Revue de la littérature
Effet placebo : la piste génétique
Y aurait-il des gènes liés à l’effet placebo ? Tout le monde n’est pas égal face à ce phénomène, au mécanisme biologique identifié. Des chercheurs font le point sur les connaissances actuelles.
L’effet placebo fascine autant qu’il laisse perplexe. Utilisé depuis des siècles pour apaiser les symptômes de certaines maladies, le placebo n’agit pas de la même manière sur tout le monde. A tel point qu’une sensibilité génétique est suspectée. Dans la revue Trends in Molecular Medicine, des chercheurs de l’Ecole de médecine de Harvard (Boston, Etats-Unis) font le point sur « le placebome », un réseau de gènes qui serait impliqué dans ce phénomène.
L’origine biologique identifiée en 1978
L’effet placebo « est une réponse biologique à des signaux environnementaux qui encadrent l’administration d’un traitement inactif (ou actif) », précisent les auteurs en préambule de leur revue de la littérature. Désormais reconnue, cette réaction reste mystérieuse. L’imagerie a révélé l’activation de voies de signalisation dans le cerveau, mais il reste difficile de prédire qui sera plus sensible à l’effet placebo.
C’est en 1978 que le mécanisme biologique de l’effet placebo a été mis en évidence. A l’époque, les chercheurs démontrent que le système d’inhibition de la douleur peut être activé par un traitement sans principe actif. Depuis, plusieurs travaux ont démontré que ces médicaments agissent sur les systèmes endocannabinoïdes et de la sérotonine. « Le placebo n’est pas le seul composant de l’effet placebo. Ces voies de signalisation, qui sont modifiées par la génétique, sont des circuits sur lesquels agissent à la fois les médicaments et les placebos, ajoute le co-auteur de la revue Ted Kaptchuk. Cela suggère qu’un médicament pourrait changer la réaction au placebo, et cette réaction pourrait modifier la réponse au traitement. »
Changer les essais cliniques
L’identification précise des mécanismes de l’effet placebo a le potentiel de changer le visage de la recherche médicale sur plusieurs plans. Aux yeux des auteurs, les protocoles des essais cliniques devraient tenir compte de l’interaction possible entre les médicaments inactifs et actifs. Cela « suggère que nous devons affiner et recalibrer nos suppositions sur les contrôles placebo dans les essais cliniques randomisés, estime Kathryn Hall, principal auteur de la revue d’études. Peut-être faut-il prévoir en plus des groupes traitement et placebo, un groupe qui ne reçoit rien du tout. Ce serait un pas en avant dans la description du placebome. »
Le recours à cette pratique aurait un double intérêt. Non seulement cela permettrait de mieux démontrer l’efficacité d’un traitement, mais aussi de mieux comprendre l'action des gènes impliqués dans l’effet placebo.
Des problèmes éthiques
Mieux comprendre l’effet placebo, permettrait également de mieux identifier les personnes qui y sont sensibles. Une perspective précieuse dans certaines maladies. « Le placebome semble moins important que connaître les variantes génétiques du cancer qui répondront à une intervention pharmaceutique sur mesure, mais il pourrait y avoir des implications importantes pour la pratique quotidienne », relèvent les auteurs. Des études ont ainsi démontré le rôle bénéfique des placebos dans des maladies de l’appareil urinaire, comme le syndrome de la vessie irritable, mais aussi des symptômes comme la fatigue, la nausée, les bouffées de chaleur ou l’anxiété.
Reste à définir les problématiques éthiques encadrant l’utilisation de l’effet placebo. « Les médecins peuvent-ils, et doivent-ils, tester la capacité génétique de réaction au placebo ? Les patients peuvent-ils refuser d’être testés ? Les patients devraient-ils connaître leur capacité de réponse ? Peuvent-ils refuser de savoir, ou d’avoir cette indication dans leur dossier médical ? » Autant de questions qui devront être résolues avant une utilisation plus large de cette solution « thérapeutique ».