Effets cardiovasculaires
L’obésité en bonne santé existe mais ne dure pas
Le concept d’obésité en bonne santé est dans l’air du temps. Deux études publiées coup sur coup donnent des résultats sont contradictoires. La protection conférée par le surpoids se confirme mais ne serait pas durable.
Tous les patients obèses n’ont pas forcément d’anomalies du métabolisme, telles que la résistance à l’insuline, l’accumulation de graisses dans le foie et une dyslipidémie. Ces anomalies peuvent conduire à des pathologies cardiovasculaires et au diabète. « De 2% à 50% des adultes obèses sont ‘métaboliquement normaux’ », précisent Elisa Fabbrini et ses collègues, de la Washington University School of Medicine à Saint Louis (Missouri).
Une protection réelle chez certains obèses
Les chercheurs américains ont publié dans le Journal of Clinical Investigation une étude un peu spéciale. Ils ont fait prendre du poids à 20 patients obèses. Mais il s’agissait d’une prise de poids modérée suivie par un nutritionniste, d’environ 6%, soit près de 7 kilos, avec environ 1000 calories supplémentaires par jour. L’idée était de comparer ce qui se passait chez les 12 patients bénéficiant d’un profil métabolique normal par rapport aux 6 patients ayant un métabolisme anormal. Et il y avait bel et bien une différence sur l’évolution du profil métabolique. Celui-ci restait normal quand il l’était au départ et se détériorait quand il était anormal au début de l’étude. « Cette recherche démontre que certaines personnes obèses ont une protection contre les effets métaboliques d’un gain de poids modéré, alors que d’autres sont prédisposés pour développer ces problèmes », concluent les auteurs.
Mais de l’autre côté de l’Atlantique, des scientifiques ont trouvé que ce n’était qu’un effet lune de miel, le bénéfice de l’obésité en bonne santé, ne durant pas à long terme. C’est la conclusion à laquelle ils sont parvenus dans le Journal of the American College of Cardiology. Peu d’études se sont penchées sur l’évolution dans le temps de l’obésité en bonne santé. « Et sur celles qui l’ont fait, les durées de suivi ont été modestes, aucune n’excédant 10 ans », soulignent Joshua Bell et ses collègues de l’University College de Londres. Les chercheurs britanniques affichent pour leur part un suivi deux fois plus important. Ils se sont intéressés à 66 adultes obèses en bonne santé. Cela représentait 36,5% de la totalité des sujets obèses pris au sein d’une grosse cohorte de travailleurs de tous poids.
La santé de dégrade au bout de 20 ans
Le principal résultat de l’étude ? Au bout de 20 ans, 51,5% des sujets obèses qui étaient en bonne santé au début de l’étude restaient obèses mais perdaient leur "normalité métabolique". Et pour certains, la dégradation de l'état de santé est bien plus rapide puisqu'en 5 ans, 32% des obèses sains basculaient dans la catégorie des obèses avec des anomalies du métabolisme. Les sujets obèses en bonne santé avaient presque 8 fois plus de risque de progresser vers un état d’obésité « non sain » que les non obèses en bonne santé. Et ils ont aussi plus de risques de développer des maladies cardiovasculaires que ceux qui ont un IMC normal.
« Il existe certaines données, selon lesquelles la stabilité est associée à une distribution plus favorable de la graisse », avec moins de graisse au niveau de la taille. « Cependant, nos résultats (…) suggèrent que la stabilité à long terme est l’exception et pas la norme », commentent les chercheurs. Seuls 11% des patients souffrant d’une obésité « saine » perdaient du poids et devenaient des non obèses en bonne santé. Les 38% restant restaient dans la catégorie des obèses en bonne santé. Pour les auteurs de ces travaux, il est clair que « tous les types d'obésité doivent être traités, même ceux qui paraissent sains.»