1ère Journée mondiale

Cancer du pancréas : toujours grave mais mieux traité

On l'associe à une mort rapide, mais on le connaît mal. Le cancer du pancréas fait l'objet d'une Journée mondiale qui vise une meilleure information. Cette maladie est de mieux en mieux prise en charge.

  • Par Audrey Vaugrente
  • Gerry Broome/AP/SIPA
  • 13 Nov 2014
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    « Parlez-moi poliment sinon j’vous fais un pancréas… c’est très rapide, le pancréas. » Cette réplique d’Albert Dupontel, qui incarne le cancer dans Le Bruit des glaçons (Bertrand Blier, 2009), s’éloigne de plus en plus de la réalité. S’il reste associé à un mauvais pronostic, le cancer du pancréas n’entraîne plus systématiquement un décès en quelques mois.
    A l’occasion de la 1ère Journée mondiale du cancer du pancréas, pourquoidocteur fait le point sur cette maladie méconnue et ses traitements en pleine évolution.

     

    Des symptômes tardifs

    Le cancer du pancréas se distingue des formes plus fréquentes de cancer. « De réputation, et c’est une réalité, le cancer du pancréas est un des cancers les plus graves et les progrès thérapeutiques jusqu’à présent ont été assez lents. Une maladie du ganglion de l’enfant est guérie dans presque 100 % des cas aujourd’hui; dans le cancer du pancréas, 5 % des personnes survivent à 5 ans », explique le Pr Pascal Hammel, gastro-entérologue à l’hôpital Beaujon (Clichy), contacté par pourquoidocteur. « C’est aussi un cancer agressif sur le plan de la biologie : les tumeurs du pancréas ont des mécanismes qui entraînent une multiplication rapide des cellules, très difficile à freiner par les médicaments. » L’autre particularité, c’est son développement assez silencieux : les symptômes apparaissent lorsque le cancer est relativement avancé. Et pour cause : impossible de palper ou de repérer des symptômes précoces.

     

    Ecoutez le Pr Pascal Hammel, gastro-entérologue à l’hôpital Beaujon (Clichy) : « Si quelqu’un a mal au ventre, c'est que le cancer a déjà dépassé la glande. L’autre symptôme majeur, c’est la jaunisse, liée au fait que le cancer appuie sur le canal de la bile. »

     

    Une mauvaise connaissance des facteurs de risque

    Les facteurs de risque du cancer du pancréas sont relativement mal identifiés. Dans deux tiers des cas, aucun facteur de risque n’est associé au développement de tumeurs. Le tabac est considéré comme le principal responsable dans les cas restants. L’obésité et un diabète évoluant sur le long terme seraient aussi des facteurs favorisant le cancer. Enfin, dans 5 % des cas environ, il existe un passé familial et génétique.

     

    Ecoutez le Pr Pascal Hammel : « La mutation BRCA 2 donne des cancers du sein, de l’ovaire… mais peut aussi favoriser un cancer du pancréas. »

     

    En revanche, pas question de généraliser le dépistage : le cancer du pancréas n’est pas assez fréquent  et sa guérison pas assez certaine pour que cela représente une solution coût-efficace.

     

    Incidence et mortalité en hausse

    Le cancer du pancréas reste quatre fois moins fréquent que le cancer colorectal. En 2011, 9 000 nouveaux cas ont été signalés et il est en hausse constante. « C’est un cancer qui augmente en fréquence, comme un certain ombre de cancers dans les milieux occidentaux », explique le Pr Pascal Hammel. « Deuxièmement, s’il augmente en fréquence, ce n’est pas parce qu’il y a une explosion; c’est parce que les gens vieillissent et que c’est un cancer qui touche plutôt les gens de plus de 60 ans. La troisième raison, c’est qu’on les diagnostique mieux. »

     

    Ecoutez le Pr Pascal Hammel : « Il y a 20 ans, quand un homme de 85 ans dans un bled avait une jaunisse, on disait, c’est peut-être une hépatite, un calcul coincé, et on s’arrêtait là. »

     

    Par effet ricochet, la mortalité par cancer du pancréas augmente aussi. « Quand j’étais interne, on parlait de 3 000 décès par an. Maintenant, on parle de 10 000 - 12 000 morts », précise le Pr Hammel. Mais paradoxalement, le cancer du pancréas est de moins en moins associé à un décès rapide.

     

    Ecoutez le Pr Pascal Hammel : « Beaucoup de gens continuent de mourir. Ce qui est clair, c’est qu’on freine l’évolution de la maladie, il y a un allongement de la survie à moyen terme. »

     

    Des progrès dans la gestion des symptômes

    Cet allongement de la survie s’explique par une meilleure gestion de la maladie. Certaines formes du cancer permettent une chirurgie, qui consiste à retirer la partie du pancréas sur laquelle la tumeur se développe. Dans les autres cas, la chimiothérapie peut ralentir, voire stopper, la progression du cancer. Une radiothérapie peut lui être associée. Ces traitements sont lourds mais permettent un allongement non négligeable de l’espérance de vie d’un malade. Mais la principale évolution, dans la prise en charge du cancer du pancréas, ce sont les « soins de support. »

     

    « On peut maintenant traiter sans opérer la jaunisse ou la compression qui faisait vomir. Il y a 15 ou 20 ans, quand l’intestin passait au contact du pancréas (le duodénum), ou quand le canal biliaire était rétréci par la tumeur, on devait opérer et couper le canal biliaire ou l’intestin pour le recoudre ailleurs », ajoute le Pr Hammel. A présent, on peut régler cela en posant des stents, des ressorts comme ceux qu’on pose dans les coronaires. Et en France, on est très bons pour cela. »

     

    Ecoutez le Pr Pascal Hammel, gastro-entérologue : « C’est un des cancers qui donne le plus de douleur. Pour la traiter on a des patches, des cachets, des instillations nasales… »

     

    C’est finalement un message d’espoir qu’il faut tirer de cette 1ère Journée mondiale du cancer du pancréas : « Chez certains patients, on a transformé cette maladie fulgurante en une maladie qui n’est pas guérie, qui pourrait tuer le patient un jour mais qui est contrôlée, stabilisée », conclut le Pr Pascal Hammel.
    « Autrefois, les patients disaient avoir peur de mourir et six mois après, ils n’étaient plus là. A présent, ils ont toujours peur de mourir, et six mois après, ils disent "Votre chimio, c’est bien, mais j’en ai assez, même si je vais bien. « Au bout d’un an, ils s’impatientent. Mais on n’a pas encore, comme pour le Sida, le moyen d’éradiquer cette maladie. »

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