Cardiologie
Fibrillation atriale : le risque d’AVC n’est pas nul sous anticoagulants oraux
Chez les patients souffrant de fibrillation atriale (FA) qui ont commencé un anticoagulant oral (ACO) ou recommencé à le prendre après un AVC ischémique, les risques de récidive d’AVC et de mortalité sont élevés malgré le traitement par ACO. L'arrêt de l'ACO est un facteur de risque important de récidive mais il n’est pas le seul et il est nécessaire d'améliorer les stratégies de prévention des autres causes d’AVC chez ces patients.
- praserdumrongchai/istock
Les patients atteints de fibrillation atriale (FA) sont mis sous traitement par anticoagulants oraux (ACO) pour réduire le risque d'accident vasculaire cérébral ischémique (AVC), en accord avec toutes les recommandations et en l’absence de contre-indications aux ACO. Cependant, des AVC ischémiques peuvent survenir malgré ce traitement.
Dans une étude de cohorte nationale réalisée au Danemark, et dont les résultats ont été publiés dans JAMA Neurology, l'incidence cumulée brute de récidive d'AVC à un an est de 4,3 %, et celle de la mortalité toutes causes confondues de 15,4 %. Il apparaît que 80,4 % des patients ayant eu une récidive d'AVC étaient sous ACO au moment de leur récidive d’AVC, mais que ceux qui l’avait interrompu avait un risque d’AVC doublé.
Ce constat souligne que, bien que l'anticoagulation ait été en place, d'autres facteurs comme l'adhérence au traitement, la variabilité individuelle de la réponse au traitement, et les autres mécanismes d'AVC continuent à jouer un rôle crucial.
Une étude de cohorte nationale
Les chercheurs ont mené une étude de cohorte nationale sur les différents registres du Danemark, incluant des patients âgés de 50 ans et plus, ayant une FA et un AVC ischémique initial (AVCi). Ces patients ont initié ou repris un traitement par ACO après leur sortie de l'hôpital entre janvier 2014 et décembre 2021. Le suivi s'est poursuivi jusqu'en juin 2022 pour identifier les récidives d'AVC ischémique. Une analyse cas-témoin emboîtée a été réalisée pour comparer les patients ayant eu une récidive d'AVC avec ceux n'ayant pas encore subi un nouvel AVC, en se basant sur les prescriptions d'ACO.
L'étude a inclus 8119 patients (54,1 % d'hommes), avec une moyenne d'âge de 78,4 ans et un score médian CHA2DS2-VASc de 4,0. Sur une période de suivi moyenne de 2,9 ans, 663 patients ont eu une récidive d'AVC, dont 80,4 % étaient sous ACO au moment de la récidive.
Un risque doublé en cas d’interruption du traitement anticoagulant
Les patients ayant interrompu le traitement anticoagulant oral ont un risque de récidive d'AVC doublé par rapport à ceux ayant continué. De plus, la gravité des AVC récidivants et les taux de mortalité sont plus élevés chez les patients ayant arrêté les ACO. L'analyse ajustée montre des résultats similaires. Les patients ayant arrêté les ACO ont un risque plus élevé de récidive d'AVC (aOR : 2,13 ; IC à 95 % : 1,57-2,89) comparé à ceux poursuivant le traitement.
L'arrêt des ACO a souvent été lié à des effets secondaires, des saignements, ou des décisions cliniques lors de procédures chirurgicales. Mais même des interruptions temporaires peuvent augmenter significativement le risque de récidive. Cette augmentation du risque est restée constante quel que soit le temps écoulé depuis l'arrêt de l'ACO (<6 mois vs ≥6 mois).
D’autres facteurs sont en jeu
Cette étude de cohorte, réalisée à partir des données de santé, ne permet pas de définir précisément les causes d’AVC chez les patients sous ACO mais un AVC ischémique peut survenir même sous anticoagulation appropriée, en raison de plusieurs mécanismes. Certains patients développent des thrombus malgré une anticoagulation efficace, souvent en raison de pathologies cardiaques sous-jacentes sévères ou de facteurs de risque thrombogéniques élevés.
Les ACO sont principalement efficaces contre les AVC cardioemboliques, mais d'autres mécanismes peuvent aussi provoquer des AVC ischémiques. Les microangiopathies, souvent dues à l'hypertension ou au diabète, peuvent conduire à des AVC lacunaires, de même que les plaques athéromateuses dans les artères carotides ou intracrâniennes. Enfin, un suivi clinique inadéquat peut contribuer aux récidives d'AVC. Un manque d’observance des patients sous ACO et des ajustements posologiques inadéquats avec sous-dosage des ACO. Les interactions entre les ACO et d'autres médicaments peuvent aussi réduire l'efficacité des anticoagulants.
Lutter contre tous les facteurs de risque d'AVC
L'étude révèle donc que 80,4% des patients ayant eu une récidive d'AVC étaient sous ACO au moment de leur AVC récidivant. Ce constat souligne que bien que l'anticoagulation soit en place, d'autres facteurs comme l'adhérence au traitement, la variabilité individuelle de la réponse au traitement, et les mécanismes concurrents d'AVC continuent à jouer un rôle crucial.
Dans cette étude, les principales causes des AVC ischémiques sous anticoagulants incluent la non-adhérence au traitement, les complications cardioemboliques persistantes malgré le traitement anticoagulant oral, et les mécanismes d'AVC non cardioemboliques. L'amélioration de l'adhérence au traitement, une adaptation posologique et une surveillance rigoureuse, ainsi qu’une gestion appropriée des comorbidités sont essentielles pour réduire le risque de récidive d'AVC chez les patients atteints de FA.