Au tribunal de Strasbourg
Maladie de Lyme : un procès révélateur du déni français
Le procès à Strasbourg d’une biologiste et d’un pharmacien met en lumière les carences du milieu médical vis-à-vis de la maladie de Lyme.
« Sur la maladie de Lyme, rien n’a bougé depuis 30 ans. Sa prévalence est sous-évaluée, les tests ne sont pas fiables et les patients sont souvent mal soignés ». Ces propos ne sont pas ceux des avocats de la défense, mais du Pr Christian Perronne, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches et membre du Haut conseil de la santé publique, entendu au tribunal de Strasbourg, dans le cadre du procès de Viviane Schaller, biologiste, et du pharmacien Bernard Christophe. La première est accusée d’avoir falsifié les résultats des tests officiels pour pratiquer d’autres analyses, qu’elle se faisait rembourser par la sécurité sociale. Coût de l’opération : plus de 200 000 euros. Le second est poursuivi pour avoir vendu sans autorisation son Tic Tox, un produit composé à base d’huiles essentielles. Il s’agirait selon lui d’un complément alimentaire, tandis qu’il serait assimilable à un médicament selon l’accusation.
Une « omerta » dans le milieu médical
Au-delà du fait divers, ce procès fait ressortir les carences du monde médical vis-à-vis d’une pathologie peu connue. La maladie de Lyme est transmise par la tique, présente dans nos forêts. Elle se manifeste d’abord par un érythème cutané, et en l’absence de traitement, elle peut provoquer des problèmes articulaires, cutanés, cardiaques et neurologiques. Son incidence serait d’environ 43 cas pour 100 000 habitants, avec des disparités au niveau régional. Ainsi, l’Alsace et la Meuse présentent les taux les plus élevés. Mais pour le Pr Perronne, il y a en France une sous-estimation dramatique de la maladie. « Les tests sérologiques ont été étalonnés pour qu’il n’y ait jamais plus de 5 % de résultats positifs, et ce dogme n’a jamais été remis en cause depuis 30 ans », a-t-il affirmé. Il décrit une sorte d’omerta dans le monde médical, avec des travaux sur cette maladie qui ont bien du mal à être publiés.
C’est dans ce contexte que Viviane Schaller a falsifié les résultats du test officiel, car le protocole prévoit qu’un second test ne doit être pratiqué qu’après un résultat positif ou équivoque du premier. Quant au pharmacien, a-t-il profité de la situation, sachant que les traitements antibiotiques de la maladie de Lyme ne sont pas toujours efficaces en raison des résistances ? En tout cas, les patients se sont succédés à la barre pour témoigner de leurs souffrances.
Le procès, débuté il y a maintenant deux ans, devrait bientôt voir son épilogue. Le tribunal a mis sa décision en délibéré, et rendra son verdict le 13 novembre prochain.