Journée mondiale de l'autisme

Josef Schovanec : " ce n'est pas l'autisme qui est dramatique mais l'ignorance"

INTERVIEW - Josef Schovanec parcourt le monde pour partager son expérience et diffuser les « bonnes pratiques ». Rencontre à l'occasion de la sortie de son livre, Comprendre l'autisme pour les nuls.

  • Par Stéphany Gardier
  • BALTEL/LAMACHERE AURELIE/SIPA
  • 02 Avr 2015
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    Diplômé d'un doctorat de philosophie, chercheur, mais aussi chroniqueur radio et conférencier, Josef Schovanec est également un habitant de l'« Autistan », ce pays imaginaire qu'il a créé pour offrir un lieu de rassemblement immatériel à toutes les personnes ateintes d'autisme. Un pays mental où celui qui a découvert à 22 ans qu'il était atteint du syndrome d'Asperger, convie tous ceux à qui les troubles du spectre autistiques sont totalement étrangers.

    Déjà auteur de deux ouvrages, Josef Schovanec vient de publier Comprendre l'autisme pour les nuls, un choix de collection qu'il décrit lui-même comme « provocateur » mais qu'il assume totalement. Il a d'ailleurs dû batailler ferme pour voir son projet se concrétiser. C'est que l'autisme ne serait pas très vendeur pour certains maisons d'éditions... Ce sont finalement les Editions First qui ont fait le pari d'accompagner Josef Schovanec dans son projet.

    Dans cet ouvrage plein d'humour, « parce qu'apprendre des choses, c'est chouette, mais il faut que ce soit rigolo », Josef Schovanec passe en revue, de manière très pragmatique, tout ce qui fait le quotidien des personnes concernées par l'autisme, d'un panorama des troubles du spectre autistique, en passant par le diagnotic, les traitements mais aussi les embûches des relations amicales ou amoureuses. 

    A l'occasion de la Journée mondiale de l'autisme Pourquoidocteur est parti en Autistan, rencontrer Josef Schovanec.


    La France est souvent présentée comme en retard dans la prise en charge des personnes autistes. Partagez-vous ce sentiment ?

    Josef Schovanec : Oui mais avec des nuances. En France, il y a d’excellents chercheurs de niveau international. Je pense notamment à un ami cher, Thomas Bourgeron de l’Institut Pasteur. Je dirais même que, tous pays confondus, c’est peut-être lui qui a le plus contribué à la connaissance sur la génétique de l’autisme. Là où nous avons un problème en France, c’est dans la diffusion des connaissances et des bonnes pratiques : la connaissance n’a pas filtrée partout... Il y a un certain nombre de professionnels qui ne sont pas au courant ou qui n’ont pas la pratique. Mais l'idée de mon livre n’est pas de blâmer, c’est tout simplement de voir ce que l’on peut faire pour progresser, tout en passant un bon moment.

    « Certains médecins sont paralysés par la peur de faire un faux diagnostic.»

    Publier un livre sur l’autisme dans la collection « Pour les Nuls», est-ce une volonté de dédramatiser le sujet  ?

    Josef Schovanec : Oui c’est un peu cela. Mais il y a une autre perspective. Il faut réaliser qu’aujourd’hui le sort des enfants autistes est avant tout défini par le statut socio-économique de leurs parents. Le salaire, la classe sociale, le réseau, tout cela joue lourdement sur le devenir d’un enfant autiste. Certains parents ont accès aux bonnes pratiques, à ce qu’il faut savoir, mais pas tous.
    L’idée avec ce livre, c’était donc de tenter de faire parvenir certaines bonnes pratiques au plus grand nombre. Et la collection « Pour les Nuls», avec son humour provocateur, est justement destinée à tout le monde. Et après tout, s’il y a d’autres sujets « pour les nuls », pourquoi pas l’autisme ?
    On n’a pas à dramatiser l’autisme. Pendant longtemps, pour des parents avoir un enfant autiste, c’était une catastrophe absolue, mais en tant que tel, l’autisme n’est pas forcément une catastrophe. Ce qui peut être une catastrophe, c’est l’ignorance de l’autisme.

    Vous consacrez un chapitre entier à l’obtention du diagnostic. Est-ce encore aujourd’hui un problème ?

    Josef Schovanec : Dans le discours politique officiel, on nous parle de diagnostic et de dépistage précoce, et c’est ce qu’il faudrait faire. Mais dans la pratique, on constate que c’est encore « boiteux » : dans certains cas, il y a, soit, jamais de dépistage, soit, extrêmement tardivement. Or plus on tarde, plus les choses deviennent compliquées. Si un enfant est diagnostiqué tôt, on peut quasiment tout faire.
    Parfois, certains médecins sont bloqués ou paralysés par la peur de faire un « faux diagnostic » ou d’émettre des soupçons qui par la suite ne seraient pas confirmés. Mais à la rigueur, ce n’est pas grave. Si on met en place des choses pour un enfant que l’on pense autiste, et que l’on s’aperçoit qu’il ne l’est pas, ce n’est pas dangereux. Ce que l’on peut mettre en place pour les enfants autistes, comme une stratégie pédagogique appropriée, ne nuit pas aux autres enfants !

    Ecoutez Josef Schovanec : « On dit souvent que le chiffre magique, c'est 18 mois. Quand un enfant autiste est diagnostiqué à 18 mois, tout va bien ou presque...»

    « On peut devenir psychiatre sans avoir entendu parler, ou quasiment pas de l'autisme.»

     Dans votre livre, vous conseillez de ne pas hésiter à « former et informer son médecin ». La formation des praticiens ne serait pas adéquate...

    Josef Schovanec : ... Effectivement, il est très triste qu’aujourd’hui encore on puisse devenir médecin, même psychiatre, sans avoir entendu parler, ou quasiment pas, de l’autisme durant toutes ces années passées à l’université. C’est plus que regrettable, mais il faut souligner que les premières victimes de cela sont les professionnels de santé eux-mêmes.Il y a de vrais moments de détresse. Un praticien peut se sentir démuni quand il se retrouve dans son cabinet avec un patient autiste pour la première fois.
    Il n’y aucune volonté dans le livre d’accuser telle ou telle personne car ce ne sont pas elles les coupables, mais j’espère vraiment que les milieux universitaires évolueront. Il y a quelques bons exemples en France, mais malheureusement la plupart des facultés de médecine sont encore réticentes

    « Je connais peu d'adultes autistes qui ont une vie normale.»

    Vous consacrez une bonne partie de votre ouvrage aux adultes autistes : quelles sont les difficultés auxquelles ils sont confrontés ?

    Josef Schovanec : On parle plus des enfants, car derrière un enfant, il y a des parents, qui se battent et qui parfois quand il le faut peuvent frapper fort. Mais derrière les adultes, il y a qui ? Je connais très peu de personnes adultes autistes qui ont un métier « normal », qui ont un logement « normal », qui mènent une vie « normale ».
    Je sais que le terme « normal » pose problème et je l'utilise d'une manière un peu provocatrice mais la plupart des autistes adultes n'ont pas une vie autonomone, ils ont peu accès aux soins aussi. La simple prise de rendez-vous peut être un obstacle pour une personne qui n'est pas assez « verbale », ou qui a une phobie du téléphone. C'est délicat aussi pour les loisirs. Parfois, simplement s'alimenter correctement est un problème, tant que les parents sont là, on est assuré de manger de manière à peu près équilibrée, mais après ?

    Ecoutez Josef Schovanec : « Malheureusement, dans la plupart des cas les personnes autistes n'ont pas d'emploi, pas de logement indépendant,ont un très faible accès aux soins ... »

     
    C'est important de noter qu'aujourd'hui les associations qui se battent pour la cause de l'autisme sont des assocations de professionnels ou de parents, et les deux sont absolument nobles et nécessaires. Mais le problème, c'est qu'il n'y a quasiment aucun regroupement ou aucune association de personnes autistes elles-mêmes. Forcément, cela conduit à ce que certains problèmes restent peu abordés. A mon humble avis, une chose qui pourrait contribuer à changer la donne serait de ne plus faire autant de distinctions entre les associations mais de mutualiser les expériences, les connaissance, tout ce que l'on peut apprendre par sa pratique. C'est ça qui permettra de faire avancer les choses.

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