Pesticide
Cerveau : le chlordécone continue d’impacter le développement cognitif des enfants
Une exposition prénatale et postnatale au chlordécone est associée à des troubles comportementaux et une baisse des capacités intellectuelles chez les enfants antillais.
Trente ans après son interdiction, le chlordécone cause encore des dégâts. Pour rappel, ce pesticide a été utilisé en Martinique et en Guadeloupe jusqu’en 1993 dans les bananeraies pour éliminer des insectes appelés "les charançons du bananier". "Très persistant, il a contaminé durablement les sols et l'eau, et impacte encore aujourd'hui les cultures et les productions animales", signale l’Anses. Plusieurs recherches ont montré que cette substance était toxique pour les êtres humains, car elle a des effets néfastes sur le système nerveux, la reproduction, le système hormonal et le fonctionnement de certains organes.
Récemment, des chercheurs de l’Inserm ont révélé que les jeunes enfants et les bébés en gestation exposés au chlordécone présentaient des troubles comportementaux et du développement cognitif. Pour parvenir à cette conclusion, ils ont mené une étude publiée dans la revue Environmental Health. "La neurotoxicité des expositions aiguës chez l'adulte est bien reconnue et des données empiriques suggèrent que l'exposition prénatale affecte les développements visuels et de la motricité pendant la petite enfance et l'enfance, avec une plus grande susceptibilité chez les garçons", ont-ils précisé.
4 critères pour évaluer les capacités cognitives des enfants
Dans le cadre de ces travaux, les scientifiques ont évalué les associations entre l’exposition prénatale et postnatale au chlordécone et les fonctions cognitives ainsi que le comportement des tout-petits. Pour cela, ils ont recruté 576 enfants guadeloupéens âgés de 7 ans. Afin d’évaluer leur contamination, l’équipe a mesuré les concentrations de chlordécone et d'autres contaminants environnementaux dans le sang du cordon ombilical et dans le sang des jeunes patients.
Quant aux capacités intellectuelles des enfants, elles ont été évaluées en fonction de plusieurs critères : la compréhension verbale, leur vitesse de traitement de l’information, leur mémoire de travail et leur raisonnement perceptif. Ensuite, les mères des tout-petits ont dû répondre à des questions sur les difficultés comportementales internalisées (émotions, problèmes relationnels…) et extériorisés (hyperactivité, inattention…) de leurs enfants.
Chlordécone : plus de difficultés comportementales et un QI plus faible
"Les moyennes géométriques des concentrations sanguines de chlordécone étaient de 0,13 µg/L dans le sang du cordon ombilical et de 0,06 µg/L dans le sang des enfants à l'âge de 7 ans", peut-on lire dans les recherches. Selon les auteurs, une augmentation des concentrations du pesticide dans le sang du cordon ombilical était associée à des scores plus élevés (3 %) de difficultés comportementales dites internalisées. Cependant, cela concernait majoritairement les filles.Autre constat alarmant : les tout-petits exposés à ce pesticide durant leur enfance avaient des scores de QI plus faibles et de troubles comportementaux extériorisés plus élevés. "Une multiplication par deux des concentrations de chlordécone sur 7 ans était associée à une diminution de 0,67 point du QI. Ces associations avec les capacités cognitives étaient dues à des diminutions du raisonnement perceptif, de la mémoire de travail et de la compréhension verbale. Elles étaient plus fortes chez les garçons", ont détaillé les chercheurs. Ils appellent à poursuivre les politiques publiques destinées à diminuer de l’exposition au chlordécone.