Coma
Des histoires d’êtres aimés pour sortir plus vite du coma
Les patients dans le coma se rétablissent plus vite quand ils entendent souvent la voix d’êtres aimés leur raconter des histoires partagées.
« Tu te souviens de ce matin où j’ai eu une grosse envie de nuggets et qu’aucun fast food n’en vendait si tôt ? », demande Corinth Catanus à son mari. Mais celui-ci ne l’écoute pas. Enfin presque, car Godfrey est dans le coma. En 2010, alors que sa femme était enceinte de leur deuxième enfant, ce jeune ministre californien a eu une lésion au cerveau et ne s’en est pas remis. Mais alors qu’il était dans le coma depuis 3 mois, sa femme s’est livrée à une expérience bien particulière. Elle a enregistré des histoires de famille pour les faire écouter, ensuite, à son mari. Cette expérience était scientifiquement encadrée par des chercheurs de la Northwestern University et du Hines VA Hospital.
Comment cette idée est venue à Theresa Pape, le principal auteur de l’étude publiée jeudi dans le journal Neurorehabilitation and Neural Repair ? Des familles lui racontaient souvent que des patients dans le coma leur « répondaient » mieux que des inconnus. Son étude, menée contre placebo, a porté sur 15 patients qui étaient dans un état végétatif ou un état de conscience minimale après des traumatismes crâniens.
Des histoires à partir d'albums photos
Mais avant de commencer, il fallait élaborer les histoires avec les familles. Des thérapeutes leur ont demandé d’apporter des albums photos pour les aider à identifier des sujets importants partagés et à construire les récits. Cela pouvait être des anecdotes sur une grossesse, ou un mariage, un voyage… Les histoires devaient comporter des détails sur des sensations particulières, comme le froid sur le visage du patient quand il descendait une piste en ski ou comme le vent qui lui fouettait le visage dans sa décapotable. Les familles ont enregistré au moins huit histoires sur des CD, de manière naturelle et en utilisant le surnom du patient.
En moyenne deux mois et demi après le début du coma, les patients ont écouté les histoires de 10 minutes dans un casque, à raison de quatre fois par jour, et ceci pendant six semaines. Et les chercheurs ont observé qu’il se passait quelque chose au niveau de leur cerveau. A l’IRM, des lumières jaunes et rouges sont apparues dans les régions impliquant le langage de la compréhension et la mémoire à long terme. Ces lumières traduisent une hausse du taux d’oxygène dans ces régions, donc leur utilisation par les patients.
Une réponse sélective
Les chercheurs ont effectué d’autres tests au début et à la fin de l’étude. Et à la fin de l’étude, l’IRM montrait une réponse du cerveau des patients, même à la voix d’un inconnu racontant une histoire drôle. Ce qui témoigne d’une amélioration de leurs capacités de compréhension auditive. En revanche, les patients répondaient moins bien à une sonnerie ou à un sifflement. Ce qui indique, pour les chercheurs, que les patients sont plus capables d’évaluer ce qui est le plus important d’écouter. Les gains les plus marquants ont été observés dans les deux premières semaines.
Ce protocole non médicamenteux peut favoriser le réveil des patients plongés dans le coma et accélérer leur rétablissement, concluent les auteurs. Cela a d’ailleurs été le cas pour Godfrey Catanus, qui, bien conscient dans son fauteuil roulant, peut communiquer avec sa famille en écrivant sur son Ipad, car il n’a pas retrouvé l’usage de la parole. Godfrey se souvient très bien de la voix de sa femme et de son frère quand il était dans le coma. « C’était réconfortant de penser qu’ils étaient là avec moi. Cela m’a aidé en donnant à mon cerveau quelque chose avec laquelle je pouvais me connecter », se souvient-il.
Raconter des histoires familières aux patients dans le coma fait enfin du bien aux familles elles-mêmes. « Les familles se sentent impuissantes et hors jeu quand un être aimé est dans le coma. C’est un sentiment terrible pour eux ». Leur raconter des histoires « leur donne le sentiment d’avoir une action sur leur rétablissement et la chance de faire partie du traitement », indique Theresa Pape.