Neurologie
Migraine : le ciblage du CGRP ouvre de nouveaux horizons contre la douleur
Les médicaments ciblant spécifiquement la voie du CGRP représentent une avancée majeure en prévention et en traitement aigu de la douleur migraineuse, ouvrant même la porte à des stratégies thérapeutiques plus flexibles et plus individualisées.

- MaximFesenko/istock
La migraine est une maladie neurovasculaire complexe qui affecterait près d’une personne sur 6 dans le monde. La douleur qu’elle provoque est responsable d’un handicap notable, avec de nombreuses journées vécues avec un handicap, en particulier chez les femmes. La découverte du rôle central du calcitonin gene-related peptide (CGRP) dans la physiopathologie de la migraine a conduit pour la première fois au développement de traitements spécifiquement conçus pour cette affection.
Depuis 2018, les anticorps monoclonaux (mAbs) ciblant le CGRP ou son récepteur, ainsi que les antagonistes de petite taille (gepants), offrent une alternative aux traitements prophylactiques classiques, en cas d’intolérance ou d’inefficacité. The Lancet propose une revue bibliographique passionnante et extrêmement bien faite, que nous résumons dans cet article et que vous pourrez trouver in extenso ici.
Mécanisme d’action des anti-CGRP
Le CGRP est un neuropeptide vasoactif impliqué dans l’activation du système trigéminovasculaire, considéré comme le déclencheur des crises migraineuses.
Les mAbs anti-CGRP (fremanezumab, galcanezumab, eptinezumab) agissent comme des pièges neutralisant directement le peptide, tandis que l’erenumab bloque le récepteur du CGRP. Les gepants, quant à eux, antagonisent principalement les récepteurs du CGRP, avec une possible action complémentaire sur le récepteur amylinique. La toxicité hépatique observée avec les premiers gepants serait plus en rapport avec leur structure moléculaire qu’avec le blocage du CGRP.
Efficacité clinique des anti-CGRP
Dans les essais cliniques, environ 50 % des patients sous mAbs CGRP obtiennent une réduction d’au moins 50 % des jours de migraine mensuels. Des « super-répondeurs », avec une réduction de 75 à 100 % des crises, sont également identifiés, bien que plus rarement.
L’efficacité est observée dès la première semaine, voire après 2 heures avec l’eptinezumab intraveineux administré lors d’une crise aiguë réfractaire à l’hôpital. En pratique clinique, les taux de réponse seraient même supérieurs aux résultats des essais contrôlés, atteignant jusqu’à 77 %.
Place des gepants : une approche potentiellement flexible
Les gepants (ubrogepant, atogepant, rimegepant, zavegepant) élargissent les possibilités thérapeutiques en étant utilisables à la fois en aigu et en prévention.
Malgré une efficacité modérée en aigu (inférieure aux triptans), leur absence d’effet vasoconstricteur représente un avantage chez les patients ayant un risque cardiovasculaire élevé ou des contre-indications aux triptans.
Leur utilisation ponctuelle pourrait également éviter les céphalées par abus médicamenteux, fréquentes avec les traitements classiques.
Sécurité à court et long terme
Le profil de sécurité des anti-CGRP est globalement favorable, avec des effets secondaires rares et généralement bénins (constipation, fatigue, nausée).
L’inquiétude initiale liée à une potentielle hépatotoxicité des gepants semble largement écartée avec les nouvelles générations, bien que leur sécurité hépatique à très long terme reste à confirmer.
Des études complémentaires sur leur innocuité cardiovasculaire sont également nécessaires, étant donné le rôle protecteur potentiel du CGRP sur le système cardiovasculaire.
Questions ouvertes et perspectives futures
Le positionnement précis des anti-CGRP dans l’arsenal thérapeutique, notamment par rapport aux traitements prophylactiques classiques, reste en discussion.
La possibilité d’un effet préventif même avec une prise ponctuelle de gepants ouvre la voie à des stratégies de « prophylaxie situationnelle » ou de traitement prodromique, mais ces approches nécessitent davantage d’études.
Enfin, des travaux futurs devront définir la stratégie optimale en cas de non-réponse initiale, notamment concernant les modalités de changement ou de combinaison des traitements anti-CGRP.
Un tournant thérapeutique décisif
Les traitements ciblant le CGRP marquent une rupture avec les approches antérieures, permettant une prise en charge plus précise et mieux tolérée de la migraine. Ils offrent aux cliniciens hors de France une palette d’options thérapeutiques adaptées aux besoins évolutifs des patients, soulignant l'importance de poursuivre les recherches afin d’affiner leur utilisation clinique et d’obtenir un remboursement.