge, comorbidités, délai entre le début des symptômes et l’initiation du traitement) peut influencer la transposabilité des conclusions. De plus, les événements critiques (mortalité, hospitalisation) demeurent rares dans les formes non sévères de la grippe, ce qui limite la puissance de détection d’une différence statistiquement significative.

    Réserver certains de ces antiviraux aux malades à haut risque

    Au vu de ces données, les changements de pratique pourraient inclure une utilisation plus réfléchie d’oseltamivir, dont l’efficacité semble marginale en dehors de certains contextes très ciblés et dont la tolérance demeure un point d’attention. Le baloxavir apparaît comme une option prometteuse pour les patients à haut risque, en particulier pour écourter la durée des symptômes et potentiellement limiter les hospitalisations, sous réserve de surveiller l’émergence de résistances et de vérifier sa disponibilité et son coût. Enfin, de futures études devraient mieux préciser l’efficacité clinique de ces antiviraux selon le type de souche virale, le profil immunologique du patient et le moment optimal de mise en route du traitement.

    En conclusion, cette analyse large et robuste suggère que le baloxavir pourrait constituer un choix pertinent chez les patients à haut risque et que les autres antiviraux ont un bénéfice modeste sur la progression de la grippe non sévère. Une meilleure caractérisation de l’efficacité et du profil de tolérance de chaque molécule demeure indispensable pour affiner les recommandations et améliorer la prise en charge des formes non sévères de grippe.

     

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