Rapport Terra Nova

Cannabis : la répression coûte 568 millions d'euros par an

Dans un rapport du think-tank Terra Nova, des économistes préconisent de légaliser le cannabis pour renflouer les caisses de l’Etat, maîtriser la consommation et améliorer les politiques de prévention.

  • Par Marion Guérin
  • Karl Schoendorfer/REX/REX/SIPA
  • 20 Déc 2014
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    Légaliser le cannabis ? L’idée peut sembler loufoque - et beaucoup l’accueilleront ainsi. Pourtant, les auteurs du rapport de Terra Nova n’ont rien d’extravagants rastafariens. Ce sont des économistes des plus sérieux, qui formulent un constat sans appel : il faut légaliser la marijuana en France.

    La raison est double. Non seulement cela renflouerait les caisses de l’Etat en mal de ressources financières. Mais en outre, la situation sociale et sanitaire s’en trouverait améliorée. D’une pierre, plusieurs coups.

    Pierre Kopp, Christian Ben Lakhdar et Romain Perez partent ainsi d’une observation indéniable : l’approche répressive n’a pas offert « de résultats très probants ». « Non seulement la prévalence du cannabis ne diminue pas significativement, mais elle reste l’une des plus élevées d’Europe », soulignent-ils. En France, ce taux s’élève à 8,4% (contre 7% aux Pays-Bas). 550 000 personnes fument quotidiennement, malgré l’arsenal pénal mis en place depuis les années 1970.

    Et cette politique coûte une fortune : 568 millions d’euros par an, dont 300 millions rien que pour les interpellations d’usagers et de trafiquants. Autant d’argent que l’Etat ne consacre pas à une politique de prévention digne de ce nom, selon les auteurs. « Aucun message cohérent n’est diffusé par les médias nationaux sur le cannabis. Différentes tentatives ont été réalisées, mais aucune n’a eu d’effets probants, faute de moyens ».

    Colle, huile de vidange, déjections animales
    Quant aux conséquences socio-sanitaires du trafic, elles sont désastreuses. « Le cannabis est au cœur du développement d’organisations clandestines de type mafieux, qui contribuent à déstabiliser certains quartiers, comme c’est le cas dans le nord de Marseille », écrivent les économistes.

    De plus, ces « organisations clandestines » se transforment en véritables laboratoires, où les produits échappent à tout contrôle sanitaire. « L’adultération du cannabis – terme utilisé pour désigner l'ajout intentionnel de substances bon marché au produit pour augmenter son poids – se traduit, en bout de chaîne, par l’inhalation de substances aussi variées que le henné, les cires, la paraffine, des colles, de l’huile de vidange, des déjections animales ou des substances psychoactives illicites ».

    Pragmatisme
    Pour les auteurs du rapport, il s’agit donc d’adopter une politique plus « pragmatique ». Ils envisagent ainsi trois scénarii : dépénalisation, légalisation dans le cadre d’un monopole public, légalisation dans un cadre concurrentiel. Et optent pour le deuxième.

    Selon les économistes, une telle politique permettrait de générer entre 1,3 et 2,1 milliards d’euros de recettes fiscales, une fois déduits les frais liés à la répression. Elle créerait également 13 000 emplois rien que dans le commerce (hors ceux liés à la production). Les trafiquants, eux, se verraient couper l’herbe sous le pied.

    Augmenter les prix pour maîtriser la consommation
    Pour que cette légalisation ne s’accompagne pas d’une explosion de la consommation, les auteurs préconisent d’augmenter les prix du cannabis de 40%, en faisant passer le gramme à 8,40€ (au lieu de 6€ actuellement). Le prix est une composante essentielle pour influer sur la consommation, soulignent-ils.

    Cependant, de tels tarifs risqueraient de nourrir un marché noir, moins cher. Les économistes estiment donc que la meilleure option consiste à fixer des prix similaires dans un premier temps, pour les augmenter au fur et à mesure.

    « En termes de recettes publiques, la légalisation permettrait d’apporter des ressources conséquentes pour l’Etat, particulièrement utiles au financement des politiques de prévention (…). Cette solution présente les meilleures garanties en termes de contrôle de la prévalence et de protection des populations les plus vulnérable », estiment les chercheurs, qui rappellent que c’est cette approche, fondée sur la prévention et la majoration des prix, qui a permis de réduire la consommation de tabac.

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