Hématologie
Gammapathie monoclonale (MGUS) : la prise de poids associée à la progression vers le myélome
Un excès d’indice de masse corporelle (IMC) cumulé serait associé à la progression de la gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) vers le myélome multiple (MM). Les patients initialement normopondérés apparaissent particulièrement vulnérables à la prise de poids. La question de pose de prévenir le myélome multiple en contrôlant le poids.
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- Md Saiful Islam Khan/istock
La gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) représente un état asymptomatique précédant souvent le myélome multiple (MM). Bien que seulement 20% des patients atteints de MGUS progressent vers un myélome au cours de leur vie, l’élévation du risque est un enjeu majeur de santé publique. Parmi les rares facteurs modifiables identifiés, l’obésité (IMC ≥ 30) et le simple surpoids (IMC ≥ 25) sont fortement associés à la survenue d’un myélome. Les mécanismes invoqués incluent notamment des perturbations immunitaires et des voies liées aux adipokines.
Dans une vaste étude de cohorte menée au sein du Veterans Health Administration (VHA) aux États-Unis (n=22 429 patients), l’objectif était d’évaluer l’impact d’une exposition cumulée à un IMC > 25 (définie comme l’« EBMI », calculée sur 3 ans après le diagnostic de MGUS) sur le risque de progression vers un MM. Dans les résultats, publiés dans JAMA Network Open, les auteurs observent qu’un IMC ≥ 25 dès le diagnostic de MGUS s’accompagne d’une augmentation du risque de progression (HR ajusté [IC à 95 %] : 1,17 [1,03 - 1,34] pour 25–<30 et 1,27 [1,09 - 1,47] pour ≥ 30). De plus, chez les patients dont l’IMC initial était normal (18,5–<25), chaque unité-annuelle d’EBMI est associée à une hausse de 2% du risque (HR=1,21 ; IC 95 % : 1,04–1,40). En revanche, aucun sur-risque additionnel n’est retrouvé si le patient est déjà en surpoids ou obèse au moment du diagnostic.
La durée et l’intensité du surpoids comptent autant que la valeur de l’IMC
Dans la cohorte, l’IMC médian s’établit entre 25 et 30 chez 34 % des patients, et ≥ 30 chez 38 %. Par ailleurs, 37 % des participants étaient Afro-Américains, un sous-groupe déjà exposé à un risque accru de MGUS et de myélome. L’analyse multivariée, tenant compte de divers facteurs confondants, confirme la robustesse de l’association entre surpoids ou obésité initiale et progression. Pour les personnes initialement normopondérées (environ 22% des cas), les auteurs soulignent un effet cumulatif de chaque augmentation d’EBMI, soulignant que la durée et l’intensité du surpoids comptent autant que la valeur de l’IMC à un instant donné.
Contrairement à un essai clinique thérapeutique, il n’y a pas à proprement parler de « tolérance » médicamenteuse à évaluer. Toutefois, plusieurs biais possibles sont discutés, notamment le lead-time bias : les patients obèses consultent plus souvent (diabète, hypertension), ce qui peut entraîner un diagnostic précoce de MGUS et donc allonger artificiellement la période de suivi jusqu’à la déclaration du myélome multiple.
Une cohorte observationnelle prospective
L’étude repose sur des données nationales du VHA (octobre 1999–décembre 2021), avec un algorithme d’apprentissage automatique validé pour confirmer les diagnostics de MGUS et myélome. Ce large échantillon confère une puissance statistique importante et une bonne qualité prédictive, bien que la population (principalement masculine et constituée de vétérans) ne reflète pas exactement la démographie générale. Par ailleurs, l’absence d’informations détaillées sur l’hygiène de vie, la diète et le tabagisme limite l’ajustement complet des facteurs confondants.
Selon les auteurs, ces résultats suggèrent une attention particulière au contrôle du poids dès la découverte d’une MGUS, en particulier chez les patients initialement de corpulence normale : la surveillance régulière de l’IMC et une intervention (conseil diététique, activité physique) pourraient éventuellement permettre de prévenir ou retarder la progression vers un myélome. Les auteurs insistent sur la mise en place d’un suivi plus serré (visites de contrôle, dépistage sanguin plus rapproché) pour ces patients à haut risque « acquis ». Enfin, des études prospectives restent nécessaires pour déterminer si une perte de poids ou le maintien strict d’un IMC < 25 exerceraint un effet protecteur avéré.
Sur le plan fondamental, l’exploration des voies biologiques reliant le tissu adipeux et le clone tumoral (immunorégulation, microenvironnement médullaire) représente une piste d’investigation cruciale pour étayer de futures approches préventives ciblées.