Prophylaxie pré-exposition
VIH : une première contamination sous traitement préventif
L'efficacité du Truvada en prévention d'une infection par le VIH est proche de 100 %. Mais une première contamination due à une souche résistante a été rapportée au Canada.
Le cas est unique à ce jour. Alors qu’il suivait son traitement préventif à la lettre, un Canadien a été contaminé par le VIH. Son médecin, le Dr David Knox, a rapporté ce cas de séroconversion à la Conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), qui se tenait à Boston (Massachussetts, Etats-Unis) du 22 au 25 février derniers.
Contamination récente
C’est en avril 2015, après deux ans de PrEP (prophylaxie pré-exposition) suivie sérieusement, que le diagnostic a été posé. L’homme, âgé de 43 ans, se rend à l’hôpital pour des douleurs abdominales sévères. Son huitième test de dépistage révèle une infection par le VIH. Elle est à un stade aigu. La souche est résistante. Le test aux anticorps rend un résultat négatif, mais celui à l’antigène p24 est positif. La contamination est donc récente.
Cet homme correspond au profil type des utilisateurs de la PrEP. Séronégatif à l’initiation du traitement, il vit en couple avec un homme séropositif mais sous traitement. Sa charge virale est contrôlée, ce qui signifie que le virus n’est plus détectable dans son sang. Mais le couple est « ouvert » : le Canadien rencontre des partenaires occasionnels et ne se protège pas toujours.
1 % de souches résistantes
Le patient a bel et bien pris sa PrEP, à raison d’un comprimé de Truvada (emtricitabine/ténofovir) par jour, comme prévu par les recommandations. L’examen sanguin le confirme : la concentration de médicament est plus élevée que la référence. Ce qui en fait le premier cas rapporté de séroconversion à ce jour, alors que l’efficacité de la PrEP est proche de 100 % lorsqu’elle est prise correctement. Mais la souche qui a contaminé le Canadien résiste aux deux molécules en question, ainsi qu’à sept autres.
« C’est un cas unique, relativise Bruno Spire, ancien président d’AIDES contacté par Pourquoidocteur. Être contaminé par un virus résistant, et sous PrEP, c’est une coïncidence d’événements rares qui ne doit pas diminuer l’intérêt de cette approche pour les populations les plus exposées. »
Le phénomène reste en effet très rare : 1 % des souches du VIH développent une résistance au Truvada. C’est ce qui explique la séroconversion : le partenaire à l’origine de l’infection était sans doute sous un traitement peu efficace.
Développer des molécules spécifiques
Aux yeux de Bruno Spire, cette étude de cas ne doit pas pousser à l’alarmisme. « Ce n’est pas parce qu’un cas n’a pas fonctionné qu’il faut remettre en cause la PrEP », estime-t-il. Ce militant associatif propose toutefois une alternative : que les molécules utilisées pour traiter le VIH et pour le prévenir ne soient pas les mêmes. Autrement dit, développer une molécule spécifiquement dédiée à la PrEP. « Ce serait l’idéal d’un point de vue théorique. Mais nous ne disposons pas encore de molécules spécifiques. »
Le patient canadien a été placé rapidement sous antirétroviraux. Au bout d’un mois, sa charge virale était indétectable. Mais cet événement confirme que la PrEP doit être envisagée comme complémentaire dans l’offre de prévention du VIH.
"C’est un cas unique"
Posté par Pourquoi docteur sur jeudi 3 mars 2016