Entretien avec Catherine Hill
Projet de loi santé : les failles de la lutte anti-tabac
Les mesures de lutte contre le tabagisme du projet de loi de santé présenté ce mercredi en conseil des ministres comportent des failles, selon l'épidémiologiste Catherine Hill.
C’est aujourd’hui que le projet de loi de santé a été présenté en conseil des ministres et présenté à la presse par Marisol Touraine. Dévoilées en juin dernier, les grandes lignes de ce projet de loi entendent assurer une meilleure prévention en terme de santé publique et améliorer l’accès des soins pour tous. Parmi les mesures annoncées, figure un vaste plan anti-tabac.
Structuré en trois axes, il vise à « protéger les jeunes et éviter l’entrée dans le tabagisme », « aider les fumeurs à arrêter » et « agir sur l’économie du tabac.» Les mesures proposées sont-elle efficaces ? Contactée par Pourquoidocteur, Catherine Hill, épidémiologiste au centre de cancer et de prévention de l’Institut Gustave Roussy, adhère au plan proposé, qu’elle estime cependant incomplet.
Paquet neutre
La grande mesure de Marisol Touraine : le paquet neutre. Même couleur, même police, même taille, même forme. Ce paquet passe-partout existe déjà en Australie et arrivera bientôt en Grande-Bretagne. Et le gouvernement français a décidé de l'appliquer début 2016 pour dissuader les jeunes d’allumer leur première cigarette. A ce titre, l’adoption du « paquet neutre » doit permettre de battre en brèche le marketing des industriels du tabac qui tentent de les séduire en utilisant un packaging plutôt attractif. « Les avertissements sanitaires, qui couvrent aujourd’hui 30 % de la superficie du paquet en couvriront 65 % », a précisé Marisol Touraine. Une mesure accueillie favorablement par Catherine Hill qui voit là un bon moyen de resteindre la créativité publicitaire des industriels du tabac."
Ecoutez Catherine Hill, épidémiologiste au centre de cancer et de prévention de l’Institut Gustave Roussy : « Le paquet neutre est une très bonne idée… »
Restriction dans les lieux publics
Pour lutter contre le tabagisme passif des plus jeunes, le programme gouvernemental prévoit aussi d’interdire de fumer dans les véhicules en présence d’enfants de moins de 12 ans. De même, la cigarette n’aura plus droit de cité dans les espaces publics de jeux pour enfants. La cigarette électronique considérée comme une porte d’entrée dans le tabagime subira le même sort.
Une campagne de prévention anti-tabac bien huilée qui comporte cependant une faille importante pour Catherine Hill : l'augmentation du prix des cigarettes. « C'est une erreur monstrueuse. Tous les organismes qui ont étudié la question, que ce soit la Banque mondiale ou l'OMS, disent qu'augmenter les prix est de loin la mesure la plus efficace pour réduire la consommation de tabac.» L'épidémiologiste déplore également un manque de campagne pour hiérarchiser les risques : « Les gens sont inondés d'informations sans pour autant comprendre les réels risques pour leur santé. Cela aboutit à des exagérations ou au contraire à dédramatiser une situation erronées. On dit par exemple qu'une femme qui refuse de se faire dépister du cancer du sein prend plus de risques qu'une femme qui continue à fumer. Or, c'est complètement l'inverse ! »
Ecoutez Catherine Hill, épidémiologiste au centre de cancer et de prévention de l’Institut Gustave Roussy : « Il est nécessaire de faire des campagnes de prévention pour informer des risques et les hiérachiser.»
Avec son plan anti-tabac, le gouvernement affiche des objectifs ambitieux et chiffrés : réduire de 5 % le nombre de fumeurs d’ici à 5 ans et de 20 % d’ici à 10 ans.