Hématologie

LLC : l’association Acalabrutinib–Venetoclax pour un meilleur contrôle

Chez des patients « fit » atteints d’une leucémie lymphoïde chronique (LLC) sans altération TP53, l’association fixe acalabrutinib–venetoclax, avec ou sans obinutuzumab, prolonge significativement la survie sans progression par rapport à la chimio-immunothérapie. L’ajout d’obinutuzumab profite surtout aux formes non mutées d’IGHV, avec cependant un risque infectieux accru.

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  • 07 Fév 2025
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    La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est longtemps restée traitée par chimio-immunothérapie (p. ex. fludarabine–cyclophosphamide–rituximab ou bendamustine–rituximab). Cependant, l’avènement des inhibiteurs de la tyrosine kinase de Bruton (BTK) (ibrutinib, acalabrutinib, zanubrutinib) et des inhibiteurs du Bcl-2 (venetoclax), combinés aux anticorps anti-CD20 de nouvelle génération (obinutuzumab), a progressivement redéfini la prise en charge de première ligne. Malgré leur efficacité prolongée, ces nouvelles stratégies à durée fixe (par exemple venetoclax–obinutuzumab) demeurent grevées de limites : risque de syndrome de lyse tumorale, toxicités cardiovasculaires (notamment avec ibrutinib) ou immunosuppression prolongée.

    L’acalabrutinib, inhibiteur de BTK de seconde génération, aurait un meilleur profil de sécurité cardiovasculaire. Dans l’essai AMPLIFY (phase 3), dont les résultats sont publiés dans le New England Journal of Medicine, l’association fixe acalabrutinib–venetoclax, avec ou sans obinutuzumab, a été comparée à la chimio-immunothérapie standard chez des patients « fit », non porteurs de del(17p) ni de mutation TP53. Au total, 867 patients ont été randomisés (1:1:1). Après un suivi médian de 40,8 mois, la survie sans progression (SSP) estimée à 36 mois atteint 76,5 % dans le groupe acalabrutinib–venetoclax, 83,1 % avec l’ajout d’obinutuzumab et 66,5 % sous chimio-immunothérapie (HR=0,65 ; p=0,004). La survie globale à 3 ans se révèle aussi en faveur de l’association acalabrutinib–venetoclax (94,1 %) versus chimio-immunothérapie (85,9 %).

    L’anti-CD20 améliore la survie sans progression si IGHV est non muté

    Bien qu’aucune comparaison formelle entre l’association double (acalabrutinib–venetoclax) et la triple (avec obinutuzumab) n’ait été planifiée, le schéma comprenant obinutuzumab montre la meilleure SSP à 3 ans, en particulier chez les patients dont IGHV est non muté. Toutefois, la mortalité Covid-19 est apparue plus élevée dans les groupes recevant un anti-CD20 (25 décès pour acalabrutinib–venetoclax–obinutuzumab et 21 sous chimio-immunothérapie) contre seulement 10 dans le bras sans anticorps. Cela souligne l’impact immunosuppresseur, potentiel point critique en période de pandémie.

    Sur le plan de la réponse profonde, la maladie résiduelle indétectable (MRD) est relevée chez 94,4 % des patients évaluables du bras acalabrutinib–venetoclax–obinutuzumab à 3 mois post-traitement, contre 77,9 % sous chimio-immunothérapie. Dans le bras double thérapie acalabrutinib–venetoclax, le pourcentage d’absence de MRD demeure plus bas (38 %), mais s’accompagne malgré tout d’une SSP proche de celle observée dans d’autres essais de durées de traitement plus longues.

    Concernant la tolérance, la neutropénie de grade ≥ 3 constitue l’événement indésirable majeur (32,3 %, 46,1 %, et 43,2 % selon les trois groupes). Les effets cardiovasculaires de grade élevé (fibrillation auriculaire, hypertension sévère) restent rares avec acalabrutinib–venetoclax (0,7 % et 2,7 %). La proportion d’événements indésirables de grade ≥ 3 touche 53,6 % des patients dans le bras acalabrutinib–venetoclax, 69,4 % dans le bras acalabrutinib–venetoclax–obinutuzumab et 60,6 % en chimio-immunothérapie.

    Une étude de phase 3, ouverte, randomisée à trois bras

    L’essai AMPLIFY est une étude de phase 3, ouverte, randomisée à trois bras, incluant des patients âgés d’au moins 18 ans, en bon état général (ECOG 0–2) et n’ayant pas de délétions/mutations de TP53. Les investigateurs pouvaient choisir librement fludarabine–cyclophosphamide–rituximab ou bendamustine–rituximab pour le bras témoin, ce qui introduit un hétérogène éventuel dans le comparateur. Par ailleurs, le contexte pandémique a affecté l’observance (visites manquées, retards de contrôles MRD) et accentué le risque infectieux, en particulier sous anti-CD20.

    Selon les auteurs, ces données confirment la place croissante des régimes combinant un inhibiteur de BTK de seconde génération et un inhibiteur de Bcl-2 dans la LLC de première ligne chez les patients « fit ». Le bénéfice en SSP est net par rapport à la chimio-immunothérapie, avec une toxicité gérable et globalement favorable. L’ajout d’obinutuzumab semble particulièrement utile en cas d’IGHV non muté, mais nécessite d’intégrer le risque accru d’infections.

    Les perspectives de recherche incluent un suivi prolongé pour évaluer la durabilité de la réponse, ainsi que des essais comparatifs directs (p. ex. CLL17) visant à mieux cerner la place d’un anti-CD20 dans ces schémas. À terme, l’identification des profils biologiques et cliniques tirant le plus grand avantage d’un triplet versus un doublet pourrait affiner l’individualisation du traitement de première ligne dans la LLC.

     

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