Cardiologie
Fibrillation atriale : la digitaline à faible dose pourrait contrôler la fréquence
Chez les patients souffrant de fibrillation atriale permanente, les digitaliques à faible dose pourraient à nouveau trouver une place en 2ème ligne dans l'arsenal thérapeutique visant au contrôle de la fréquence cardiaque.
- wingedwolf/istock
Pour ralentir la fréquence cardiaque ventriculaire chez les patients souffrant de fibrillation atriale (FA) permanente, les recommandations actuelles de pratique clinique américaines et européennes mettent les β-bloquants ou les inhibiteurs des canaux calciques comme traitements de première ligne.
Une équipe de chercheurs de l’université de Birmingham, en Grande Bretagne, a mené le premier essai clinique randomisé (RATE-AF) comparant la digoxine à faible dose avec le bisoprolol, un bêtabloquant, pour le contrôle de la fréquence cardiaque chez les patients souffrant de FA permanente (Rate Control Therapy Evaluation in Permanent Atrial Fibrillation). L’étude est publiée dans le JAMA.
Digoxine à faible dose
Dans cet essai ouvert, 160 patients ont été randomisés pour recevoir de la digoxine à une dose moyenne faible de 161 µg/j (80 patients) ou du bisoprolol à une dose moyenne de 3,2 mg/j (80 patients). Après 6 mois, le principal critère d'évaluation, la qualité de vie selon les patients (mesuré par la SF-36), atteint un score moyen de 31,9 dans le groupe digoxine contre 29,7 dans le groupe bisoprolol (P = 0,28). À 12 mois, 8 des 20 critères secondaires diffèrent entre les 2 groupes et tous favorisent la digoxine, y compris le niveau de NT-pro-BNP, qui est plus faible dans le groupe digoxine (960 pg/mL) que dans le groupe bisoprolol (1250 pg/mL) (P = 0,005).
Il n'y a pas de différence significative concernant la fréquence cardiaque au repos entre les 2 groupes à 12 mois (moyenne de 75,4bpm dans le groupe digoxine contre moyenne de 74,3 bpm dans le groupe bisoprolol).
Une histoire de plus de 2 siècles
Les glycosides digitaliques ont été introduits pour la première fois dans la pharmacopée clinique il y a plus de 2 siècles et ont longtemps été utilisés dans l’insuffisance cardiaque ou pour ralentir la fréquence cardiaque des FA permanentes.
Par un mécanisme qui n'est pas entièrement compris, les composés digitaliques augmentent l'activité efférente vagale vers le cœur, et cette action parasympathomimétique réduit la vitesse de conduction des impulsions électriques à travers le nœud auriculo-ventriculaire, ralentissant ainsi la fréquence cardiaque ventriculaire dans la FA.
Remise en cause
En 2014, l'étude observationnelle rétrospective TREAT-AF a révélé que l'utilisation de la digoxine pour contrôler le rythme cardiaque chez les patients souffrant de FA non valvulaire récemment diagnostiquée était associée à un risque accru de mortalité (rapport de risque, 1,21 [IC à 95 %, 1,17-1,25] ; P < 0,001). Cela avait été attribué à un impact délétère sur la voie calcique intracellulaire.
Bien que les auteurs de TREAT-AF aient noté que leurs résultats issus d’une étude observationnelle rétrospective pouvaient être sujets à des biais de confusion malgré l’utilisation d’un appariement et de scores de propensions, les résultats de cette étude ont pesé en faveur de l’abandon de l'utilisation de la digoxine pour le contrôle de la fréquence cardiaque en cas de FA permanente.
Une étude à confirmer
Sur la base des résultats de cette nouvelle étude de petite taille et limitée en suivi, la digoxine à faible dose peut être considérée comme une alternative viable aux β-bloquants pour obtenir un contrôle de la fréquence cardiaque chez les patients souffrant de FA permanente. La dose relativement faible de digoxine (moyenne, 161 µg/j) s'est avérée suffisante pour contrôler la fréquence cardiaque tout en évitant la toxicité de la digoxine.
Comme cet essai est de petite taille et de conception ouverte, les résultats ne vont probablement pas modifier sensiblement les recommandations actuelles de pratique clinique pour le contrôle de la fréquence cardiaque en cas de FA permanente. Néanmoins, chez les patients souffrant de FA permanente qui ne tolèrent pas les β-bloquants ou les inhibiteurs des canaux calciques, ou qui ne répondent pas de manière adéquate à ces molécules, la digoxine pourrait être à envisager comme alternative de deuxième ligne.