Dépistage des cancers
Nanoparticules de Google : notre santé aux mains de la Silicon Valley
Le projet de Google d’investir dans les nanoparticules pour dépister les cancers démontre une fois de plus la percée de la Silicon Valley sur le terrain de la santé.
Bientôt, peut-être, nous vivrons 200 ans. Des capteurs installés sous notre peau indiqueront en temps réel notre taux de cholestérol, voire même le nombre de jours qu’il nous reste à vivre. Et ce jour-là, il faudra probablement dire merci à Google, Facebook et Apple.
Plus de cancers, ni d’AVC
Le nouveau projet de Google montre, une fois de plus, qu’en matière de technologies de la santé, la Silicon Valley est devenue un acteur incontournable. Après les lentilles connectées pour diabétiques, le géant de l’informatique veut en effet mettre au point un système de nanoparticules pour détecter précocement les maladies, et en particulier les cancers. Le laboratoire Google X a déjà mis au point un prototype.
Sur le papier, le fonctionnement de cet outil futuriste est assez simple. Des particules nanoscopiques (2 000 fois plus petites qu’une cellule sanguine) circuleront dans le sang pour mesurer les changements biochimiques annonciateurs d’une tumeur, d’une crise cardiaque ou d’un accident vasculaire cérébral. Ces nanoparticules seront ingérées à l’aide d’un comprimé, et se fixeront sur un type particulier de cellule (tumorale par exemple). Elles livreront les informations biologiques grâce à un objet connecté.
Les Google lents, lentilles connectées pour diabétiques - Uncredited/AP/SIPA
« Euthanasier la mort »
Le pari peut sembler fou, mais il est loin d’être farfelu. Selon Google, cette biotechnologie médicale pourrait même être disponible d’ici une dizaine d’années. « C’est faisable ! » estime le Dr Laurent Alexandre, urologue, président de DNA Vision, une société d'analyse génétique et auteur de La défaite du cancer (JC Lattes).
« Ce projet confirme la volonté maintes fois annoncée de la Silicon Valley d’investir dans les NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives) et d’allonger la durée de vie des êtres humains. Quand on est l’entreprise la plus puissante du monde, la dernière frontière consiste à euthanasier la mort. Cela fait partie de sa volonté de transformer l’homme et la société », affirme ce gérant d’une société de services en analyses génétiques, DNAVision.
De fait, le clan des « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon) est mû par une idéologie transhumaniste parfaitement assumée. Son idéal : l’homme augmenté, l’humain éternel. Ainsi, Google a récemment lancé Calico, une société de biotech qui a pour seule feuille de route le retardement du vieillissement humain. Elle investit massivement dans les analyses statistiques de cancers. Dans une société où ces pathologies explosent, la démarche semble pertinente…
Les projets secrets de Google
Dans cette course aux biotechnologies médicales, les grands groupes pharmaceutiques sont à la traîne. Dans leurs laboratoires, la recherche est au point mort. Depuis quelques années, ils investissent dans des start-up de biotech qui mettent au point des molécules innovantes. Mais les « Big Pharma » manquent cruellement de force de proposition.
C’est pourtant avec elles que Google traitera pour fabriquer et commercialiser son projet de nanoparticules. « Ce n’est pas dans son intérêt de le développer lui-même, poursuit Laurent Alexandre. Google a inventé le concept, et c’est ce qui compte pour lui. Il sous-traitera à des acteurs industriels pour ne pas s’encombrer de toute cette partie, longue et fastidieuse. D’autant plus que Google a encore des dizaines de projets ultra-secrets dans les tuyaux, sur l’intelligence artificielle et le recul de la mort… ».
"10 projets futuristes de Google qui vont changer le monde" - Youtube
De l’homme biologique à l’être bionique
Mais cet objectif pose certaines questions, notamment d’ordre éthique. Jusqu’à quel point peut-on mettre des implants dans son corps ? Jusqu’où accepter ces modifications biotechnologiques? « Quand on tue la mort, on tue l’homme biologique », estime Laurent Alexandre, qui, de son aveu, avalerait volontiers l’une de ces pilules magiques.
Une autre interrogation concerne la protection des données biologiques récoltées par Google, avec ce projet de nanoparticules connectées. « Faux problème. Si Google me permet de rallonger ma vie jusqu’à 120 ans, franchement, j’accepte qu’ils gardent mes informations. Et je ne serai pas le seul », sourit-il.
Juste « un outil de plus » ?
Il n’empêche. Beaucoup regardent avec méfiance cette percée avant-gardiste. A commencer par Agnès Buzyn, présidente de l'Institut national du cancer (INCA), qui se dit « très prudente » à propos de l’annonce de Google. « C'est une prouesse technologique qu'ils visent à terme. Est-ce que ce sera une révolution médicale dans le sens où cela balaiera tout ce dont on a besoin actuellement pour poser un diagnostic ? Cela me paraît contradictoire avec ce que l'on connaît actuellement de la biologie pour les tumeurs », a-t-elle déclaré à l'AFP.
« Un diagnostic, un pronostic, une maladie s'évaluent avec de nombreux paramètres : facteurs génétiques, facteurs de risques comportementaux, système immunitaire, etc. Tout cela ne peut être rapporté à une technique, si performante soit-elle », estime-t-elle. Ce type de technique pourra représenter « un outil de plus dans l'arsenal que nous avons déjà » mais « cela ne révolutionnera pas à mon avis le diagnostic ».