Pesticide interdit en Europe
Chikungunya : pulvérisation controversée du malathion
Le gouvernement a autorisé à titre exceptionnel l’utilisation du malathion, un pesticide interdit en France et très controversé, pour lutter contre l’épidémie de chikungunya.
- Une machine pulvérise de l'insecticide pour lutter contre l'épidémie de chikungunya (ici, en Inde, août 2014) / AJIT SOLANKI/AP/SIPA
Le gouvernement sort les grands moyens pour lutter contre l’épidémie de chikungunya. Les autorités sanitaires ont autorisé l’utilisation du malathion, un puissant insecticide extrêmement controversé, pour exterminer les moustiques tigres vecteurs du virus. Il sera pulvérisé en Guyane dès ce mardi.
Un neurotoxique fabriqué par les Nazis
« Nous n’avons pas demandé à utiliser le malathion en Guyane, a déclaré samedi le préfet de Guyane, Eric Spitz. Nous avons demandé aux plus hautes instances sanitaires de pouvoir utiliser un produit efficace contre le chikungunya. Et ce sont ces instances sanitaires et environnementales de France et de l’Union européenne qui nous ont dit : vous pouvez utilisez ce produit, il ne comporte aucun risque ».
Si le préfet prend tant de précautions, c’est que le biocide en question déchaîne les passions. Le malathion appartient à la famille des organophosphates, ces poisons du système nerveux fabriqués sous le régime nazi. Son épandage dans le cadre de l’agriculture est interdit en Europe et en France, en raison de l’écotoxicité du produit.
Mais son impact sur l’être humain fait débat. L’OMS le classe parmi les substances « faiblement toxiques », et on le trouve dans des produits du quotidien. Ainsi, il est présent dans les lotions antipoux et dans certains médicaments (contre la gale, par exemple), malgré plusieurs cas d’intoxication, et notamment un cas de décès répertorié chez un enfant de 9 ans. Aucune interdiction totale n’est encore en vigueur.
Les moustiques résistants
Si sa toxicité sur l’être humain n’est pas officiellement établie, sur les insectes, en revanche, elle ne laisse aucun doute. Le malathion est redoutablement efficace sur les moustiques vecteurs du chikungunya, là où les autres traitements échouent.
Ainsi, le moustique tigre adulte est devenu particulièrement résistant à la deltaméthrine, l’insecticide communément utilisé.
« Plusieurs produits avaient, dans un premier temps, été sélectionnés, dont le malathion, a expliqué ce week-end Christian Meurin, directeur de l'Agencre régionale de santé (ARS) en Guyane. Des tests ont été effectués en Guyane par l'Institut Pasteur en mai et juin en respectant les préconisations en vigueur. C'est le malathion qui s'est révélé le plus efficace, tuant 90 à 100% des moustiques adultes ». En août dernier, déjà, un arrêté préfectoral avait autorisé la pulvérisation de l’insecticide, provoquant la colère d’une partie de la population et de la presse locale.
« La peste ou le choléra »
Les autorités sont donc face à un dilemme : asperger un gaz toxique sur l’île, ou bien laisser l’épidémie prendre du terrain. « Choisir entre la peste ou le choléra », pour reprendre l’expression de Gabriel Serville, député de Guyane, qui a signé en octobre un billet dans le Nouvel Obs pour évoquer ce choix cornélien. A ce jour, 7500 ont été contaminées par le chikungunya en Guyane, soit 3% de la population. Une dizaine de cas se sont déclarés en métropole, dans la région de Montpellier.
En attendant de trouver une autre solution, le malathion sera donc utilisé pendant 6 mois en Guyane. En vertu d'un « principe de précaution », selon le préfet, le service de démoustication du Conseil général ne le pulvérisera pas « dans un rayon de 50 mètres autour des piscines publiques ou des piscines à vocation commerciale comme celles des hôtels », au regard d'un risque de réaction avec l'eau chlorée. De même, le malathion ne sera pas pulvérisé « à moins de 50 mètres des étals des marchés, des lieux d'apiculture ou de cultures vivrières, des zones de captage d'eau et des régions à potentiel écologique ».