Semaine de sensibilisation à la SLA
Traitement de la SLA : un biomédicament montre “une augmentation de 130 % de la survie”
Une nouvelle biothérapie acellulaire unique au monde est actuellement en cours de développement pour traiter les personnes atteintes de la sclérose latérale amyotrophique. On en parle avec son concepteur, le Pr David Devos, neurologue, pharmacologue, directeur de l’équipe de recherche de l’Inserm U1172 et co-coordinateur du réseau ACT4ALS-MND (F-CRIN).
Pourquoi docteur : Pourquoi votre programme de recherche, SECRET-GIFT, mené grâce au Réseau ACT4ALS-MND (F-CRIN), est-il source d’espoir pour les patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ?
Pr David Devos : La sclérose latérale amyotrophique est la plus terrible des maladies du cerveau car si le neurologue ne s’est pas trompé sur le diagnostic, ce qui est très rarement le cas, nous sommes condamnés avec une espérance de vie à 3 ans en moyenne. Cela fait 50 ou 60 ans que l’on cherche des traitements dits “neuroprotecteurs”, non pas pour en guérir, mais au moins ralentir de façon importante son évolution. Actuellement, on ne dispose que d’un traitement dans le monde qui en est capable : le Riluzole. Il augmente la survie de trois mois. On a également un petit espoir avec le Tofersen mais il ne fonctionne que pour un très petit groupe de patients qui ont une mutation dans le gène SOD1. Cette maladie manque donc considérablement de traitements.
En tant que médecin-chercheur, j’ai pris un raisonnement différent car je ne pense pas qu’en agissant sur le récepteur Y ou la voie X je vais réussir à inverser une maladie où tout est détruit en deux ans.
En quoi cette nouvelle thérapie, que vous avez brevetée avec le Pr Burnouf, est-elle innovante ?
Actuellement, on fait beaucoup de thérapie ciblée, c’est-à-dire qu’on prend un récepteur et une molécule pour tenter de traiter les malades. En tant que médecin-chercheur, j’ai pris un raisonnement différent car je ne pense pas qu’en agissant sur le récepteur Y ou la voie X je vais réussir à inverser une maladie où tout est détruit en deux ans. J’ai eu l’idée de travailler sur cette biothérapie acellulaire il y a maintenant 14 ans, par le biais d’une rencontre avec le Pr Thierry Burnouf qui travaillait sur les plaquettes. En discutant ensemble, nous nous sommes rendu compte de leur pouvoir : les plaquettes ne servent pas uniquement à la coagulation sanguine, elles ont aussi une fonction de protection et de réparation des tissus grâce au sécrétome. Et nous avons eu l’idée de travailler ce système de réparation et de créer un lysat plaquettaire injectable dans le cerveau des patients SLA. Nous avons commencé à faire de la culture cellulaire en 2012 et nous nous sommes rendu compte que cela fonctionnait très bien sur deux modèles de souris SLA classiques. Depuis, nous avons bien sûr continué les essais, nous avons breveté notre innovation et lancé en 2022 la start up InVenis Biotherapies, spin off du campus lillois, pour faire un premier essai clinique sur les personnes.
Comment fabriquez-vous ce biomédicament, le lysat plaquettaire HPPL (“Human Platelet Pellet Lysate”) ?
L’idée est de récupérer des plaquettes de donneurs sains qui arrivent à la date limite de péremption, soit au 9ème jour, quand la transfusion à l’hôpital n’est plus possible. Ces plaquettes subissent ensuite plusieurs traitements de congélation et de décongélation afin de casser les membranes. Nous faisons aussi des centrifugations et nous chauffons le produit jusqu’à obtenir un liquide très clair contenant des facteurs de croissance des plaquettes sanguines et qui est compatible avec une administration humaine dans le système nerveux central.
Lors de nos essais sur les animaux, on a constaté à chaque fois qu’on administrait la bonne dose de produit une très forte neuroprotection.
Comment se ferait la prise du traitement pour les personnes atteintes de SLA ?
C’est un traitement au long cours. L’idée est d’injecter le traitement directement dans le cerveau du malade grâce à un cathéter très fin placé derrière la tête et qui ne pénètre que de 3 cm dans le cerveau. Le système est relié à une petite pompe placée sous la peau du ventre afin d’administrer une dose spécifique. Cela nécessite une intervention, mais les risques d'hémorragie ou d’infection sont très faibles, on l’a vu sur les patients ayant une maladie de Parkinson qui sont traités de cette façon pour l’administration de dopamine.
Quels sont les premiers résultats ?
Lors de nos essais sur les animaux, on a constaté à chaque fois qu’on administrait la bonne dose de produit une très forte neuroprotection. On a vu, dans le modèle le plus sévère de la maladie, une augmentation de 130 % de la survie, ce qui est exceptionnel.
Si tout se passe bien, quand pourrait-on espérer voir ce traitement sur le marché français ?
Nous devons lancer le premier essai clinique sur 12 personnes en 2026-2027. Ensuite, si tout cela se passe bien, nous en lancerons un second. Mais il faut savoir qu’un essai thérapeutique bien fait, c’est toujours minimum 3 à 5 ans, car il faut être très prudent, trouver la bonne dose pour chaque patient, etc. Donc, dans le meilleur des cas, je dirais que cela sera dans un peu plus de 2 ans pour les premiers patients et 10 ans pour toutes les personnes le souhaitant.
Connaissez-vous déjà les caractéristiques des patients qui pourront participer à ce premier essai ?
Avec l’équipe de recherche du réseau ACT4ALS, on a déjà une idée des critères concernant ces patients, mais nous sommes toujours en discussion. C’est assez complexe car il faut réussir à bien évaluer le médicament et si nous définissons des critères trop stricts, nous aurons plus de difficultés à trouver des malades, mais si c’est très large, les patients seront trop hétérogènes… Un critère sur lequel nous sommes unanimes, c’est qu’il nous faut des patients “au début” de la maladie, qui ont une évolution à la même vitesse, et des formes de SLA qui ne sont ni trop rapides, ni trop lentes.