Mise en demeure de l'établissement
CHU de Caen : les internes dénoncent des temps de travail illégaux
Pour une application des textes cadrant leur temps de travail à 48 h par semaine, les internes en médecine de Caen ont mis en demeure leur CHU. Ce dernier a 1 mois pour se mettre en conformité.
Le 26 février 2015, un décret relatif au temps de travail des internes est paru avec une application dès le 1er mai de cette même année. Cette réglementation stipule que la durée maximale hebdomadaire de travail des internes ne doit pas excéder 48 heures. Ce temps qui comprend également le temps de formation hors stage n'est pourtant pas respecté. C'est l'alerte lancée ce vendredi par les internes du CHU de Caen. Un problème récurrent pour lequel la France avait déjà été mise en demeure par le Commission européenne, en juin 2013.
Un mois pour se mettre en conformité
Dans un communiqué de presse publié ce vendredi le Syndicat des Internes Bas-Normands (SIBN) écrit : « Dans ce contexte dangereux pour la sécurité des internes et des patients, et devant l'absence de dialogue, le SIBN, représentant l'ensemble des internes en médecine de la région Basse-Normandie, a choisi de mettre en demeure le CHU de Caen afin qu'il se conforme à la réglementation en vigueur ».
Il rajoute : « La direction de l'établissement est mise en demeure à compte du jeudi 30 juillet 2015 pour une mise en application de la réglementation au 1er septembre 2015 ».
Avec cette action, le SIBN laisse donc 31 jours à l'établissement pour se mettre en conformité avec la loi, sous peine d’être poursuivi en justice. Un choix démocratique, puisque cette décision repose sur le vote de 62 internes de l'établissement présents au moment du scrutin : 41/62 (66,1 %) ont coché la case "pour un mouvement de grève", alors que 60/62 (96,8 %) se sont déclarés pour une mise en demeure du CHU.
Concrètement, l'établissement devra donc instaurer un tableau de service clair des heures de travail des internes respectant la législation.
Des semaines de 60 heures en moyenne
Pour comprendre l'origine de cette colère, le syndicat a ressorti les chiffres d'une enquête menée par l'Inter Syndicat National des Internes (ISNI) en septembre 2012. Celle-ci avait révélé que les semaines de travail des internes en médecine dépassent, en moyenne, les 60 heures. Et dans certains cas extrêmes, des internes peuvent même faire jusqu'à 90 heures par semaine, pour un stage aux urgences par exemple.
Contacté par Pourquoidocteur, Mathieu Bansard, Président du Syndicat des Internes de Médecine générale Bas-Normands (SIMBAN) confirme ces chiffres : « Actuellement, je suis au CHU de Caen en médecine générale et je dépasse chaque semaine les 60 heures. D'ailleurs, les futurs généralistes du département, exaspérés par cette situation, sont à l'origine de ce mouvement ».
Interrogé sur le sort plus problématique encore de ses collègues, le jeune praticien est catégorique : « En chirurgie notamment, j'ai des amis qui, ponctuellement, font jusqu'à 100 heures par semaine, ce n'est plus tenable, le burn-out les menance ! », lance-t-il, inquiet.
Ce constat entraîne bien évidemment des répercussions sur la qualité des soins : 15 % des internes qui reviennent travailler sur leur repos de sécurité rapportaient ainsi avoir fait au moins une erreur médicale, d'après le sondage de l'ISNI.
La plainte et/ou la grève sous le coude
Une situation inadmissible lorsqu'on sait que, depuis 2002, l'interne en médecine bénéficie d'un repos de sécurité à l'issue de chaque garde de nuit d’une durée de 11 h immédiatement consécutive à la garde. Une obligation théorique, puisqu'en pratique, un hôpital sur cinq n'applique pas ce dispositif (plus de 70 % en chirurgie). Fin 2014, Marisol Touraine, ministre de la Santé, avait annoncé préparer des sanctions contre les hôpitaux ne respectant pas le repos de sécurité des internes.
Dans l'attente, et pour la suite des évènements à Caen, Mathieu Bansard confie : « Si le 1er septembre, le CHU de Caen n'est pas prêt, nous allons porter plainte contre lui par la voix de notre avocat. Cela peut aboutir à une condamnation pour non-respect des textes de loi », avertit-il.
Le CHU n'aura alors plus d'autre choix que de se mettre en conformité. « De son côté, la direction nous répond qu'elle sera prête au 1er novembre. Je suis dubitatif, mais si cela se confirme, nous verrons les suites à donner. Nous avons aussi la menace d'une grève que nous gardons sous le coude pour la rentrée. Quand les troupes seront au complet. A Cherbourg, les internes sont respectés, le CHU de Caen devrait en faire autant », conclut-il. A bon entendeur, salut...