Cour d'Assises de Pau
Procès Bonnemaison : l'acquittement d'un médecin
Le procès de l'ex-urgentiste, Nicolas Bonnemaison, s'est terminé ce mercredi à Pau. Accusé de l'empoisonnement de sept personnes en fin de vie, le médecin a été acquitté.
Cinq ans de prison, assortis d'un possible sursis ? C'est ce qui avait été requis mardi à Pau contre le médecin Nicolas Bonnemaison, jugé pour l'empoisonnement de sept patients en fin de vie. Mais les jurés de la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques n'ont pas tenu compte du réquisitoire de l'avocat général. Ce mercredi, ils ont en effet aquitté l'ex-urgentiste du CHU de Bayonne. « Il fallait l'acquittement. », a commenté la femme d'un patient suivi par le Dr Bonnemaison. Et pour son avocat, même ton de satisfaction : « cet homme a agi en médecin. Il l'a toujours revendiqué. Ses amis médecins ont dit qu'ils étaient fiers de lui, sa femme aussi, nous les avocats sommes aussi fiers de lui. » Dans cette affaire hors-norme, nulle doute que le soutien de la majorité des familles au Dr Bonnemaison a pesé lourd dans la balance. Juste avant le verdict le Dr Bonnemaison a rappelé qu'il avait «agi en médecin», en précisant que «cela fait partie du devoir du médecin d'accompagner ses patients jusqu'au bout du bout»
pourquoidocteur revient sur les principales étapes dans cette affaire.
Dénoncé par des infirmières et une aide-soignante
Le médecin Nicolas Bonnemaison est poursuivi pour « empoisonnement sur personnes particulièrement vulnérables », cinq femmes et deux hommes en fin de vie hospitalisés dans une unité du service des urgences de l’hôpital de Bayonne où il travaillait. Ces personnes étaient décédées peu après leur admission, entre mars 2010 et juillet 2011, du fait des agissements de l'ex-urgentiste. Mais ce dernier est dénoncé peu de temps après, en août 2011 exactement, par des infirmières et une aide-soignante de son service. Radié par le Conseil de l’Ordre des médecins, il a assumé depuis le début ses actes, et a expliqué avoir « fait preuve de compassion afin de préserver la dignité des patients. » La majorité des familles de patients décédés le soutenaient d'ailleurs dans son combat judiciaire.
Aucune plainte de la part des familles
D’abord mis en examen pour les cas de quatre patients, le 12 août 2011, il a été mis en cause en janvier 2012 pour trois autres décès. Même si aucune famille de victime n'avait porté plainte, deux d'entre elles s'étaient toutefois constituées partie civile. En droit, Nicolas Bonnemaison était accusé d’avoir administré à ces patients des médicaments hors du protocole de soins et sans recourir à l’avis d’autres médecins. Il aurait utilisé de l’Hypnovel, un puissant psychotrope, et au moins une fois du Norcuron, à base de curare, substance entraînant la paralysie des muscles respiratoires, utilisée en anesthésie-réanimation.
Ainsi, la justice lui reprochait d’avoir agi en dehors du cadre de la loi Leonetti sur la fin de vie. Celle-ci permet il est vrai au médecin d’administrer au patient une dose de soins palliatifs pouvant avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie. A la condition d’en avertir le patient ou sa famille, et en accord avec d’autres médecins. Or, dans certains cas, le Dr Bonnemaison aurait agi seul, sans avertir personne. En tout cas pas l'équipe médicale.
60 000 signatures à la veille du procès
Enfin, le cas de Nicolas Bonnemaison a jusqu'au bout divisé les Français et le corps médical. En 2013, plus de 250 praticiens ont dénoncé dans une lettre ouvertre à François Hollande la radiation de l'urgentiste, et une pétition en sa faveur avait déjà recueilli 60 000 signatures la veille du procès. « Nous sommes profondément choqués par cette sentence », expliquait récemment à l’Agence France Presse l’un des signataires de cette lettre ouverte. « C’est un praticien qu’on connaît, il a travaillé 22 ans à l’hôpital », plaidait ce confrère. Mais au delà de son cas personnel, c'est le débat sur l'euthanasie et l'aide médicale à mourir qui devrait ressurgir.