Psychiatrie
Antidépresseurs : un impact différencié sur la prise de poids
Le bupropion entraînerait significativement moins de prise de poids que les autres antidépresseurs courants, tandis que l’escitalopram et la paroxétine augmenteraient davantage ce risque.

- towfiqu ahamed/istock
Les antidépresseurs, utilisés par des millions de patients, ont fréquemment pour effet secondaire une prise de poids, impactant la santé métabolique et favorisant l'arrêt prématuré du traitement. Dans ce contexte, une étude observationnelle américaine d’envergure, publiée dans Annals of Internal Medicine, a comparé les effets sur le poids de huit antidépresseurs prescrits en première intention (sertraline, citalopram, escitalopram, fluoxétine, paroxétine, bupropion, duloxétine, venlafaxine).
Après six mois de traitement, les résultats principaux montrent que, comparativement à la sertraline (traitement de référence), le bupropion est associé à une prise de poids moindre (-0,22 kg), alors que l'escitalopram (+0,41 kg), la paroxétine (+0,37 kg) et la duloxétine (+0,34 kg) entraînent des gains de poids significativement plus importants.
Un impact possible de la prise de poids sur l’observance
Concernant les critères secondaires, la probabilité de prise de poids cliniquement significative (≥ 5 % du poids initial) varie également selon les molécules. Ainsi, l’escitalopram, la paroxétine et la duloxétine augmentent ce risque de 10 à 15 % par rapport à la sertraline. À l’inverse, le bupropion diminue ce risque de 15 %.
L'analyse complémentaire sur l'observance thérapeutique révèle des différences notables : l’observance à six mois est faible, variant de seulement 28 % pour la duloxétine à 41 % pour le bupropion. Ce constat souligne une possible corrélation entre prise de poids moindre et meilleure adhérence thérapeutique, notamment avec le bupropion.
Une très large étude de cohorte
Cette étude de cohorte observationnelle, basée sur les données électroniques de santé provenant de huit systèmes hospitaliers américains, inclut 183 118 adultes traités entre 2010 et 2019. L’approche méthodologique rigoureuse (modèles structuraux marginaux pondérés par probabilité inverse) a permis de contrôler les biais de confusion à l’inclusion et ceux liés à l'observance. Toutefois, certaines limites subsistent : absence de données précises sur la délivrance des médicaments, faible observance thérapeutique et données incomplètes sur le poids au cours du suivi.
Ces résultats possèdent des implications majeures en pratique médicale, offrant aux cliniciens des données concrètes pour orienter leur choix d’antidépresseurs en tenant compte du risque de prise de poids, facteur influençant fortement l’observance et donc l’efficacité thérapeutique à long terme. Ils invitent également à intégrer systématiquement cette dimension métabolique dans les décisions thérapeutiques, en particulier chez les obèses et les diabétiques. Des recherches futures devront s’attacher à préciser davantage l'impact sur l'observance et explorer les mécanismes biologiques sous-jacents aux différences observées entre molécules.