Neurologie
Interfaces Cerveau-Machine : une révolution en marche pour les paralysés
Une interface cerveau-machine (ICM) efficiente et persistante représente une avancée majeure dans le domaine de la médecine, en particulier pour les patients atteints de maladies neurodégénératives paralysantes, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA).
- Jackie Niam/istock
Une interface cerveau-machine (ICM) est une technologie qui permet une communication directe entre le cerveau et des dispositifs informatiques externes. Elle décode les signaux cérébraux pour permettre l'interaction avec l'environnement. Le principe fondamental de l'ICM repose sur l'enregistrement de l'activité corticale via une interface composée d'un ensemble d'électrodes qui détectent et transmettent l'activité électrique du cerveau. Ces électrodes peuvent être placées à l'extérieur du crâne, sur la surface du cerveau ou même implantées dans le cortex.
Les ICM dédiées à la communication se concentrent sur l'enregistrement de l'activité corticale des régions intactes du cerveau impliquées dans le contrôle moteur ou la production de la parole. En décodant cette activité lors de tentatives de parole ou de mouvements, ces signaux peuvent être traduits en phrases, sons ou actions motrices, telles que le déplacement d'un curseur. Un type spécifique d'ICM, appelé neuroprothèse vocale, vise à restaurer la parole en traduisant l'activité corticale en texte ou en son synthétique.
Progrès dans le développement des neuroprothèses vocales
Au cours de la dernière décennie, la neuroprothèse vocale est passée du domaine de la science-fiction à la réalité. Les premières recherches sur les ICM se concentraient principalement sur le contrôle moteur des curseurs et des membres robotiques, mais l'idée de restaurer la parole paraissait irréalisable en raison de la complexité du langage. Cependant, la restauration de la parole est cruciale pour une communication naturelle, ce qui a motivé la poursuite des recherches dans ce domaine.
Des avancées scientifiques récentes ont permis de mieux comprendre la dynamique neuronale du contrôle moteur de la parole dans le cerveau humain, tout en tirant parti des méthodes d'intelligence artificielle pour apprendre la correspondance complexe entre les signaux cérébraux et la parole. Chez les personnes capables de parler, les mouvements de la parole sont coordonnés par une vaste zone du gyrus précentral ventral, qui contrôle directement les articulateurs du tractus vocal, tels que les lèvres, la mâchoire, la langue et le larynx. Cette nouvelle compréhension a facilité les premières démonstrations de décodage de la parole chez des personnes sans troubles de la parole.
Les résultats de ces études ont défini des schémas de signalisation neuronale et des régions corticales clés pour la parole, ouvrant la voie à des essais cliniques d'ICM chez des personnes paralysées. Les premiers de ces essais ont montré un décodage réussi des mots et des phrases chez une personne atteinte de quadriplégie spastique sévère et d'anarthrie. Les signaux cérébraux enregistrés ont été traduits en temps réel en mots, et des phrases ont été affichées sur un écran d'ordinateur.
Nouvelles avancées : 2 patients suivis sur le long terme
Deux études, publiées dans le New England Journal of Medicine, marquent de nouvelles étapes pour les neuroprothèses vocales. Bien que la vitesse de parole soit encore relativement lente, les résultats sont prometteurs, avec une précision élevée des mots et un taux d'erreur inférieur à 5 % sur un vocabulaire ouvert. Cette performance s'approche de celle des systèmes modernes de reconnaissance vocale, entraînés pour transcrire l'audio en texte.
Dans la première étude, des chercheurs ont utilisé quatre matrices de microélectrodes implantées, chacune avec 64 électrodes, insérées dans le gyrus précentral gauche. Ces électrodes supplémentaires ont permis de capter des signaux beaucoup plus précis et détaillés provenant de nombreux neurones corticaux.
Cependant, le patient de cette étude, atteint de dysarthrie, avait une fonction résiduelle de la parole plus intacte que les participants des études précédentes, qui se concentraient principalement sur des patients paralysés atteints d'anarthrie. Le patient pouvait en fait parler pendant le décodage, ce qui pourrait expliquer la précision relativement élevée et la rapidité d'entraînement observées.
Dans la deuxième étude, l’équipe de recherche s'est concentrée sur la longévité, la sécurité et l'utilisation d'une ICM chez une femme atteinte de paralysie sévère. Le dispositif entièrement implanté utilisait une connexion sans fil et un nombre d'électrodes bien inférieur à celui utilisé dans l’autre étude. Cependant, malgré le nombre réduit d'électrodes, l'appareil a permis au patient de communiquer correctement pendant plusieurs années, bien que ses performances aient diminué avec la progression de la SLA.
Perspectives enthousiasmantes
Ces deux cas illustrent les progrès rapides réalisés dans le développement d’interfaces cerveau-machine cliniquement viables pour restaurer la communication chez les personnes paralysées. Bien que des défis subsistent, notamment la stabilité à long terme des dispositifs et leur performance chez les patients atteints de maladies neurodégénératives, l'avenir semble prometteur. Le développement de dispositifs plus avancés, entièrement implantables et fiables à long terme, est crucial pour réaliser l'objectif ultime de restaurer une fonction de communication naturelle pour les personnes vivant avec ce type de paralysie.
D’après un éditorial associé, la convergence de la neuroscience, de l'intelligence artificielle et de l'ingénierie des nouvelles interfaces neuronales nous rapproche de plus en plus de cet objectif ambitieux. Les interfaces cerveau-machine représentent une révolution pour la communication des patients atteints de paralysie, leur offrant une nouvelle lueur d'espoir pour un avenir où ils pourront de nouveau interagir avec le monde qui les entoure.