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Tuberculoses multirésistantes : 98 % de laissés pour compte

Médecins sans frontières alerte sur les difficultés d’accès aux médicaments efficaces contre les tuberculoses mutlirésistantes. Seulement 2 % des patients en profitent.

  • Par Jonathan Herchkovitch
  • Day Donaldson / OMS
  • 24 Mar 2016
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    En 50 ans, seulement deux nouveaux médicaments ont été approuvés pour lutter contre la tuberculose. Ils sont efficaces contre les formes multirésistantes, c’est-à-dire celles pour lesquelles les médicaments couramment utilisés ne suffisent plus. Mais d’après un rapport de Médecins sans frontières (MSF), publié à l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, seulement 2 % des 150 000 malades dans le monde y ont accès.

    « Après un demi-siècle d’attente, nous avons enfin de nouveaux médicaments qui pourraient sauver les patients les plus malades, et il est très frustrant de ne pas pouvoir les proposer à tous ceux qui en auraient besoin », déplore le Dr Joseph Tassew, coordinateur de MSF en Russie, pays particulièrement touché par les formes multirésistantes.

    5 % de formes multirésistantes, et bien plus dans certains pays

    Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 9,6 millions de personnes ont développé la tuberculose en 2014, et 1,5 million en sont mortes. C’est la maladie infectieuse la plus meurtrière au monde, avec le VIH. Dans 5 % des cas (480 000), elle serait multirésistante.

    Lorsque le traitement n’est pas mené à son terme dans des conditions rigoureuses – le patient se sent mieux rapidement et l’interrompt, ou les médicaments ne sont pas facilement accessibles –, ces formes résistantes apparaissent. Elles sont compliquées et longues (jusqu’à 2 ans) à traiter, et la souche résistante peut être transmise.

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    Dr Sandrine Cloëz, pharmacien référent tuberculose chez MSF : « Les formes résistantes sont traitées par une combinaison de molécules, orales et injectables, présentant de nombreux effets secondaires. Le traitement peut durer jusqu'à deux années et nécessiter 2 injections par jour. »

    D’après le Dr Cathy Hewison, référent tuberculose du département médical de MSF France, ce taux pourrait être bien plus important dans certains pays, parfois même supérieur à 50 %. « En Afrique du Sud, au Lesotho – où la prévalence du VIH rend la tuberculose encore plus mortelle –, au Belarus, en Europe de l’Est ou en Georgie par exemple, les besoins pour ces nouveaux traitements sont très importants », a-t-elle expliqué à Pourquoidocteur.

    Des médicaments encore trop chers

    Les deux nouveaux médicaments, à base de delamanid et de bedaquiline, tardent à être disponibles dans les pays les plus touchés par les formes résistantes. En Russie par exemple, MSF est le seul distributeur de delamanid, et seulement sept patients en bénéficient.

    Dans son rapport sur la surveillance de l’accès aux médicaments pour les tuberculoses résistantes, l’ONG pointe les efforts réalisés qui ont mené à une réduction générale des prix des traitements. Alors qu’il fallait compter entre 4 400 et 9 000 dollars en 2011, le coût a baissé pour atteindre entre 1 800 et 4 600 dollars.

    L’ajout des deux nouvelles molécules contribue néanmoins à une nouvelle hausse. Le traitement des tuberculoses résistantes passe par une combinaison de médicaments, à laquelle peuvent maintenant s’ajouter delamanid et bedaquiline, quand cela est nécessaire et possible. Elles pourraient coûter respectivement 1 700 et 3 000 dollars, en plus du traitement de base.

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    Dr Sandrine Cloëz, pharmacienne référent tuberculose chez MSF : « Les grosses barrières sont le prix, et le fait qu’on n’a pas toujours les quantités nécessaires pour certaines molécules. »

    « A travers un projet intitulé EndTB, nous avons quatre objectifs, explique le Dr Hewison. Mettre un maximum de patients sous traitement dans 15 pays particulièrement touchés, procéder aux essais cliniques qui manquent encore, accélérer les autorisations de mise sur le marché et faire valoir l’expérience de MSF ».

    2 % de formes résistantes en France

    La tuberculose fait chaque année 900 morts en France, d’après l’Institut Pasteur.

    Depuis 1972 et le début de la surveillance épidémiologique, son incidence a été divisée par 9, mais presque 5 000 cas ont encore été enregistrés en 2013. Parmi eux, 83 seulement présentaient une forme multirésistante, soit moins de 2 % (données InVS). Ce chiffre est faible car lorsque le traitement est suivi jusqu’au bout (6 mois en principe) comme c’est souvent le cas en France, le risque de développer des résistances est faible.

    La tuberculose touche en priorité les hommes (62 %) et les personnes nées à l’étranger pour lesquelles la prévalence de la maladie est dix fois supérieure.

    Depuis 2007, le vaccin antituberculeux (BCG) n’est plus obligatoire, mais il reste fortement conseillé pour les enfants, avant leur entrée en établissement communautaire (crèche, maternelle, centre de loisirs). La recommandation est particulièrement forte en Ile-de-France, en Guyane et à Mayotte, territoires les plus à risque.

    Pour traiter les formes multirésistantes, le delamanid a reçu une autorisation de mise sur le marché en 2014, et une autorisation temporaire d’utilisation a été renouvelée en 2015 pour la bedaquiline.

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