Gynéco-obstétrique
FIV : le transfert d’embryons frais préférable chez les patientes avec pronostic faible
Chez les femmes avec un pronostic diminué en FIV (≤9 ovocytes ou réserve ovarienne basse), le transfert frais s’accompagne d’un taux de naissance vivante significativement supérieur à celui obtenu avec la stratégie de cryopréservation systématique (« freeze-all »).
- NataliaDeriabina/istock
Depuis les années 1980, les progrès en fécondation in vitro (FIV) ont sensiblement amélioré les taux de réussite, mais le pronostic demeure défavorable chez les patientes qui ont un nombre limité d’ovocytes (≤9) ou une réserve ovarienne réduite (compte de follicules antraux <5 ou AMH <8,6 pmol/L). Selon certaines estimations, près de 40 % des patientes en parcours de FIV appartiennent à ce groupe à « pronostic diminué ». Leur taux de naissance vivante cumulé est environ 50 % plus bas que celui observé chez des patientes à pronostic normal, indiquant un besoin urgent de stratégies thérapeutiques mieux adaptées.
La congélation embryonnaire (initialement utilisée pour conserver les embryons surnuméraires) a progressivement évolué vers une approche dite « freeze-all », où l’on cryoconserve tous les embryons pour un transfert différé. Cette stratégie s’est révélée bénéfique chez les femmes à bonne réponse ovarienne, notamment en diminuant le risque d’hyperstimulation et en optimisant l’endomètre hors du contexte de superovulation. Cependant, le bénéfice d’un freeze-all chez les patientes à faible pronostic restait incertain.
Les embryons frais donnent de meilleurs résultats en cas de pronostic FIV diminué
Dans un essai contrôlé randomisé multicentrique, dont les résultats sont publiés dans The BMJ, 838 femmes à pronostic FIV diminué ont été réparties en deux groupes : transfert frais (419 patientes) versus congélation systématique puis transfert embryonnaire différé (419 patientes). Le critère principal était le taux de naissance vivante (≥28 semaines avec battement cardiaque et respiration). En intention de traiter, les résultats montrent un taux de naissance vivante inférieur dans le groupe « embryons congelés » (32 %) comparé au groupe « embryons frais » (40 %; RR = 0,79 ; p=0,009). Le taux de grossesse clinique est également plus bas (39 % vs 47 %) et le taux de naissance vivante cumulé à un an (intégrant les transferts embryonnaires ultérieurs) demeure défavorable au groupe freeze-all (44 % vs 51 %).
Moins bons succès de FIV avec embryons congelés pour ces femmes
En dépit des bons résultats rapportés dans d’autres études chez les femmes avec une bonne réponse ovarienne, l’approche par congélation systématique n’a pas offert ici d’avantage. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce constat dont un impact endocrinien moindre. Dans les faibles réponses ovariennes, la superovulation induit potentiellement moins d’élévation hormonale, laissant l’endomètre plus réceptif en phase « fraîche ».
Cela peut aussi être lié à des lésions embryonnaires car la vitrification et la décongélation peuvent engendrer des dommages cellulaires ou épigénétiques, plus critiques quand le nombre d’embryons est restreint. Enfin, cela peut tenir à des différences de protocole car dans la pratique réelle, les auteurs ont observé un recours plus fréquent au transfert blastocyste unique dans le groupe congelé, alors que davantage de patientes en transfert frais recevaient deux embryons à un stade plus précoce (clivage). Cette variabilité peut influer sur les résultats.
Sur le plan de la tolérance, aucune différence notable n’est apparue entre groupes quant aux complications obstétricales (préeclampsie et autres) ou néonatales (poids de naissance, morbidité spécifique). Les auteurs soulignent toutefois que l’échantillon n’était pas calibré pour analyser en profondeur ces événements indésirables rares.
Un essai randomisé multicentrique
Cet essai randomisé pragmatique a été mené dans différents centres universitaires, reflétant une pratique clinique non homogène : protocoles de stimulation non standardisés, nombre et stade d’embryons transférés variables... Cette approche accroît la validité externe, mais peut aussi introduire des disparités entre groupes (par exemple, proportion de transferts à un seul embryon blastocyste versus deux embryons clivés). Les conclusions restent néanmoins robustes : en intention de traiter, le « freeze-all » n’augmente pas, et diminue même, le taux de naissance vivante chez les patientes à pronostic FIV diminué.
Selon les auteurs, ces données invitent à reconsidérer l’option systématique de congélation embryonnaire pour optimiser les chances de grossesse dans ce sous-groupe : un transfert frais pourrait être la stratégie de choix pour améliorer la probabilité de naissance vivante. Quant aux démarches consistant à enchaîner les cycles pour « accumuler » les embryons (avec ou sans diagnostic génétique préimplantatoire systématique), elles méritent une évaluation spécifique dans cette population. Enfin, de nouvelles études s’avèrent indispensables pour standardiser davantage le moment et le nombre d’embryons transférés, explorer le rôle de protocoles de préparation endométriale « naturels » dans le cadre d’un transfert différé et affiner la sélection des patientes pouvant tirer un bénéfice éventuel d’une cryopréservation (par exemple., via des biomarqueurs sériques ou endométriaux).
En résumé, chez les femmes à faible pronostic, le transfert d’embryons frais semble conférer un taux de naissance vivante plus élevé et un meilleur rendement cumulatif que la stratégie de congélation systématique. Ces résultats contrastent avec ceux rapportés dans des populations à meilleure réponse ovarienne et soulignent l’importance de personnaliser la prise en charge en FIV, en tenant compte du profil de réponse et du contexte clinique de chaque patiente.