Décision d'arrêt des soins

Enfant prématuré : « Le cas le plus difficile de la médecine moderne »

Les médecins réagissent à « l’affaire Titouan », ce grand prématuré dont les parents demandent l’arrêt des soins. Pour Jean Léonetti, auteur de la loi sur la fin de vie, il n'y a pas d'acharnement thérapeutique.

  • Par Marion Guérin
  • Jerome Delay/AP/SIPA
  • 19 Sep 2014
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    « L’affaire Titouan » promet de faire couler beaucoup d’encre. Ce grand prématuré de 900 grammes, né près de quatre mois avant le terme, est actuellement en réanimation au CHU de Poitiers. Ses parents affirment qu’il a été victime d’une hémorragie cérébrale. Ils demandent l’arrêt des soins et dénoncent une forme d’acharnement thérapeutique.

    « Il sera hémiplégique et on nous embobine, on n'arrête pas de nous embobiner, confie à la presse la mère. Ils en ont rien à fiche de la souffrance de Titouan ou de la nôtre. Ils veulent continuer à faire leur boulot comme on leur demande ».

    Réanimation d’attente
    Loin d’être insensibles à la douleur des parents et de leur enfant, les médecins du CHU de Poitiers suivent de fait une procédure bien définie, inspirée de recommandations nationales, et encadrée par la loi Leonetti sur la fin de vie.

    « On est dans une réanimation d’attente, explique Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale. Cette période peut durer plusieurs semaines. C’est une épreuve difficilement supportable pour les parents, mais nécessaire. Les investigations scientifiques prennent du temps pour savoir quelles seraient les éventuelles séquelles d’une réanimation qui irait trop loin, mais il faut privilégier l’intérêt supérieur de l'enfant. »

    Ecoutez Emmanuel Hirsch, responsable de l'espace éthique de l'AP-HP : « La réanimation d’attente, c'est une démarche à la française ».


    Réunions éthiques collégiales
    En général, cette réanimation d’attente n’excède pas un mois, mais certains témoignages font état de cinq mois d’attente, un calvaire pour les parents. Au cours de cette période, le nourrisson est placé sous assistance ventilatoire. Les médecins procèdent à des examens réguliers (encéphalogrammes, échographies cérébrales, IRM…). Puis, les équipes se réunissent pour rendre une décision en collégialité.

    « Quand on prend en charge un extrême prématuré, on sait dès le départ qu’on risque d’être confronté à des complications, explique Jean-Claude Magny, chef du service de réanimation néonatale à l’hôpital Necker. L’équipe médicale se pose rapidement la question de savoir si l’on est, ou pas, dans l’obstination médicale. Les parents sont toujours consultés ».

    Ecouter Jean-Claude Magny, chef du service de réanimation néonatale à l’hôpital Necker : « Il y a des réunions éthiques collégiales qui permettent de prendre ces décisions »


    Culpabilité
    Pour Jean Leonetti, cardiologue et auteur de la loi qui porte son nom, le cas Titouan ne pose pas la question de l’acharnement thérapeutique. « Il ne faut pas condamner le fait de se battre, et on ne peut pas arrêter systématiquement les réanimations sous prétexte qu’un enfant porte une anomalie ! La faiblesse de la médecine, c’est sa lenteur. Il faut attendre. Pour savoir si l'on est ou pas dans de l’obstination déraisonnable, c'est du cas par cas. ».

    Pour le député des Alpes-Maritimes, la décision de limiter les soins de vie doit rester la prérogative du corps médical. « On ne peut pas demander à une mère si l’on doit ou non poursuivre la réanimation de son enfant. C’est lui faire porter une culpabilité à vie, qui sera insupportable… Croyez-moi, c'est de loin le cas le plus difficile de la médecine moderne. »

    Ecoutez Jean Leonetti, médecin et député des Alpes-Maritimes : « Personne n’a le droit de vie ou de mort sur lui »


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