Pneumologie
Asthme sévère : quelle stratégie et quels objectifs avec les changements de classe thérapeutique ?
Devant un échec d'un anti-IL5/IL5R dans l'asthme sévère : faut-il relayer par dupilumab ou un autre anti IL5/IL5R ? Ces stratégies thérapeutiques ne font pas encore l’objet d’un consensus mais les objectifs majeurs que sont la diminution du nombre d’exacerbations et de la consommation de corticoïdes doivent rester en ligne de mire. D’après un entretien avec Amel BOUDJEMAA.
Une étude, dont les résultats sont parus en août 2024 dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology, a cherché à évaluer l’efficacité de deux stratégies thérapeutiques chez des patients asthmatiques éosinophiliques sévères, ayant une réponse insuffisante à un anti IL-5/5R. les auteurs de ce travail ont donc réalisé un essai randomisé ciblé en utilisant les données de la cohorte RAMSES (Recherche sur les AsthMes SEvèreS) qui comporte environ 2000 patients. Au total, 130 patients ont été éligibles à cette étude car insuffisamment contrôlés (au moins une exacerbation dans les 6 derniers mois, prise importante de corticoïdes, fonction respiratoire altérée). Les patients étaient tous traités par anti IL-5/5R et avaient une réponse insuffisante. Ils ont alors bénéficié du changement de traitement par anti IL-4R ou par un autre médicament anti IL-5/5R. le critère de jugement principal était le contrôle de l’asthme à 6 mois.
Eviter les recettes de cuisine
Le docteur Amel BOUDJEMAA, pneumologue, spécialisée dans l’asthme sévère, au Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, et auteur de ce travail, explique que l’objectif de ce travail est de comprendre ce qu’il se passe lorsque l’on switche une biothérapie par une autre, en cas d’échappement à un traitement par anti IL-5/5R, au cours de l’asthme sévère. Elle rappelle que les biothérapies ont bouleversé la prise en charge de l’asthme sévère mais qu’il n’existe pas d’algorithme décisionnel ni de « recette de cuisine », en cas d’échappement thérapeutique. Elle précise, qu’actuellement, en France, les réunions pluridisciplinaires, dont elle est fervente, permettent de pallier efficacement à ce manque de consensus. Le projet de la cohorte RAMSES permet donc d’évaluer les pratiques à travers la France et d’y associer une comparaison avec ce qui est fait en Europe, pour tenter de répondre à la question sur la stratégie de switch, « comment et dans quel but ? », pour laquelle il n’existe aujourd’hui aucune recommandation. Amel BOUDJEMAA précise qu’il n’existe pas une mais plusieurs façons de faire, la plupart des patients asthmatiques sévères étant éligibles à toutes les biothérapies.
Des objets majeurs pour la réponse au changement de classe
Amel BOUDJEMAA estime qu’il est nécessaire d’observer ce qu’il se passe dans la durée, lors des changements de biothérapie, et de tenir compte de l’efficacité sur la diminution du nombre d’exacerbations lorsque l’on change de molécule. Elle explique également que l’idée de ne plus réaliser les phénotypages de l’asthme, dans l’idée de traiter ces patients, tous éligibles, par biothérapies, peut poser problème car en cas d’échec de la biothérapie, il serait préjudiciable de ne pas avoir réalisé de phénotypage alors que le patient était encore naïf de traitement. Elle cite comme exemple l’éosinophilie, qui est largement modifiée après la prise d’anti-IL5, ce qui peut fausser la stratégie de changement de classe thérapeutique si le phénotypage initial n’a pas été fait. Elle explique qu’il faudra probablement continuer ces travaux, avec un suivi longitudinal pour obtenir plus de recul et mieux anticiper la réponse au changement de classe thérapeutique. Amel BOUDJEMAA précise qu’il faut bien définir les objectifs lors de cette décision en sachant déjà s’il s’agit d’un échappement thérapeutique ou de la recherche d’un meilleur contrôle, les deux objectifs majeurs étant bien sûr la diminution du nombre d’exacerbations et de la consommation de corticoïdes. Elle souligne que l’amélioration de la fonction respiratoire est plus difficile à atteindre, celle-ci pouvant ne pas être observée alors même que l’atteinte des deux objectifs majeurs est spectaculaire.
En conclusion, l’objectif à ne pas perdre de vue est la diminution de la prise de corticoïdes, parfois intempestive, qui provoque d’autres maladies que l’asthme. Les changements intra-classe ou le dupilumbab ont montré une efficacité sur cet objectif mais ces résultats devront être confirmés par d’autres travaux et un suivi longitudinal.