Rapports sexuels à risque

Don du sang : le Comité d’éthique dit non aux homosexuels

Le don du sang ne devrait pas être élargi aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Dans un avis, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) prône la prudence.

  • Par Audrey Vaugrente
  • VALINCO/SIPA
  • 31 Mar 2015
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    Le don du sang élargi aux homosexuels et bisexuels, c’est non. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) se prononce contre une levée de cette contre-indication permanente « au stade actuel des connaissances. » Saisi par la ministre de la Santé Marisol Touraine en 2012, les Sages ont rendu un avis complet ce 31 mars. Il y détaille les problèmes éthiques soulevés par ce dossier. Marisol Touraine peut suivre ou non cet avis. Cette levée de l'interdiction, qui remente à 2009, faisait partie des promesses du candidat Hommande à la présidentielle.

    Deux tiers des médecins favorables au maintien

    En France, deux contre-indications permanentes au don du sang sont posées : elles concernent les hommes ayant eu un ou plusieurs rapports sexuels avec des hommes (HSH) et les personnes ayant utilisé des drogues ou substances dopantes par voie parentérale. « Dans ces deux cas, la contre-indication est permanente, quelle que soit la date à laquelle ont eu lieu ces pratiques, et quelle qu’ait été la fréquence de ces pratiques », explique le CCNE dans son avis.

    Le milieu associatif réclame de longue date une levée de cette contre-indication, souvent vécue comme une discrimination. Mais les avis sont partagés sur le sujet. 2 médecins sur 3 se disent favorables à son maintien, tandis que les trois-quarts de la population générale la trouvent injustifiée. Côté associations, les discours varient aussi : AIDES incite à la prudence, Actu Up milite pour le « droit au don du sang pour tous », tandis que l’Association française des hémophiles veut maintenir l’interdiction. Un débat houleux dont prend acte le CCNE.

    Un risque triplé

    La contre-indication du don de sang aux homosexuels et bisexuels s’appuie sur une directive européenne de 2004. Le Comité consultatif national d’éthique évoque des études de modélisation sur le risque de contamination. Sur la période 2009-2011, le risque de don contaminant est d’un don pour 2,5 millions. Si l’interdiction permanente était levée pour les HSH, il serait d’un don de sang contaminant pour 700 000. Mais le CCNE souligne la petite taille de ces travaux, qui ne tiennent pas compte de l’exactitude ou l’inexactitude des déclarations.

    « Il est préoccupant qu’une proportion, même si elle est extrêmement faible, des personnes qui se présentent pour donner leur sang semblent ne pas comprendre – ou ne pas se préoccuper du fait – que leurs comportements à risque récents constituent une contre-indication au don de leur sang », notent les rapporteurs. Ils reconnaissent toutefois que, si la prévalence du VIH est plus élevée chez les HSH, il s’agit d’un groupe très hétérogène.

    « Nul ne peut être exclu »

    La question d’une levée de l’interdiction de don de sang aux HSH soulève plusieurs problèmes éthiques. La sécurité de la transfusion sanguine est au cœur des interrogations. Selon le code de la Santé publique, « nul ne peut être exclu du don du sang en dehors de contre-indications médicales », précise le CCNE.
    Cette limitation semble donc disproportionnée. Encore faut-il pouvoir se fier aux déclarations des donneurs potentiels. Un véritable paradoxe aux yeux des rapporteurs. Dernière interrogation, et pas des moindres : celle du risque de transmission d’un agent infectieux pas encore identifié ou identifiable. Emerge alors le problème de la « fenêtre silencieuse » de 12 jours durant laquelle une infection par le VIH reste indétectable.

    Un manque d’information

    Avant toute levée de l’interdiction de don du sang aux homosexuels et bisexuels, le CCNE préconise donc plusieurs améliorations. L’information et la responsabilisation des donneurs doivent évoluer, tout comme les questionnaires et les modalités de dialogue sur les comportements à risque.
    « Une information publique claire sur les contre-indications actuelles au don du sang et sur les limites actuelles des tests biologiques pratiqués lors du don est indispensable si l’on veut parvenir à ce que toutes les personnes qui s’engagent dans la démarche généreuse de donner leur sang, s’approprient les enjeux de protection de la santé des patients transfusés et puissent faire preuve de responsabilité », écrivent les rapporteurs.

    Outre le dialogue, c’est aussi la recherche qui doit progresser. Les pouvoirs publics manquent de données fiables sur le risque de transmission du VIH en cas de levée de la contre-indication permanente. Dans tous les cas, il s’agirait d’une contre-indication temporaire, à l’image de nombreux pays européens – dont le Royaume-Uni, l’Espagne ou l’Italie. Enfin, le CCNE lance l’éventualité de reconvoquer un donneur pour un 2e test biologique en cas de doute.
    « Au stade actuel des connaissances, et tant que les réflexions, évolutions et recherches demandées n’auront pas abouti, toute modification des contre-indications exposerait à des risques médicaux qui doivent être pris en considération d’un point de vue éthique », concluent les rapporteurs. Aux yeux du CCNE, une levée sans campagne d’information préalable présente un risque pour le receveur. En l’état actuel des choses, mieux vaut camper sur ses positions.

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