Infectiologie

Grippe aviaire : nouvelle étape vers une adaptation du virus H5N1 à l’homme

Le variant D1.1 de la grippe aviaire, trouvé chez des vaches infectées dans le Nevada et responsable de cas de grippe sévère, montre des signes d'adaptation aux mammifères par rapport au variant B3.13 qui infectait les troupeaux jusqu’ici.

  • IDijkinga/istock
  • 10 Fév 2025
  • A A

    Le variant D1.1 de la grippe aviaire qui a récemment été isolé chez des vaches laitières dans le Nevada, aux États-Unis, a une modification génétique qui, selon les chercheurs, aiderait le virus à se répliquer plus facilement chez les mammifères, y compris les humains.

    C’est la conclusion d’une nouvelle note technique du US Department of Agriculture’s Animal and Plant Health Inspection Service (USDA) qui intervient alors qu'un travailleur d'une ferme laitière du Nevada a été testé positif au H5N1, la première infection humaine identifiée dans cet État. Selon une source de CNN, les symptômes du travailleur seraient cependant limités à une conjonctivite, comme lors des précédentes infections.

    Une histoire qui s’accélère

    Le D1.1 a été détecté pour la première fois chez des oiseaux sauvages en septembre 2024, selon l'USDA, et constitue désormais la lignée H5N1 dominante chez les oiseaux sauvages en Amérique du Nord. Fin octobre, le sous-type D1.1 a été identifié chez des travailleurs qui nettoyaient une ferme avec des volailles infectées dans l'État de Washington. Bien que ces travailleurs aient développé des symptômes respiratoires, leurs infections ont été décrites comme légères. Quelques semaines plus tard, début novembre, une jeune fille de 13 ans en Colombie-Britannique, au Canada, a également été testée positive à la souche D1.1 du H5N1 et est tombée gravement malade, souffrant de défaillances multiviscérales. Elle a survécu, mais seulement après des semaines de soins intensifs.

    Lorsque les scientifiques ont séquencé le génome du virus H5N1 qui l'avait infectée, ils ont trouvé des signes indiquant qu'il avait commencé à développer les types de mutations dont il aurait besoin pour devenir un agent pathogène humain plus efficace. Puis, en décembre, une personne de plus de 65 ans en Louisiane qui avait été exposée à des oiseaux malades dans son jardin est également tombée gravement malade avec le D1.1 et a été hospitalisée. Cette personne est finalement décédée, devenant ainsi le premier décès dû à la grippe aviaire aux États-Unis. Le séquençage du génome des échantillons prélevés sur ce patient a également révélé des modifications préoccupantes du virus qui ont probablement contribué à sa pénétration dans les cellules humaines.

    H5N1 D1.1, un nouveau variant du virus devient dominant

    Les scientifiques américains surveillent de près les nouvelles infections au Nevada car le sous-type du virus H5N1, D1.1, est un nouveau variant dans ces infections de bétail. Or celui-ci a été associé à deux infections graves chez l’homme en Amérique du Nord, dont une mortelle. Jusqu’ici, la plupart des infections de grippe aviaire des troupeaux laitiers aux États-Unis avaient été causées par le variant B3.13, le « clade bovin ».

    Les troupeaux touchés sont les premiers cas connus de transmission de D1.1 au bétail. La souche n'avait été trouvée auparavant que chez les oiseaux et les humains. Les éleveurs laitiers ont signalé d'importantes quantités d'oiseaux sauvages morts près de leurs fermes avant que leurs vaches ne tombent malades. Il est donc possible que les vaches aient été au contact des oiseaux infectés, ou peut-être de leurs excréments, ce qui les aurait contaminées.

    Cependant, le séquençage génétique de ces virus D1.1 révèle une mutation qui permettrait au virus de se répliquer plus efficacement dans les cellules des mammifères, y compris chez les humains. Selon l'USDA, ce changement n'a pas été observé dans d'autres infections D1.1 chez les oiseaux sauvages ou les volailles. Cela soulève la possibilité qu'un autre animal intermédiaire, éventuellement un chat ou un renard, ait introduit le virus dans ces fermes.

    Glissement antigénique ou mutation

    Lorsque les virus évoluent, ils le font de deux manières : par glissement antigénique ou par mutation. Le glissement correspond à un petit changement dans le génome, généralement une erreur, liée à la réplication du virus dans une cellule. La plupart du temps, ces changements sont négatifs pour le virus ou n'ont aucun effet. Parfois, ce petit changement peut aider le virus à devenir plus apte et à supplanter ceux qui l'entourent, ce qui lui permet de devenir un variant dominant.

    Une mutation est un changement plus important. Lorsque deux virus de la grippe différents infectent une même cellule en même temps, ils peuvent échanger des segments entiers de leur génome pour créer des virus hybrides qui peuvent avoir des propriétés radicalement différentes.

    Le D1.1 est donc un nouveau clade viral qui a été créé par une mutation, c'est donc un virus hybride. La moitié de ses segments, y compris son segment « H », celui qui code pour l’hémagglutinine, la protéine de surface qui lui permet de s’attacher à la surface de la cellule, proviennent d'un virus H5N1 hautement pathogène qui a été introduit en Amérique du Nord par des oiseaux sauvages en provenance d'Asie peu après avril 2022. L'autre moitié, y compris le segment « N », celui de la neuraminidase qui permet au vus de détruire la cellule pour se propager aux autres cellules d’un organisme, provient d'un virus grippal faiblement pathogène qui était déjà présent chez les oiseaux en Amérique du Nord. Des expériences sont en cours pour voir si le segment N du H5N1 D1.1 a aussi muté et serait capable de faciliter la dissémination.

     

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    
    -----