Médicaments, diagnostic, transmission…
Tuberculose résistante : MSF dénonce une catastrophe d’origine humaine
Les formes résistantes de la tuberculose progressent dans le monde. Dans un rapport, Médecins sans Frontières dénonce « des années de négligence » et une « réponse lente et fragmentaire. »
- Les tests de dépistage manquent trop souvent (Mark Thomas / Rex Featu/REX/SIPA)
Dans le monde, 9 millions de personnes souffrent de la tuberculose. Parmi elles, 480 000 sont infectées par une forme multi-résistante aux médicaments. Mais seule une minorité d’entre elles (30 %) est diagnostiquée, ce qui les empêche d’accéder à un traitement adéquat. Au-delà de ce problème diagnostique, c’est le traitement de la maladie qui est à mettre en cause. Dans un nouveau rapport, présenté à la 45e Conférence mondiale de l’Union sur la santé respiratoire, qui se tient à Barcelone (Espagne), Médecins sans Frontières (MSF) dénonce de nombreux manques.
« Des années de négligence »
« L’heure n’est pas à la complaisance », annonce d’emblée l’ONG française à travers le Dr Petros Isaakidis. « Dans certains pays d’ex-Union Soviétique, plus d’un tiers des patients chez qui MSF a diagnostiqué une tuberculose multi-résistante n’ont jamais été traités auparavant, ce qui implique une transmission directe, de personne à personne, des formes résistantes de la maladie », poursuit ce médecin épidémiologiste. « La tuberculose résistante est une catastrophe d’origine humaine, entraînée par des années de négligence et par une réponse lente et fragmentaire. »
Les mots sont durs, mais les faits ne le sont pas moins. Les patients qui sont parvenus à obtenir un diagnostic adapté (tuberculose multi-résistante) ne reçoivent pas tous les bons traitements. En fait, seul un sur cinq bénéficie des médicaments adaptés. Mais ce qui inquiète le plus MSF, c’est la part accrue de formes résistantes : elles représentent 25 à 35 % des nouveaux cas.
Médicaments hors de portée
Ces problèmes dans la prise en charge naissent à la source : les médicaments disponibles, et les recommandations. Dans sa lutte contre la tuberculose, MSF affronte un « monstre à deux têtes » : d’une part, l’application difficile - voire absente - des recommandations et stratégies de l’Organisation mondiale de la santé (OMS); d’autre part, des nouveaux traitements antituberculeux souvent hors de portée pour la majorité des patients. Il en existe pourtant de nombreux. Enfin, aucun pays n’intègre dans ses protocoles de soin les médicaments dits « requalifiés », c’est-à-dire des médicaments déjà existants qui s’avèrent efficaces contre les formes résistantes de la tuberculose.
Ces défauts, MSF les pointe dans un nouveau rapport, « Out of Step », qui évalue l’état de la prise en charge dans 8 pays (Brésil, Inde, Kenya, Myanmar, Russie, Afrique du Sud, Ouzbékistan et Zimbabwe). Il en ressort cinq lacunes de taille : l’accès insuffisant aux tests de résistance aux médicaments, le nombre croissant de diagnostics d’une tuberculose résistante non traitée, les modèles de soin « obsolètes et coûteux », l’accès limité aux médicaments les plus prometteurs, le manque de financements.
« Les entreprises et les pays doivent accélérer les processus d'enregistrement des nouveaux médicaments. Il faut également mener des essais cliniques intégrant les nouveaux médicaments contre la tuberculose dans des protocoles plus courts, moins toxiques et plus efficaces. Pour cela, il est nécessaire que la recherche et le développement soient coordonnées et financés dans le seul but de donner accès au diagnostic et au traitement à ceux qui en ont le plus besoin », conclut Grania Brigden, en charge du dossier tuberculose à la Campagne d'accès aux médicaments essentiels (CAME) de MSF.
De nombreux médicaments disponibles
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