15 000 adolescents
Adolescents vulnérables : une minorité difficile à repérer
En grande majorité optimistes, les adolescents d'aujourd'hui sont aussi touchée par la dépression. Près de 8 % ont tenté de se suicider. Une minorité pour le moment mal aidée car mal repérée.
L'adolescence est une période complexe et délicate. Les parents s'inquiétent pour leurs enfants, les adolescents ont envie de grandir vite et de gagner en indépendance. Difficile à cette période de faire la différence entre la "crise d'adolescence" et un véritable mal être.
Une enquête de grande ampleur, coordonnée par l'Inserm et le pôle universitaire de la Fondation Vallée, dresse un tableau de « la complexité des problématiques des adolescent aujourd’hui. »
350 questions sur leur quotidien
Le rapport, publié ce jeudi, aborde la santé physique et mentale des adolescents, leurs consommations de tabac, drogues et alcool, leur scolarité ou encore la perception de leur corps et la sexualité. Plus de 15 000 jeunes de 13 à 18 ans ont répondu à un autoquestionnaire anonyme.
« C'est un gros questionnaire contenant plus de 350 questions sur des thèmes qui touchent toute leur vie quotidienne. Cela va nous aider à obtenir le répérage des groupes d'adolescent les plus fragiles et qu'on pourrait aider en allant à leur rencontre et avoir une prévention haute couture de leurs éventuels troubles ou souffrances », explique Catherine Jousselme, professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et co-auteur de l'étude.
Grâce à cette« photographie des jeunes d'aujourd'hui », cette étude d'ampleur permet de mettre en lumière les troubles qui secouent une minorité des adolescents français.
Dépression : plus de 12 % des jeunes
Plus de 12 % des jeunes de 13 à 18 ans présentent une dépression avérée. Les filles sont deux fois plus touchées que les garçons. Près de 8 % des adolescents ont déjà fait au moins une tentative de suicide alors que 3,7 % déclarent avoir tenté plusieurs fois.
Pourtant, ils sont moins de 9 % à être suivi par un psychiatre ou psychologue. « Cela suggère que la dépression n'est pas bien repérée ou que les jeunes ne sont pas guidés vers les bons réseaux de soins, ou bien encore qu'ils refusent l'aide qui leur est proposée, ou enfin que lesdits réseaux ne sont pas disponibles », jugent les auteurs.
Car, la difficulté du repérage de la dépression chez les adolescents est réelle. Les jeunes ne la manifestent pas de la même manière que les adultes. Certains ont aussi du mal à mettre des mots sur ce qu'ils ressentent, notamment les garçons. « Ils continuent à prendre soin d'eux et font attention au regard des autres », note Catherine Jousselme. En outre, l'absence de symptômes spécifiques retarde leur prise en charge.
Ecoutez Catherine Jousselme, Professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et co-auteur de l'étude : « Il y en a peu qui ont déjà accès à une consultation ce qui prouve que soit ils ne sont pas repérés soit qu'ils ne se sentent pas eux-mêmes déprimés »
Isolement et conduite à risques
Près de 4 adolescents sur 10 ont déjà pensé que « la vie ne valait pas la peine d’être vécue. » Pour lutter contre ces idées noires, la grande majorité des adolescents s’isole soit pour écouter de la musique soit pour jouer aux jeux vidéos. « Les amis ne représentent que la 3e ressource », souligne l'étude.
D'autres vont plutôt tenter de repousser leurs limites ou vivre des situations dangereuses : 1 sur 5 fume du tabac, 1 sur 10 fume du cannabis. Par ailleurs, près de 15 % prennent des médicaments, moins de 7 % boivent de l’alcool, 17 % se font mal et moins de 10 % recherchent des sensations fortes. « Ces chiffres sont conformes à ce que l'on pouvait attendre et confirment les études précèdentes », explique la psychiatre.
Toutefois, il est important de souligner que « les jeunes de manière générale, et à l'adolescence en particulier, ont recours à des conduites à risques qui ne sont pas forcément pathologiques ». Mais ces expérimentations n’ont pas les mêmes conséquences pour les plus fragiles.
Ecoutez Catherine Jousselme : « Les filles fument davantage de tabac, les garçons vont plus être dans l'alcool et le cannabis. »
« Des systèmes qui accueille la souffrance »
Comment repérer ces jeunes en légère dépression ou en dépression avérée ? Pour Catherine Jousselme, les adultes qui entourent ces adolescents ont un rôle à jouer et "des systèmes où l'on accueille leur souffrance au sein des lieux où ils vivent, qui est a priori l'école, devraient être mis en place".
Ecoutez Catherine Jousselme: « Ce ne sont pas les psy qui repèrent la dépression. C'est le quotidien de ces jeunes. »
Toutefois, « les adolescents français sont pleins de ressources. Ils gardent en eux des repères fondamentaux », affirme Catherine Jousselme. Leurs relations au monde des adultes et notamment avec leurs parents sont positives. « 88,8 % des jeunes pensent que leurs parents les trouvent beaux. Cela me semble être une chose importante parce que l'estime de soi se construit dans le regard de l'autre. Alors quand on pense que nos parents nous trouvent beaux, c'est un repère sur lequel on peut s'appuyer », estime la psychiatre.