Médecine générale
Hypertension artérielle : messages clés des recommandations ESC 2024
Les nouvelles recommandations de l'ESC sur l'hypertension introduisent une nouvelle catégorie de « pression artérielle élevée », des objectifs thérapeutiques plus ambitieux et privilégient les méthodes de mesure au domicile. Elles apportent également des nouveautés sur le traitement, notamment l'utilisation de la dénervation rénale.
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En France, environ 30% des adultes sont touchés par l'hypertension artérielle, ce qui représente environ 15 millions de personnes. Parmi ces personnes hypertendues, une proportion significative n’atteint pas les objectifs de contrôle de la pression artérielle fixés par les recommandations, indiquant un besoin persistant d'améliorer la prise en charge et le suivi de l'hypertension dans la population générale.
Selon les données de l'enquête Esteban 2014-2016 menée par Santé publique France, seulement environ 50% des personnes traitées pour hypertension en France ont une pression artérielle contrôlée, c’est-à-dire qu’elles atteignent les objectifs de traitement recommandés (généralement une pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg).
C’est tout l’intérêt des recommandations 2024 de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) sur l'hypertension artérielle qui marquent un tournant dans la prise en charge de cette pathologie, l'une des principales causes de maladies cardiovasculaires.
Parmi les évolutions notables, on trouve l'introduction d'une nouvelle catégorie de pression artérielle élevée, une révision des objectifs thérapeutiques et des approches de traitement, ainsi qu'une nouvelle méthode de mesure de la pression artérielle. Ces changements visent à améliorer la détection des patients à risque et à renforcer les stratégies de prise en charge.
Une nouvelle catégorie de pression artérielle élevée : le risque est continu
La nouvelle catégorie de « pression artérielle élevée » (120-139/70-89 mmHg) reflète une reconnaissance croissante que le risque cardiovasculaire est continu et qu'il commence à des niveaux de pression artérielle inférieurs à ceux traditionnellement considérés comme hypertensifs, surtout chez les personnes qui ont d’autres facteurs de risque cardiovasculaire associé.
Cette catégorie permet d'identifier plus de patients à risque d'infarctus du myocarde ou d'accident vasculaire cérébral. Selon le professeur Bill McEvoy, co-président des recommandations, « les personnes ne passent pas d'une pression artérielle normale à une hypertension du jour au lendemain ; c'est un changement progressif qui nécessite une prise en charge plus précoce chez certains patients à risque, comme ceux atteints de diabète ».
Nouvelle méthode de mesure : vers une surveillance à domicile
Pour soutenir ces nouveaux objectifs plus intensifs, les recommandations 2024 de l'ESC préconisent l'utilisation renforcée des mesures de la pression artérielle en dehors du cabinet médical, y compris les appareils ambulatoires et les moniteurs validés à domicile.
Cette méthode permet une évaluation plus précise de la pression artérielle, réduisant les risques de surtraitement ou de sous-traitement, tout en améliorant l'ajustement des traitements.
Objectifs thérapeutiques révisés : une approche plus intensive
Les nouvelles recommandations introduisent un objectif de traitement de la pression artérielle systolique de 120-129 mmHg pour la majorité des patients sous traitement antihypertenseur, dès la première étape de prise en charge.
Cela représente un changement de paradigme par rapport aux directives antérieures, qui préconisaient initialement un traitement à <140/90 mmHg avant d'envisager un objectif de <130/80 mmHg. Cette approche plus intensive est fondée sur des données récentes démontrant qu'un contrôle plus strict de la pression artérielle réduit les événements cardiovasculaires dans une large population de patients.
Pour les patients plus fragiles ou ceux qui ne tolèrent pas bien ces objectifs, les recommandations proposent de viser une pression artérielle « aussi basse que raisonnablement possible » (principe ALARA). Cette approche individualisée prend en compte la tolérance du patient et le risque de symptômes liés à un traitement trop intensif.
Nouveautés du traitement : introduction de la dénervation rénale
Après échec des mesures hygiéno-diététiques, un meilleur contrôle de la pression artérielle sera obtenu avec la prescription d'une association plutôt que d'une monothérapie. Sa dose sera augmentée avant d'envisager des trithérapies, puis une trithérapie associée à la spironolactone ou une autre molécule s ce traitement n'est pas possible.
Parmi les nouveautés, les recommandations 2024 de l'ESC introduisent pour la première fois l'utilisation de la dénervation rénale pour le traitement de l'hypertension, mais uniquement dans des cas spécifiques de patients souffrant d’une hypertension résistante et après une évaluation multidisciplinaire approfondie.
Cette technique, qui consiste à détruire certains nerfs des reins pour réduire la pression artérielle, est envisagée lorsque la pression reste incontrôlée malgré l'utilisation d'une combinaison de trois médicaments antihypertenseurs. Toutefois, elle ne doit être réalisée que dans des centres spécialisés ayant une expertise dans cette procédure.
Nouveaux conseils en matière de mode de vie
Les recommandations actualisent également les conseils en matière de mode de vie, en mettant l'accent sur l'importance de la réduction de la consommation de sodium, l'augmentation de l'apport en potassium et l'encouragement à l'exercice physique. Elles soulignent aussi l'importance de prendre en compte les différences de sexe dans la prise en charge de l'hypertension.
Ces nouvelles directives de l'ESC, basées sur les études scientifiques les plus récentes, visent à optimiser la prise en charge de l'hypertension en Europe en réduisant le risque cardiovasculaire à long terme pour un plus grand nombre de patients. Elles représentent une avancée majeure pour les cliniciens et leurs patients, en introduisant des stratégies plus intensives et plus personnalisées pour le traitement de l'hypertension artérielle.