Vitrification
Congélation d’ovocytes : qui est concernée en France
Alors que Facebook et Apple proposent de financer la congélation d’ovocytes de leurs employées, pourquoidocteur revient sur la législation française en la matière.
En France, la proposition de Facebook et Apple a reçu un accueil franchement hostile. Alors que sur leur site Internet, des associations américaines exprimaient leur satisfaction de voir ces deux entreprises financer la congélation d’ovocytes de leurs employées, de l’autre côté de l’Atlantique, la presse s’est montrée unanimement choquée. « Hey, la Silicon Valley, laissez nos utérus tranquilles ! » titrait ainsi le pure player Slate, pour ne citer que lui.
De fait, les mentalités américaines et françaises sont parfois très éloignées, notamment en ce qui concerne la place des entreprises dans la vie privée des citoyens. Mais il ne s’agit pas uniquement de philosophie. Dans l’Hexagone, les deux géants de la high tech n’auraient jamais pu faire une telle proposition, au risque de se fâcher avec la loi.
Congélation d’ovocytes : pour qui ?
En France, pour les femmes, la congélation d’ovules « par convenance » - dans le but d’avoir des enfants plus tard – est interdite. Seule les femmes qui bénéficient d'une aide médicale à la procréation, et celles qui subissent un traitement médical susceptible de les rendre fertiles (notamment à cause des irradiations lors des chimiothérapies) peuvent congeler leurs ovules dans le but de préserver leur fertilité.
La loi de bioéthique de juillet 2011 stipule ainsi que « toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d'être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité ».
En Europe, plusieurs pays ne limitent pas cette opération à des motifs médicaux, et autorisent l’autoconservation dite sociétale (par convenance).
Carte des pays autorisant l’autoconservation sociétale des ovocytes
La vitrification autorisée depuis peu
Avant 2011, la vitrification des ovocytes était interdite. A contre-courant de nombreux pays, l’Etat français autorisait la conservation par congélation lente uniquement – un procédé bien moins performant. A l’époque, le député Jean Léonetti avait donc demandé une révision de la loi pour permettre « la congélation ultra-rapide des ovocytes », une technique de refroidissement des cellules très rapide, à - 196 °C.
L’amendement devait notamment permettre de booster les dons d’ovocytes, en pénurie. En 2006, seules 220 femmes ont fait un don permettant 400 fécondations in vitro alors que plus de 1300 couples étaient en attente. Bien entendu, les dons d’ovocytes sont autorisés. Dans ce cas, il est donc possible de faire congeler ses ovules, mais il s’agit bien de les céder : il est interdit de se les garder pour soi-même.
Une inégalité entre les hommes et les femmes
Point étrange de la loi française : les hommes, eux, sont autorisés à congeler leur sperme par convenance. Avant une vasectomie (ligature du canal référent), un homme peut en effet conserver ses gamètes dans le but d’enfanter ultérieurement, et ce, depuis les années 1940.
Cette inégalité est l’une des raisons qui a poussé le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) à demander l’autorisation de congeler ses ovocytes par convenance, en décembre 2012. « Il n'y a pas de raison particulière pour que cela ne soit pas autorisé aux femmes », écrivent les auteurs d’un communiqué qui a relancé le débat (document PDF).
Pas de promesse de grossesse
« L’âge de la maternité ne cesse de reculer et les femmes qui consultent pour infertilité sont, elles aussi, de plus en plus âgées. L’autoconservation d’ovocytes constitue un progrès médical car elle est, avec le don d’ovocytes, la seule méthode de traitement de l’infertilité réellement efficace à 40 ans et plus. Elle permet aux couples d’utiliser leur propre capital génétique. »
De fait, l’âge des grossesses ne cesse de reculer en France. En 1970, l'âge moyen du premier enfant chez les femmes françaises n'atteignait même pas les 24 ans, selon l'Insee ; en 2012, il est de 28 ans. Et avec l'âge, les chances de grossesse par cycle diminuent. Elles sont ainsi de 25 % à 25 ans, 12 % à 35 ans et 6 % à 40 ans. Après 45 ans, elles sont quasi nulles... Mais l’autoconservation des ovocytes n’offre pas la certitude d’une grossesse. Une récente étude souligne en effet que, dans le meilleur des cas, le taux de naissances est de 62 %.
>> Voir le reportage de TéléToulouse sur la naissance de jumeaux après une congélation d'ovocytes à Toulouse