Académie nationale de chirurgie
Chirurgie de l'obésité : un patient sur deux n’est pas suivi
47 000 opérés et la moitié dans la nature au bout de deux ans. Le suivi reste le point noir de la chirurgie bariatrique, selon l’Académie nationale de chirurgie.
Le suivi post-opératoire est le « talon d’Achille de la chirurgie bariatrique. » Ce bilan émane de l’Académie nationale de chirurgie, qui s’est réunie le 30 janvier dernier avec la Société Française et Francophone de Chirurgie de l’Obésité et des Maladies Métaboliques (SOFF-CO-MM). Ce 11 mars, l’Académie revient sur les principaux enseignements de cet échange.
Des effets secondaires sérieux
47 000 interventions de chirurgie bariatrique ont été réalisées en France en 2014. C’est quatre fois plus qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni. Cette prise en charge chirurgicale de l’obésité morbide est en plein essor, note l’Académie nationale de chirurgie : en sept ans, le nombre d’opérations a triplé. Le point fort de cette approche, c’est le remboursement par l’Assurance maladie. « L’effort méritoire consenti par la collectivité dans ce domaine doit se prolonger dans le suivi, actuellement vécu comme le parent pauvre de cette prise en charge », signalent toutefois les auteurs du rapport, Georges Mantion, Jean Gugenheim, François Pattou et Philippe Marre.
L’intervention permet une perte de poids allant jusqu’à 70 %, et elle améliore la santé générale (qualité de vie, risque de maladies chroniques, risque de certains cancers). Mais la chirurgie de l’obésité modifie la façon de digérer les aliments et peut donc causer des effets secondaires sérieux, comme une carence en vitamine B ou une ostéoporose liée à la mauvaise absorption de vitamine D. C’est pourquoi le suivi est absolument nécessaire.
Les spécialistes manquent de temps
« Rares sont les centres qui suivent encore plus de la moitié de leurs patients au-delà de la deuxième année post-opératoire », signale l’Académie de chirurgie. La Haute Autorité de Santé (HAS) le précise dans ses recommandations : ce suivi doit être organisé avant même l’intervention, et doit se poursuivre tout au long de la vie. Plusieurs indicateurs sont particulièrement importants : les erreurs alimentaires, la faible activité physique ou encore les troubles psychologiques, qui peuvent favoriser une reprise de poids.
Sur le terrain, « la plupart des endocrinologues sont occupés par la prise en charge d’autres patients relevant de leur spécialité, et peu disponibles pour suivre les opérés bariatriques », indiquent les rapporteurs de l’Académie de chirurgie. « Les nutritionnistes ne sont pas en nombre suffisant et insuffisamment rétribués pour des consultations nécessairement longues mais ne nécessitant que peu d’actes techniques. »
Les médecins généralistes manquent de temps pour ces consultations de suivi. Quant aux consultations chez les spécialistes paramédicaux (psychologues, diététiciens, éducateurs médico-sportifs), qui pourraient soulager la pression, elles ne sont tout simplement pas prises en charge par l’Assurance maladie. Les patients eux-mêmes ont tendance à relâcher leurs efforts avec le temps et, lorsqu’ils reprennent du poids, n’osent pas consulter leurs chirurgiens.
Les recommandations de l’Académie nationale de chirurgie : - L’Assurance maladie doit valoriser le suivi post-opératoire. - Les autres professionnels de santé doivent participer à la prise en charge, et coopérer entre eux. - Des centres organisés pour assurer le suivi des patients doivent être labellisés et promus. - La collaboration inter-équipes au sein de réseaux de santé, ainsi que l’usage des nouvelles technologies, doivent être favorisés. - Les associations de patients doivent collaborer à la promotion du suivi post-opératoire. - La recherche sur le suivi et les résultats au long cours de la chirurgie doit être mise en avant. Elle permettra de documenter la mise à jour des recommandations de la HAS, et la réflexion autour d’autres modèles économiques. |