Journée mondiale des Lépreux
Un cas de lèpre diagnostiqué toutes les deux minutes
Depuis une dizaine d’années, le nombre de nouveaux cas de lèpre stagne. Les malades sont de plus en plus contagieux, et un enfant est touché une fois sur dix. Sur le terrain, la lutte s’organise.
C’est une maladie associée à la pauvreté, avec raison. Alors que la lèpre a disparu des pays développés, elle persiste dans les régions les plus défavorisées du globe.
Pire : depuis 2005, le nombre de nouveaux cas annuels stagne, malgré les efforts des acteurs de terrain.
A l’occasion de la Journée mondiale des Lépreux, Pourquoi Docteur fait le point sur cette maladie millénaire.
« On ne connaît pas tout de cette bactérie »
La lèpre est une maladie infectieuse chronique, qui affecte la peau, les muqueuses et le système nerveux périphérique. Causée par le Mycobacterium leprae (ou bacille de Hansen), elle se transmet par les voies respiratoires. La lèpre est très ancienne - elle a été décrite en 600 avant Jésus-Christ - mais l’humanité peine à s’en débarrasser. Selon les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un nouveau cas est diagnostiqué toutes les deux minutes.
« Avec la polychimiothérapie (association d'antibiotiques), on a donné un traitement à tous les nouveaux cas de lèpre détectés. On a pu traiter plus de 15 millions de malades », explique le Dr Roch Christian Johnson, conseiller médical pour la Fondation Raoul-Follereau. « On s’attendait donc à ce que la courbe continue de baisser. Mais ces dernières années, on a noté une stagnation du nombre de nouveaux cas. » Selon ce médecin béninois, plusieurs facteurs freinent la lutte contre la lèpre.
Ecoutez le Dr Christian Johnson, conseiller médical (Fondation Raoul-Follereau) : « C’est un bacille qui continue de défier la communauté internationale. On ne connaît pas tout de cette bactérie, quand bien même elle est millénaire. »
Le spectre de la résistance
La lèpre touche principalement l’Inde, le Brésil et l’Indonésie. Mais l’Afrique subsaharienne n’est pas épargnée : 6 000 nouveaux cas sont dépistés chaque année. « Le nombre de nouveaux cas ne traduit pas toujours la gravité de la situation », précise le Dr Johnson. « Nous avons des éléments de gravité, liés aux malades dépistés avec des invalidités (10 à 20 %, ndlr). Le bacille de Hansel continue de circuler, ce qui se traduit par un nombre relativement élevé d’enfants dépistés malades de la lèpre (18 000 par an, ndlr) », ajoute le médecin.
Face à la maladie, les malades ne sont pas démunis. Pour les formes simples - dites paucibacillaires-, un traitement de 6 mois est mis en place. Pour les formes dites multibacillaires, il doit durer 12 mois. Il s’agit d’associations d’antibiotiques (rifampicine, dapsone, clofazimine) très efficaces... mais elles ne sont pas toujours accessibles. Et si la résistance est une menace pour le moment éloignée, elle reste très surveillée. « L’outil que nous avons aujourd’hui, c’est la polychimiothérapie, et nous devons être sûrs que ce traitement reste efficace », souligne Christian Johnson.
Ecoutez le Dr Christian Johnson, conseiller médical (Fondation Raoul-Follereau) : « Pour l’année 2014, nous avons un cas de résistance à la rifampicine, l’antibiotique majeur dans la lèpre. Nous avons eu 10 cas de résistance à la dapsone, déjà décrite depuis longtemps. »
« Remettre l’homme debout »
La Fondation Raoul-Follereau travaille à stopper la contagion de la lèpre. Un travail rendu difficile par le nombre croissant de formes multi-bacillaires : elles représentent aujourd’hui 80 % des nouveaux cas.
« Une nouvelle stratégie a été mise en place. Elle se décline sur trois piliers. Le premier, c'est d'arrêter la transmission. Cela passe par un dépistage actif centré sur les malades multi-bacillaires, qui sont les plus contagieux », explique le Dr Johnson.
« Le deuxième pilier, naturellement, concerne la prise en charge des malades, notamment ceux dépistés avec des invalidités. Le troisième pilier, c'est la lutte contre l'exclusion. Il s'agira de centrer la lutte autour des malades de la lèpre, de se concentrer sur leurs souffrances, et de prendre en compte tous les éléments qui constituent des freins humains à la prise en charge des malades. »
Le manque de fonds représente un problème majeur : « Le traitement de la lèpre dans les pays où la maladie sévit ne bénéficie pas de beaucoup d’attention. Nous parvenons à traiter les patients grâce à la générosité du public et du soutien de la Fondation Raoul-Follereau. Grâce à ces ressources, on arrive à réaliser le dépistage actif des personnes dans les communautés, à mettre en place des kits pour prendre en charge les complications de la lèpre », détaille le Dr Johnson. « Nous essayons de rendre les traitements disponibles là où les malades se trouvent. »
Ecoutez le Dr Christian Johnson, conseiller médical (Fondation Raoul-Follereau) : « Avec les dons nous arrivons à réhabiliter les malades diagnostiqués à un stade tardif, qui ont des infirmités au niveau des mains, des pieds, des yeux. »